Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sahara occidental

L'ONU tente de sortir de l'impasse

Dans son dernier rapport, Kofi Annan demande au Conseil de sécurité de choisir entre quatre options pour trouver une issue au conflit du Sahara occidental, enlisé depuis 11 ans. Il suggère notamment le retrait de la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum qui a coûté un demi milliard de dollars à la communauté internationale sans obtenir de résultats significatifs.
New York, de notre correspondant

Onze ans après l’installation au Sahara occidental de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum (Minurso), Kofi Annan dresse un bilan «pessimiste mais réaliste», selon ses propres termes, de la situation. Dans son dernier rapport sur la question remis au Conseil de sécurité, il estime que le processus de paix est dans une situation «lugubre». Surprenant aussi bien sur la forme –plus directe, moins diplomatique- que sur le fond –quatre options proposées au Conseil au lieu d’une- le document d’une vingtaine de pages a surpris les connaisseurs de la question. Il semble indiquer une certaine frustration de l’ONU face à un dossier qui n’avance pas.

La guerre a éclaté au Sahara occidental en 1976 lorsque cette ancienne colonie espagnole, riche en phosphates et grande comme la moitié de la France, a été annexée par le Maroc. Le Front Polisario a alors pris les armes pour revendiquer avec le soutien de l’Algérie l’indépendance de ce territoire. Après la négociation d’un cessez-le-feu en 1991, la Minurso s’y est établie pour garantir que les combats ne reprendraient pas et organiser un référendum d’autodétermination, accepté en principe par le Maroc, l’Algérie et le Front Polisario. Le processus électoral est, depuis, bloqué en raison de désaccords fondamentaux entre les protagonistes sur la composition des listes d’électeurs dont dépend probablement le résultat du scrutin.

Le Conseil de sécurité doit trancher

Nommé en 1997 comme représentant de Kofi Annan dans la région, l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker, a tenté de débloquer la situation en juin dernier en proposant d’instaurer une autonomie provisoire sous souveraineté marocaine pour cinq ans, avant de procéder au référendum. Le projet a provoqué une levée de boucliers côté algérien et dans les rangs du Front Polisario qui a crié à «l’intégration» et refusé de négocier. James Baker n’a eu d’autre choix que de revenir huit mois plus tard avec un nouveau rapport endossé par Kofi Annan et demandant au Conseil de sécurité de donner des directives claires. «Les parties n’ont pas manifesté la volonté de coopérer pleinement avec les Nations unies» écrit Kofi Annan avant de demander aux 15 membres du Conseil de trancher entre quatre options.

La première est évoquée à reculons. Il s’agit de reprendre la marche vers le référendum, mais sans plus «requérir l’accord des parties avant d’agir». Même en vertu de cette approche «non consensuelle» l’ONU est susceptible de «rencontrer les mêmes obstacles que ceux rencontrés ces dix dernières années», estime le rapport, dans la mesure où «le Maroc a exprimé son refus d’aller de l’avant» dans cette voie. Le secrétaire général de l’ONU ajoute que «les Nations unies risquent de ne pas pouvoir tenir un référendum libre et équitable dont les résultats seraient acceptés par les deux camps», en l’absence d’un «mécanisme pour faire appliquer les résultats du référendum». «C’est une option pour la forme» affirme Mohamed Bennouna, représentant du Maroc à l’ONU pour qui ce plan est «une perte de temps». Dans le camp adverse, le négociateur en chef du Polisario auprès de la Minurso, Mhamed Khaded, se réjouit aux côtés de l’Algérie de voir que «cette option soi-disant écartée par le Conseil est remise sur la table».

Dans un deuxième point, le rapport propose de prendre en compte les avis émis par les protagonistes sur le projet d’autonomie, puis, sans plus de consultations, de le soumettre au Conseil de sécurité qui le finaliserait, avant de le proposer aux parties «sur une base non-négociable». Ce projet est soutenu par le Maroc qui y voit «l’avenir», même s’il réserve son jugement final. Le représentant marocain se prévaut du soutien de huit des membres du Conseil de sécurité, dont la France et trois autres permanents. L’Algérie et le Front Polisario rejettent toujours avec véhémence cette solution revenant selon eux à intégrer le territoire au Maroc.

Pour la première fois dans un de ses rapports, l’ONU évoque en troisième point une idée controversée. Il s’agirait de charger James Baker «d’explorer une dernière fois si les parties sont oui ou non décidées à discuter (...) une possible division du territoire». Ce projet de partition pourrait lui aussi être présenté aux parties en conflit par le Conseil de sécurité «sur une base non négociable». L’Algérie et le Polisario sont ouverts, mais le Maroc ne veut même pas entendre parler d’un plan qui porte atteinte de son point de vue à son intégrité territoriale.

La plus surprenante des propositions est gardée pour la fin. «Le Conseil de sécurité pourrait décider de mettre un terme à la Minurso, suggère Kofi Annan, reconnaissant ainsi qu’après plus de 11 ans et la dépense de (...) un demi-milliard de dollars, les Nations unies ne vont pas régler le problème». De l’avis de plusieurs ambassadeurs, le retrait des quelque 250 observateurs militaires onusien serait «irresponsable» car de nature à relancer les combats. Ni l’Algérie ni le Maroc ne soutiennent cette proposition qui ne déplairait pas au Front Polisario pour qui la Minurso est la «gardienne d’un cessez-le-feu exploité par le Maroc».

«Je suis conscient qu’aucune de ces options ne va apparaître idéale», conclut Kofi Annan qui recommande au Conseil de sécurité de renouveler pour deux mois le mandat de la Minurso expirant normalement à la fin du mois de février. Ces deux mois de réflexion devraient être mis à profit par l’ONU pour trancher, même s’il est peu probable que les pays membres du Conseil de sécurité, divisés en deux camps de force presque égale, parviennent à choisir clairement une solution qui lèsera l’un ou l’autre des protagonistes.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 22/02/2002