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Djibouti

L'affaire Borrel relancée ?

Le juge français Jean-Baptiste Parlos a ordonné une nouvelle autopsie. Bernard Borrel est ce juge français retrouvé mort en 1995 à Djibouti, alors qu'il était conseiller spécial du ministre de la Justice. Sa veuve a toujours soutenu la thèse de l’assassinat politique, contre la thèse officielle du suicide.
Après une reconstitution à Djibouti, du 23 février au 3 mars 2002, le juge parisien Jean-Baptiste Parlos n’aura pas tardé pour demander l’exhumation de Bernard Borrel. Le 7 mars, le magistrat a ordonné, pour la seconde fois, que l’on exhume le corps pour y pratiquer une autopsie. Une célérité qui tranche avec le rythme chaotique suivie par cette instruction hors normes. En six ans, l’affaire a déjà connu trois magistrats. Le quatrième veut une enquête exemplaire, c’est pourquoi il a accepté la présence et la participation des avocats d’Elisabeth Borrel, la veuve du juge, elle aussi magistrate à Toulouse, dans le cadre de la reconstitution. «Depuis notre voyage et la reconstitution, nous avons la certitude que cela ne peut pas être un suicide, tonne Maître Olivier Morice, on prétend que la victime se serait aspergée d’essence avant de s’immoler, mais seul le haut du corps est brûlé.»

Dans l'enquête à trous qui entoure l'affaire Borrel, les éléments de médecine légale sont en effet les plus troublants pour contester la thèse du suicide. Le 19 octobre 1995, sur les lieux de la mort, un belvédère situé à 60 kilomètres au sud de la capitale, les gendarmes retrouvent aussi une sandale carbonisée, mais les pieds de la victime sont intacts. L’expertise privée, conduite par le professeur Lazarini, une sommité de la médecine légale, relève qu'il n'y a pas de traces de suie dans les bronches, ni de produits de combustion dans les poumons. Conclusion : le corps ne peut donc avoir été brûlé du vivant du sujet.

Le déroulé des événements semble lui aussi très improbable. Bernard Borrel aurait d’abord enlevé une sandale, puis serait descendu de trois mètres sur des cailloux. Là, il serait donc aspergé d’essence avant de s’immoler, puis de parcourir 17 mètres dans une pente assez raide formée de gros cailloux de pierre volcanique. Or, à la première autopsie, ses plantes de pieds nues ne portaient aucune trace de coupure ou de plaie. Enfin, le magistrat «déprimé», père deux jeunes enfants, se serait recroquevillé seul entre deux pierres. Un scénario jugé parfaitement fantaisiste par maître Morice. Le collège des trois experts de médecine légale désigné par le juge Parlos, pourront aussi effectuer des analyses toxicologiques, jamais réalisées, afin d’apporter de nouveaux éléments à l'enquête.

Une décision rarissime

Cette décision rarissime d'exhumer à nouveau le corps de Bernard Borrel marque un nouveau tournant dans ce qui ressemble à la chronique d'une enquête ratée, truffée d'absences. A l’origine, il n’y a pas d'autopsie effectuée à Djibouti. Les premiers enquêteurs n’ont même pas le réflexe d’opérer des relevés d’empreintes ou des prélèvements sur les taches de sang découvertes près du corps. Un peu plus tard, c'est un dossier médical qui disparait à l'hôpital militaire français de Djibouti : le dossier de Bernard Borrel qui contient, entre autres, les radios des poumons censées prouver le suicide. Il y aussi, dans les bizarreries de l’enquête, ce pompiste qui assure avoir servi le magistrat, le jour de sa disparition. Que dit ce témoin ? Que la victime était accompagnée d’un «autre Blanc». De qui s’agit-il ? Question sans réponse.

Quatre ans après les faits, un ancien lieutenant djiboutien, adjoint de la Garde présidentielle, témoigne devant les deux premiers magistrats parisiens chargés de l'affaire, les juges Roger Le Loire et Marie-Paule Moracchini. Mohamed Saleh Alhoumekani leur raconte une conversation ayant eu lieu le 19 octobre 1995, le lendemain de la mort. Lors de cette discussion, avec notamment le patron des services secrets de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh aurait affirmé : «Le juge fouineur a été tué sans aucune trace». Un témoignage qui accrédite la thèse de l'assassinat et accuse l'homme qui, en 1995, était le chef de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon. Aujourd'hui, IOG est président de la République. Le témoignage du lieutenant ne sera pas vraiment pris en compte par les deux magistrats qui, finalement, sont dessaisis du dossier l’an dernier.

Aujourd’hui, le quatrième magistrat veut une enquête exemplaire. C'est pour cela qu'il a ordonné cette seconde exhumation. Pour mener une nouvelle autopsie dont il espère que la vérité sortira grandie.



par David  Servenay

Article publié le 15/03/2002 Dernière mise à jour le 14/03/2002 à 23:00 TU