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Hongrie

Les conservateurs favoris des sondages

Les électeurs hongrois désignent ce dimanche 7 avril leur nouveau parlement. Le deuxième tour aura lieu le 21 avril. En tête dans les sondages les conservateurs au pouvoir à Budapest affrontent l’opposition socialiste. Le gouvernement issu des urnes fera entrer la Hongrie dans l’Union européenne, dont l’adhésion est prévue vers 2004.
«Viktor ? on l’adore !» affirme une spectatrice venue écouter le premier ministre hongrois qui entend mener à la victoire son parti, la Fidesz (Jeunes démocrates, droite conservatrice). Viktor Orban monte enfin sur scène. Souriant, élégant, la cocarde aux couleurs magyares à la boutonnière, le Premier ministre n’a rien perdu de ses talents d’orateur qui le révélèrent au monde entier en 1989, lorsqu’il réclama devant une foule immense le départ des troupes soviétiques de Hongrie.

Douze ans plus tard, l’ancien étudiant qui avait fondé un mouvement contestataire est devenu un politicien de 38 ans, résolument à droite, qui brigue un deuxième mandat. Le ton est populiste mais le tribun séduit toujours, émaillant son discours de blagues. «Vous vous souvenez de la devinette d’antan : qu’est-ce qui est petit, sombre et qui frappe à la porte ?….l’avenir ! Tout cela, c’est fini», martèle Orban, la Hongrie est aujourd’hui un pays optimiste. «Ce n’est pas nous qui adhèrerons à l’Europe, c’est l’Europe, à laquelle avons toujours appartenu, qui nous rejoindra». Candidat modèle, la Hongrie devrait entrer dans l’Union européenne vers 2004. Puis Orban signe un «contrat avec les citoyens» sur un grand panneau blanc que les spectateurs sont aussi invités à parapher.

Le «contrat» – beaucoup d’autoroutes, moins d’impôts, hausse des salaires – s’inspire de la campagne électorale de Silvio Berlusconi qui est d’ailleurs venu soutenir Viktor l’espace d’une journée à Budapest. Le premier ministre hongrois poussera-t-il l’émulation avec le Cavaliere jusqu’à gouverner avec le Miép, parti d’extrême-droite raciste et antisémite (5% des voix au parlement sortant) qui risque d’être la seule force d’appoint si Orban n’a pas de majorité ? Certains le craignent. «La Fidesz , c’est du Miép ‘light’», clame une affiche du petit parti libéral (SZDSZ, démocrates libres). Les démocrates libres – parti issu de la dissidence au communisme et qui a gouverné avec les socialistes de 1994 à 1998 – n’ont cessé de critiquer l’autoritarisme et le nationalisme de Viktor Orban, l’accusant d’une coopération tacite avec l’extrême-droite.

Le gouvernement a par exemple mené une véritable chasse aux sorcières dans les media publics et remplacé des journalistes jugés trop «libéraux» – un euphémisme en Hongrie car le mot libéral signifie de «gauche» mais aussi «juif» – par des rédacteurs de droite et d’extrême-droite. Une manière, pour Viktor Orban, de drainer les électeurs de l’extrême-droite vers la Fidesz et d’affaiblir le Miép afin d’éviter une coalition avec un allié peu reluisant.

Les démocrates libres, crédités de 7 % d’intentions de vote, pourraient de nouveau s’allier aux socialistes en cas de victoire de ces derniers. Le parti socialiste (MSZP, ex-communistes) est le grand rival des Jeunes démocrates de Viktor Orban, avec 38 % des intentions de vote (contre 43 % pour la Fidesz). Les programmes économiques des deux grands adversaires diffèrent peu. Toutefois les socialistes font figure de libéraux face à l’État interventionniste prôné par Viktor Orban. Ces quatre dernières années, l’État est revenu en force dans la vie publique, distribuant d’importantes subventions et lançant de grands programmes: aide au logement pour la classe moyenne, chantiers publics et mécénat culturel. Le gouvernement a en fait distribué les fruits de la croissance ( 3,8 % en 2001). Mais il a par ailleurs suspendu les appels d’offre dans l’attribution de certains marchés publics pour promouvoir un capitalisme magyar. Au grand dam de l’opposition qui dénonce l’absence de transparence et soupçonne le parti d’Orban de chercher en réalité à s’assurer une clientèle et des sources de financement.

«La Hongrie mérite mieux». Le slogan des socialistes est faible mais est à la mesure de leur candidat au poste de premier ministre, Péter Medgyessy. Ce technocrate modéré et courtois, âgé de 59 ans, est plus compétent que charismatique. Ancien ministre des finances, il fut membre du comité central du parti communiste le plus réformiste d’Europe de l’est. Les communistes hongrois furent en effet les seuls, dans le camp socialiste, à réformer l’économie avant les premières élections libres de 1990.

N’empêche que Péter Medgyessy fait partie de l’ancienne nomenklatura reconvertie dans les affaires – il a notamment dirigé la filiale hongroise de Paribas – ce que dénonce la droite hongroise. C’est leur faiblesse majeure : les socialistes n’ont pas profité des quatre dernières années dans l’opposition pour mettre de nouveaux leaders à la tête du parti et moderniser leur discours.

Ecoutez , Thomas Schreiber, politologue et chroniqueur au journal francophone de Budapest.



par Florence  La Bruyère

Article publié le 05/04/2002