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Audiovisuel

Canalweb fait place Net

L’éclatement de la bulle financière en 2001 n’épargne personne. Dernière victime, Canalweb. Comme d’autres start-up, faute de recettes publicitaires suffisantes, le pionnier de la TV sur le Web est en liquidation judiciaire. Retour sur un essai non transformé.
Une idée, une start-up, une levée de fonds, le public qui ne vient pas au rendez-vous et des financiers qui jettent l’éponge. Ce scénario se répète sur l’Internet. Cette fois-ci, c’est au tour de Canalweb de mettre la clé sous la porte. Le pionnier de la TV sur Internet a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Canalweb qui avait déposé son bilan fin septembre, n’a pas trouvé de repreneur miracle. Le plan de sauvetage a échoué. Le tribunal a jugé que les offres des deux repreneurs en lice étaient insuffisantes, tant en montant qu’en personnel. Les actionnaires auront investi 25 millions d'euros sur trois ans pour créer l'une des sociétés de télévision les plus innovantes d'Europe. L’idée de base qui a présidé à la création de Canalweb en 1998 : développer un bouquet de programmes multi-thématiques sur Internet, à la manière de TPS ou d’un CanalSat du Web (d’où le nom de Canalweb d’ailleurs), avec une partie payante et une partie en clair, comme le reste de la télévision numérique. Jusqu’au bout, Canalweb est resté fidèle à son credo: Internet est l’avenir de la télévision thématique et de la télévision interactive.

L’opérateur qui a soulevé beaucoup d’espoirs à ses débuts, n’aura pas le succès escompté. La faute à qui? Première raison invoquée pour expliquer cet échec : La baisse des recettes publicitaires. En effet, le modèle économique de l’Internet repose essentiellement sur les revenus publicitaires. Pour pallier les défaillances de ce marché entré en récession depuis fin 2001, Canalweb commence à tester à partir de mai 2001 les services payants sur mysexytv.com. Dans un autre registre pour trouver de nouvelles sources de revenus, Canalweb exporte son savoir-faire via des prestations aux entreprises (formations, séminaires de communication,etc). Ces services qui dégagent des revenus restent minoritaires.

Un pari de long terme

La bataille est également technologique. Le concept de la télé sur Internet n’est pas encore au point. L’audience reste trop confidentielle. Le président et fondateur de Canalweb Jacques Rosselin dément : «Notre audience moyenne en 2001 était de 400 000 téléspectateurs mensuels, soit à peu près l'audience d'une chaîne thématique du câble.» Les internautes se sont fatigués de voir une télévision sur le Web au format carte de crédit, avec un niveau de qualité qui en promet pour l’instant, plus qu’il n’en montre. Ce type de trafic nécessite un équipement en réseaux à large bande (c’est-à-dire des technologies de connexion à grande vitesse comme le satellite, le câble ou les modems ADSL). Le déploiement du haut débit n’en est encore qu’à ses débuts en France. Un pari risqué et manifestement perdu. Réponse nuancée de Jacques Rosselin: «Tout pari comporte un risque. Pour le reste, le haut débit est la technique de diffusion de télévision qui croît le plus vite en France. 200 000 prises l'année dernière, 1 million aujourd'hui. CanalWeb perd ce pari aujourd'hui parce que c'est un pari de long-terme. Nous avons manqué d’argent et de temps.»

La plupart des financements des sociétés Internet ont été fait dans une optique spéculative de court-terme. La création d'un média de télévision sur Internet nécessite un investissement de long-terme, de l'ordre de 100 millions d'euros sur quatre ou cinq ans, une somme qui va hélas bien au delà des moyens mobilisables par les actionnaires-fondateurs de CanalWeb. La télé sur le Web : une vraie-fausse bonne idée? Pour lui, plus qu’une idée, c’est une réalité : «Demandez à TF1, LCI, Noos, Vivendi, Universal, M6, Endemol, CNN, TVWeb Tours, TVPI, etc. CanalWeb a créé le premier opérateur de bouquet dans ce domaine. Nous n'avons pas eu les moyens et le temps de développer ce bouquet à l'instar de nos homologues du câble et du satellite. Eux ont pourtant fait la preuve de l'inanité de leur business model en matière de télévision. Ils perdent de l'argent depuis des années.»



par Myriam  Berber (avec AFP)

Article publié le 18/05/2002