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Question basque

Madrid déterminé à interdire Batasuna

Les députés espagnols ont adopté mardi soir à une écrasante majorité un projet de loi sur les partis politiques dont le principal objectif est de déclarer hors-la-loi le parti indépendantiste basque Batasuna, bras politique de l’organisation terroriste ETA. Cette loi, adoptée au cour d’une séance extraordinaire, doit encore passer devant le sénat avant d’entrer en vigueur vraisemblablement dès le mois de juillet. Elle est fortement contesté au Pays basque où l’église a mené la contestation.
Une fois n’est pas coutume, les deux principales formations politiques du pays, le Parti populaire (PP) et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), se sont alliées pour que le projet de loi sur les partis soient adoptés à une large majorité. Ce projet de loi très controversé, prévoit que le Tribunal suprême espagnol pourra interdire et dissoudre, à la demande du gouvernement, de 50 députés ou de 50 sénateurs, toute formation politique dont l’activité consiste à «détériorer ou détruire le régime des libertés, ou à éliminer le système démocratique». Un article de cette nouvelle loi prévoit en outre explicitement que «le soutien actif ou tacite au terrorisme» est un motif de dissolution. Il vise directement Batasuna, un parti qui a pourtant obtenu aux dernières élections régionales près de 10% des voix.

Ce projet de loi n’a toutefois pas obtenu le soutien de tous les partis espagnols. Il a été violemment dénoncé non seulement par Batasuna mais aussi par le Parti nationaliste basque (PNV), au pouvoir au Pays basque, pourtant vivement opposé à la violence prônée par ETA. La coalition Izquierda Unida (gauche unie autour du parti communiste) y est également violemment opposée. Elle assure que cette loi s’inscrit «dans la stratégie du PP de fracturer la société basque entre nationaliste et non-nationaliste et de diviser les opinions politiques espagnole et basque».

Quand l’église s’en mêle

Contre toute attente, ce sont les évêques basques qui ont ouvert le feu la semaine dernière contre la nouvelle loi sur les partis. Dans un texte intitulé «préparer la paix», ils ont exprimé leur crainte que l’interdiction du parti indépendantiste n’ait de «sombres conséquences». Ils estiment en effet que «la division et la confrontation civile risquent de s’aggraver» et que la sécurité des personnes menacées devienne «plus précaire». Les évêques affirment de plus que leurs préoccupations sont partagées par «un pourcentage majoritaire de citoyens basques de diverses tendances politiques».

Les évêques basques ont largement été soutenus dans leur démarche par 358 prêtres, plus radicaux, qui se sont élevés contre la position «anti-démocratique» du gouvernement espagnol qui «consiste à nier l’exercice du droit fondamental à l’autodétermination revendiqué par la majorité du Pays basque». Ces derniers dénoncent également «l’environnement officiel fortement hostile» qui prévaut dans une région où «la conscience d’appartenir à une identité basque s’affirme de jour en jour».

Cette prise de position de l’église basque a été durement critiquée par le gouvernement espagnol qui l’a qualifiée d’«immorale». Il accuse en effet les prêtres de s’aligner sur «les positions les plus radicales du nationalisme basque» et de ne pas prendre en compte «la souffrance des victimes du terrorisme et d’exprimer de la compréhension à l’égard des bourreaux». Le gouvernement a enfin estimé que ce soutien aux séparatistes basques est «en contradiction totale avec les valeurs de l’Eglise catholique».

Quelque trente mille personnes ont manifesté dimanche 5 mai à Bilbao contre la mise hors-la-loi de Batasuna. Une nouvelle manifestation est prévue le 15 juin.

A écouter :
Gorka Landaburu journaliste, ancien correspondant de RFI au pays Basque. (Invité Matin de RFI le 05/06/2002)



par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/06/2002