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Espagne

L'Espagne chasse les Marocains de l'îlot contesté

L’Espagne a repris par la force l’îlot de Persil mercredi matin, un rocher de 13,5 hectares occupé depuis une semaine par une douzaine de soldats marocains. L’intervention des forces spéciales, soutenues par l’aviation, n’a fait «ni blessé, ni perte» mais elle aggrave la crise diplomatique entre Madrid et Rabat. Alors que l’Espagne rappelle son ambassadeur, le Maroc en appelle au Conseil de sécurité de l’ONU.
Les Espagnols le nomment Perejil, les Marocains Leïla, le minuscule îlot de Persil, situé entre Gibraltar et Tanger, est un bout de rocher qui depuis la fin des années 50 et l’indépendance du Maroc, n’appartient clairement à personne. Il est pourtant devenu la nouvelle pomme de discorde entre Madrid et Rabat. Au point de déclencher une opération militaire de la part de l’Espagne mercredi matin. L’objectif était de déloger la douzaine de soldats marocains stationnés depuis une semaine sur cette île inhabitée. Selon Madrid, l’intervention des forces spéciales, appuyées par l’aviation, «s’est déroulée sans perte, ni blessé», mais elle a provoqué des réactions très vives de la part du Maroc. «C’est une déclaration de guerre», a affirmé un parti de la coalition au pouvoir, le MNP, Mouvement national populaire marocain, une opération «indigne d'un pays démocratique», a renchéri un autre parti du gouvernement, le Rassemblement national des Indépendants. De leur coté, les islamistes modérés du PDJ, le part de la Justice et du Développement, y voient «une preuve de la persistance de l’esprit colonialiste des Européens». Quant au ministère marocain des Affaires étrangères, il a immédiatement saisi le Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin à ce qu’il qualifie «d’agression».

L’îlot de Persil est en effet à l’intérieur des eaux territoriales du royaume marocain, Rabat en revendique donc la souveraineté alors que Madrid a plutôt tendance à considérer que ce bout de terre lui revient, au même titre que les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, un peu plus à l’est. La crise de Persil a éclaté le 11 juillet dernier, lorsque les autorités marocaines ont installé un «poste de surveillance» sur l’île, c’est à dire planté deux drapeaux et dressé deux tentes pour loger ses soldats. Officiellement, Rabat entendait lutter contre les terroristes et l’émigration clandestine dans le secteur. Mais cette «occupation» symbolique est venue dégrader un peu plus les relations entre les deux pays, déjà entachées par les dissensions autour du Sahara occidental ou le partage des zones de pèche. Le jour même, l’Espagne réclamait en vain le départ des militaires marocains et décidait de renforcer sa présence maritime et aérienne dans le détroit de Gibraltar afin de protéger ses possessions territoriales d’Afrique du Nord. Jusqu’à l’intervention de ce mercredi matin qui a permis de déloger les Marocains.

Satisfaction de l’Otan, colère de la Ligue Arabe

L’Alliance atlantique a approuvé l’opération de l’Espagne car elle estime que c’est le Maroc qui a déclenché les hostilités en rompant le statu quoen vigueur depuis plus de dix ans. L’Otan avait d’ailleurs clairement pris fait et cause en faveur de l’Espagne dans cette affaire en qualifiant le déploiement de soldats marocains sur l'îlot d'«action inamicale, contraire au traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération signé par les deux pays en 1991». En revanche, la Ligue Arabe, par la voix de son secrétaire général Amr Moussa, «regrette profondément le recours à la force» et appelle Madrid à entamer des négociations avec Rabat.

Traditionnellement, l’Espagne est appréciée dans le monde arabe pour son rôle modérateur. C’est elle qui avait été choisie en octobre 1991 pour la conférence de paix au Proche-Orient. Et c’est à Barcelone qu’ont été lancées en 1995 des discussions visant à créer une zone de prospérité et de paix de part et d’autre de la Méditerranée. L’intervention sur l’île de Persil est certes d’une envergure très modeste, mais elle a surpris la majorité des dirigeants arabes. Il faut dire qu’il s’agit du premier incident du genre avec un Etat arabe depuis l’instauration de la démocratie en Espagne, il y a 25 ans. Mais en fait, les relations entre le Maroc et son ancienne puissance coloniale sont particulièrement tendues depuis quelques mois. En octobre dernier, l’ambassadeur du Maroc à Madrid était déjà rappelé pour consultation. Il n’est pas revenu depuis dans la capitale espagnole et n’a pas été remplacé.

Lire également :
Espagne - Maroc : Persil contre Leila, la chronique Europe de Thierry Parisot



par Caroline  Olive

Article publié le 17/07/2002