Droit de l’Internet
Les forums du web traînés en justice
Après les hébergeurs, c’est au tour des responsables de sites web d’être dans le collimateur de la justice. Deux d’entre eux viennent d’être condamnés pour des propos jugés diffamatoires publiés sur leurs forums de discussion.
Première affaire: l’association Defense-consommateur a été condamnée pour «écrits particulièrement injurieux et appels à la violence» sur le forum de son site web envers le cybermarchand Pere-noel.fr. Les deux responsables ont été condamnés à verser 94 000 euros à la société à titre de dommages et intérêts. Dans la seconde affaire, le webmaster du site ideesmaison.com se voit, pour les mêmes motifs, demander 200 000 euros de dommages et intérêts par le groupe Domexpo qui a déposé plainte «pour atteinte à son image et à son honneur».
Pour la première fois en France, ce sont les forums qui sont dans le collimateur de la justice. Ces «lieux virtuels de libre expression» sont sous la responsabilité éditoriale des responsables du site estime la justice française qui assimile un forum à une rubrique de publication télématique.
Le Forum des droits sur l’internet (FDI) dont l’une des missions est d’organiser la concertation entre acteurs publics et privés sur les questions de société liées à l’Internet, a pris l'initiative de lancer une réflexion sur «les responsabilités liées à l'exploitation de forums de discussion». Résultat: la publication, le 18 juillet dernier, d'un dossier qui expose la manière dont le droit actuel est susceptible d'être interprété par le juge, sensibilise les acteurs aux risques qu'ils encourent et formule des conseils de prudence à leur attention.
La crainte de la censure
Ce document propose quelques pistes de réflexion. Lionel Thoumyre, spécialiste dans le droit de l’information, est le rapporteur du groupe. Selon lui, les forums en ligne sont un précieux outil d'expression individuelle, collective ou citoyenne. L’enjeu principal se situe au niveau de l’exercice de la liberté d’expression. «Responsabiliser l'exploitant d'un forum sur la nature des thèmes qu'il propose semble tomber sous le sens. Mais le fait de lui confier de facto la responsabilité des propos tenus sous des thématiques licites est plus gênant, explique-t-il. Cela l'incline, pour se protéger juridiquement, à filtrer tout message suspect alors même qu'il ne possède pas nécessairement les compétences juridiques pour distinguer ce qui est licite de ce qui ne l'est pas». Et de rappeler que: «Bon nombre de forums sont créés par des particuliers avec très peu de moyens et qu’ils ne peuvent bien sûr pas embaucher du personnel capable d’effectuer une modération éclairée. On peut donc craindre un effet de censure a priori excessive de la part des exploitants. L'enseignement que l'on peut tirer d'une telle situation est qu'il faudra peut-être repenser la manière dont l'équilibre entre la liberté d'expression, la protection de l'ordre public et la protection des droits des personnes peut être préservé sur les services de communication interactive».
Ce débat autour de la responsabilité ou non des acteurs du Net est complexe. L’affaire Estelle Halliday-Altern en février 1999 a constitué un premier jalon dans la création d’une jurisprudence de la responsabilité sur Internet. Suite à cette affaire, le législateur français a choisi d'instaurer un système de responsabilité limitée au profit des hébergeurs (cf. loi du 1er août 2000). Les exploitants de forums de discussion ne semblent pas pouvoir en bénéficier, la responsabilité de l’éditeur de site étant régie par le droit de la presse et de l’audiovisuel. Comme le précise Lionel Thoumyre: «La responsabilité de l’éditeur de site exploitant un forum de discussion peut être retenue sur différents fondements: responsabilité éditoriale ou complicité sur le plan pénal, responsabilité pour faute ou imprudence sur le plan civil».
Plusieurs associations et collectifs entendent protester contre cette tendance. Très déterminés, ils demandent «une clarification de la législation sur la responsabilité des prestataires techniques de forum». De son côté, le Forum des droits sur l’internet (FDI) compte également répondre à cette attente comme l’indique Lionel Thoumyre: «Ayant relevé un certain nombre de difficultés que pose l'application du droit de la communication audiovisuelle et de la responsabilité civile aux activités d'intermédiation, le Forum n'exclut pas de monter un groupe de travail qui permettrait d'approfondir ces premières réflexions et d'obtenir une concertation sur le sujet». Cyberculture oblige. Les internautes sont invités à communiquer leurs remarques sur ce dossier par courrier électronique au FDI.
Myriam BERBER
Liens utiles
http://www.foruminternet.org
http://www.foruminternet.org/publications/lire.phtml?id=358
http://www.odebi.org
Pour la première fois en France, ce sont les forums qui sont dans le collimateur de la justice. Ces «lieux virtuels de libre expression» sont sous la responsabilité éditoriale des responsables du site estime la justice française qui assimile un forum à une rubrique de publication télématique.
Le Forum des droits sur l’internet (FDI) dont l’une des missions est d’organiser la concertation entre acteurs publics et privés sur les questions de société liées à l’Internet, a pris l'initiative de lancer une réflexion sur «les responsabilités liées à l'exploitation de forums de discussion». Résultat: la publication, le 18 juillet dernier, d'un dossier qui expose la manière dont le droit actuel est susceptible d'être interprété par le juge, sensibilise les acteurs aux risques qu'ils encourent et formule des conseils de prudence à leur attention.
La crainte de la censure
Ce document propose quelques pistes de réflexion. Lionel Thoumyre, spécialiste dans le droit de l’information, est le rapporteur du groupe. Selon lui, les forums en ligne sont un précieux outil d'expression individuelle, collective ou citoyenne. L’enjeu principal se situe au niveau de l’exercice de la liberté d’expression. «Responsabiliser l'exploitant d'un forum sur la nature des thèmes qu'il propose semble tomber sous le sens. Mais le fait de lui confier de facto la responsabilité des propos tenus sous des thématiques licites est plus gênant, explique-t-il. Cela l'incline, pour se protéger juridiquement, à filtrer tout message suspect alors même qu'il ne possède pas nécessairement les compétences juridiques pour distinguer ce qui est licite de ce qui ne l'est pas». Et de rappeler que: «Bon nombre de forums sont créés par des particuliers avec très peu de moyens et qu’ils ne peuvent bien sûr pas embaucher du personnel capable d’effectuer une modération éclairée. On peut donc craindre un effet de censure a priori excessive de la part des exploitants. L'enseignement que l'on peut tirer d'une telle situation est qu'il faudra peut-être repenser la manière dont l'équilibre entre la liberté d'expression, la protection de l'ordre public et la protection des droits des personnes peut être préservé sur les services de communication interactive».
Ce débat autour de la responsabilité ou non des acteurs du Net est complexe. L’affaire Estelle Halliday-Altern en février 1999 a constitué un premier jalon dans la création d’une jurisprudence de la responsabilité sur Internet. Suite à cette affaire, le législateur français a choisi d'instaurer un système de responsabilité limitée au profit des hébergeurs (cf. loi du 1er août 2000). Les exploitants de forums de discussion ne semblent pas pouvoir en bénéficier, la responsabilité de l’éditeur de site étant régie par le droit de la presse et de l’audiovisuel. Comme le précise Lionel Thoumyre: «La responsabilité de l’éditeur de site exploitant un forum de discussion peut être retenue sur différents fondements: responsabilité éditoriale ou complicité sur le plan pénal, responsabilité pour faute ou imprudence sur le plan civil».
Plusieurs associations et collectifs entendent protester contre cette tendance. Très déterminés, ils demandent «une clarification de la législation sur la responsabilité des prestataires techniques de forum». De son côté, le Forum des droits sur l’internet (FDI) compte également répondre à cette attente comme l’indique Lionel Thoumyre: «Ayant relevé un certain nombre de difficultés que pose l'application du droit de la communication audiovisuelle et de la responsabilité civile aux activités d'intermédiation, le Forum n'exclut pas de monter un groupe de travail qui permettrait d'approfondir ces premières réflexions et d'obtenir une concertation sur le sujet». Cyberculture oblige. Les internautes sont invités à communiquer leurs remarques sur ce dossier par courrier électronique au FDI.
Myriam BERBER
Liens utiles
http://www.foruminternet.org
http://www.foruminternet.org/publications/lire.phtml?id=358
http://www.odebi.org
par Myriam Berber
Article publié le 24/07/2002