Belgique
Matonge, bout d’Afrique au cœur de l’Europe
Sous l’impulsion d’une municipalité renouvelée lors des élections de 2000, Matonge, le quartier africain de Bruxelles, réhabilite son image, en s’ouvrant aux autres Bruxellois et aux Européens de passage.
Dans la capitale belge, à deux pas des institutions européennes, subsiste un quartier, grand comme un mouchoir de poche, qui, en quarante ans d’existence, est devenu le lieu de rencontre de tous les Africains d’Europe. Il tire son nom d’une place de marché, bordée de cafés, de Kinshasa:Matonge.
Ce jumeau du Nord est né des rendez-vous que se donnaient les rares étudiants congolais à qui la Belgique avait octroyé des bourses, à la fin des années 50. Le siège de la Maison des Colonies était à quelques minutes, et la discothèque Mambo s’imposait comme le troisième pôle d’attraction des «Belgicains», comme on surnommait les expatriés.
L’indépendance du pays augmente le flux des migrants. De riches Kinois ouvrent des boutiques dans la galerie marchande d’Ixelles : cafés, restaurants, bijouteries, salons de coiffure, magasins de wax et épiceries exotiques prolifèrent, offrant leurs marchandises aux étudiants, diplomates, membres de la famille Mobutu en «week-end», ou de la Sûreté belge, qui trouvent là un point de rencontre idéal.
«On mettait nos plus beaux vêtements pour venir à Matonge. C’était l’un des haut lieux de l’élégance africaine», se souvient Nicole, patronne aujourd’hui de quatre salons de coiffure à Matonge. Ce sont des amis de Kinshasa, où elle vécut dans son enfance, qui, il y a vingt-trois ans, ont poussé cette Haïtienne à se lancer dans la coupe de cheveux alors qu’elle étudiait la médecine. Elle ne regrette rien. Piero Fili, non plus. Cet Italien est ravi de pouvoir faire éclater la rumba congolaise du matin jusqu’au soir dans son magasin Musicanova où il reçoit régulièrement les grands noms de la musique africaine, à titre d’«amis de la maison».
Coupes gominées à la zaïroise
Si à ses origines, le quartier était dominé par la présence des Congolais, il s’est développé grâce à d’autres Africains (Rwandais, Burundais, Maliens et Sénégalais), aux Latino-Américains, initialement les clients des coupes gominées à la zaïroise, et plus récemment aux Indo-Pakistanais. Mais ce fut également affaire de conjonctures, car dans les années 90, le standing de Matonge s’est brutalement affaissé. «Le quartier est devenu une plaque tournante du «milieu» africain, avec sa cohorte de voyous, de trafics de marchandises volées, de drogue et de faux papiers», notent les sociologues Eric Corijn et Walter de Lannoy dans une étude consacrée aux différents quartiers de Bruxelles. La tension monte alors entre les résidents (7000 habitants dont 45% de non Belges) et les usagers de Matonge. Les agressions et les rafles policières créent une atmosphère de violence qui chasse les anciens clients du quartier. En janvier 2001, alors que, après 170 ans de gestion du parti Libéral, la mairie d’Ixelles passe sous le contrôle d’une coalition socialiste et écologiste, Matonge connaît une série d’émeutes après la mort d’un jeune, abattu par un policier.
Les nouvelles autorités mettent en place une série de consultations avec la population –opération peu aisée puisque les «usagers» sont par essence hors de Matonge–. Une médiatrice est nommée. Une antenne spéciale de police est créée. Les commerçants s’organisent. Mais la menace est autrement plus lourde sur la petite Afrique de Bruxelles. Aux marges des bâtiments de l’Union Européenne et des commerces de luxe de la Porte Louise, elle est convoitée par les spéculateurs immobiliers qui surveillent, avec intérêt, sa dégradation. La riposte est simple: «Matonge doit devenir une vitrine du continent noir au cœur de Bruxelles», proposent les sociologues qui invitent à la création «de nouveaux commerces, tels que des librairies, des magasins d’art, ou des restaurants visant une clientèle métissée». Au-delà du quartier, les urbanistes voient dans cette affirmation de Matonge le début de la construction d’une identité culturelle de la capitale belge, qui, avec un million d’habitants, a du mal à se faire reconnaître comme une grande ville européenne.
Ce jumeau du Nord est né des rendez-vous que se donnaient les rares étudiants congolais à qui la Belgique avait octroyé des bourses, à la fin des années 50. Le siège de la Maison des Colonies était à quelques minutes, et la discothèque Mambo s’imposait comme le troisième pôle d’attraction des «Belgicains», comme on surnommait les expatriés.
L’indépendance du pays augmente le flux des migrants. De riches Kinois ouvrent des boutiques dans la galerie marchande d’Ixelles : cafés, restaurants, bijouteries, salons de coiffure, magasins de wax et épiceries exotiques prolifèrent, offrant leurs marchandises aux étudiants, diplomates, membres de la famille Mobutu en «week-end», ou de la Sûreté belge, qui trouvent là un point de rencontre idéal.
«On mettait nos plus beaux vêtements pour venir à Matonge. C’était l’un des haut lieux de l’élégance africaine», se souvient Nicole, patronne aujourd’hui de quatre salons de coiffure à Matonge. Ce sont des amis de Kinshasa, où elle vécut dans son enfance, qui, il y a vingt-trois ans, ont poussé cette Haïtienne à se lancer dans la coupe de cheveux alors qu’elle étudiait la médecine. Elle ne regrette rien. Piero Fili, non plus. Cet Italien est ravi de pouvoir faire éclater la rumba congolaise du matin jusqu’au soir dans son magasin Musicanova où il reçoit régulièrement les grands noms de la musique africaine, à titre d’«amis de la maison».
Coupes gominées à la zaïroise
Si à ses origines, le quartier était dominé par la présence des Congolais, il s’est développé grâce à d’autres Africains (Rwandais, Burundais, Maliens et Sénégalais), aux Latino-Américains, initialement les clients des coupes gominées à la zaïroise, et plus récemment aux Indo-Pakistanais. Mais ce fut également affaire de conjonctures, car dans les années 90, le standing de Matonge s’est brutalement affaissé. «Le quartier est devenu une plaque tournante du «milieu» africain, avec sa cohorte de voyous, de trafics de marchandises volées, de drogue et de faux papiers», notent les sociologues Eric Corijn et Walter de Lannoy dans une étude consacrée aux différents quartiers de Bruxelles. La tension monte alors entre les résidents (7000 habitants dont 45% de non Belges) et les usagers de Matonge. Les agressions et les rafles policières créent une atmosphère de violence qui chasse les anciens clients du quartier. En janvier 2001, alors que, après 170 ans de gestion du parti Libéral, la mairie d’Ixelles passe sous le contrôle d’une coalition socialiste et écologiste, Matonge connaît une série d’émeutes après la mort d’un jeune, abattu par un policier.
Les nouvelles autorités mettent en place une série de consultations avec la population –opération peu aisée puisque les «usagers» sont par essence hors de Matonge–. Une médiatrice est nommée. Une antenne spéciale de police est créée. Les commerçants s’organisent. Mais la menace est autrement plus lourde sur la petite Afrique de Bruxelles. Aux marges des bâtiments de l’Union Européenne et des commerces de luxe de la Porte Louise, elle est convoitée par les spéculateurs immobiliers qui surveillent, avec intérêt, sa dégradation. La riposte est simple: «Matonge doit devenir une vitrine du continent noir au cœur de Bruxelles», proposent les sociologues qui invitent à la création «de nouveaux commerces, tels que des librairies, des magasins d’art, ou des restaurants visant une clientèle métissée». Au-delà du quartier, les urbanistes voient dans cette affirmation de Matonge le début de la construction d’une identité culturelle de la capitale belge, qui, avec un million d’habitants, a du mal à se faire reconnaître comme une grande ville européenne.
par Marion Urban
Article publié le 28/07/2002