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Amérique latine

Le FMI, pompier accusé de pyromanie

Argentine, Brésil, Uruguay frappent à la porte du FMI pour tenter de sortir de la crise économique et financière où ils se débattent. L'institution monétaire internationale adopte cependant une politique différenciée à leur égard. Pendant ce temps, des critiques s'élèvent, en Amérique latine : n'est-ce pas justement d'avoir suivi les recettes préconisées par le FMI qui est la cause de leurs difficultés ?
Entraîné dans le sillage de la crise argentine, l’Uruguay est confronté à un grave effondrement économique et financier. La fuite massive de capitaux a entamé aux trois quarts les réserves monétaires de la banque centrale. Les conséquences sociales de cette dépression financière se font désormais lourdement sentir et des pillages de magasins ont lieu dans les quartiers pauvres de la capitale Montevideo. Mais, considéré jusqu’à présent comme un modèle de gestion, l’Uruguay est un «bon élève» aux yeux du FMI qui s’apprête donc à lui porter secours. L’appui des Etats-Unis semble également avoir été déterminant et l’Uruguay devrait recevoir rapidement une assistance de 1,5 milliard de dollars du FMI.

Les difficultés de l’Uruguay sont en effet en lien direct avec la crise qui sévit en Argentine, le géant voisin, mais aussi au Brésil, autre pays du Mercosur (marché commun latino-américain) à connaître une dépression aiguë. Le FMI négocie actuellement avec une délégation brésilienne les modalités d’une aide supplémentaire, extension du programme de crédit qui court jusqu’en décembre prochain ou adoption d’un nouveau dispositif débordant sur 2003. Les montants en jeu sont d’une tout autre ampleur : le Brésil ne dispose plus que d’un milliard de dollars de crédit sur un total de 15,2 milliards de dollars accordés par le FMI en septembre 2001. La situation politique, et plus précisément électorale, du Brésil pèse en outre sur le climat économique. En octobre auront lieu des élections qui pourraient bien être remportées par la gauche ou le centre-gauche, ce que semblent craindre les investisseurs.

Application stricte des recettes

En Argentine, la crise s’approfondit et le FMI se fait prier pour reprendre son aide. Celle-ci a été interrompue en décembre dernier en raison de l’incapacité du gouvernement argentin à atteindre les objectifs de redressement fixés par le FMI et conditionnant son apport financier. La négociation se poursuit depuis plusieurs mois sur la relance de cette aide et n’est probablement pas proche d’aboutir en raison de l’importance des efforts exigés de l’Argentine. Le secrétaire d’Etat au trésor Paul O’Neill entreprend la semaine prochaine une tournée en Amérique latine qui le conduira dans les trois pays en difficultés, Argentine, Brésil et Uruguay, occasion pour les responsables de ces pays de plaider leur cause auprès des Etats-Unis Ce pays demeure en effet le premier actionnaire du FMI et a manifesté le souhait que soient attribuées avec circonspection les aides aux pays en difficultés. A cela s’ajoute l’exigence qu’ils adoptent de «bonnes politiques».

C’est bien l’orientation économique libérale imposée par les organisations financières internationales, dit «consensus de Washington», qui fait l’objet de vives critiques en Amérique latine. Des analystes voient dans la situation actuelle l’effondrement de l’économie de marché néo-libérale appliquée à des pays en développement. L’Argentine et le Brésil auraient été plongés dans la crise pour avoir suivi pendant des années les plans du FMI. Certains ajoutent même qu’il faut profiter de la crise pour opérer des changements car elle a appris qu’il ne sert à rien d’appliquer strictement des recettes dont le résultat est de privilégier la finance à l’économie réelle. Déjà le Parti des Travailleurs, en bonne place pour remporter les élections au Brésil en octobre prochain, a fait savoir qu’il éviterait de recourir au FMI car son aide a un prix trop élevé.

Ecoutez également :
l'Uruguay en crise (Jean-Marie Coat, 02/08/2002, 4'29")



par Francine  Quentin

Article publié le 02/08/2002