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Caucase

Poutine menace de frapper les Tchétchènes en Géorgie

La Russie, qui accuse la Géorgie de «laxisme» dans sa traque des rebelles tchétchènes accusés par Moscou de mener des incursions sur son territoire, a menacé d’intervenir militairement dans les gorges de Pankissi, une région montagneuse du nord de cette ancienne république soviétique. Cette menace intervient au moment où le président américain George Bush tente d’arracher à l’ONU une résolution justifiant une offensive contre l’Irak. Washington, qui a affirmé «soutenir l’intégrité territoriale» de la Géorgie, s’est déclaré fermement opposé à une intervention militaire russe dans la région. Une intervention, qui selon plusieurs experts, pourraient s’avérer désastreuse pour Moscou.
La tension entre Moscou et Tbilissi, qui depuis plusieurs semaines déjà était perceptible, est montée d’un cran après que le président russe a menacé d’intervenir militairement dans les gorges de Pankissi qu’il estime servir de base arrière aux rebelles tchétchènes. Vladimir Poutine a en effet revendiqué auprès des Nations unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le droit d’intervenir en Géorgie au nom de la lutte anti-terroriste. Dans une lettre adressée à Kofi Annan et aux pays membre de l’OSCE, il a ainsi dénoncé «le non-respect flagrant par Tbilissi de la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU qui a un caractère contraignant pour tous les Etats» en ce qui concerne la coopération anti-terroriste. «En conséquence, a-t-il notamment écrit, la Russie peut être contrainte de se servir du droit à l’autodéfense» prévu par l’organisation internationale en réponse aux attentats du 11 septembre contre New York et Washington. Vladimir Poutine est même allé plus loin en demandant notamment à l’état-major russe de lui «présenter ses conclusions sur la possibilité de mener des frappes sur les bases terroristes préalablement repérées dans le cadre d’opérations de poursuite».

La Géorgie, qui avait déjà accusé à plusieurs reprises l’aviation russe de bombarder son territoire –la dernière attaque datant des 22 et 23 août dernier, ce que Moscou a toujours nié– a vivement réagi aux menaces de Vladimir Poutine. Les autorités géorgiennes ont en effet affirmé qu’elles «ne toléreraient pas» une intervention de la Russie sur son territoire pour y pourchasser des rebelles. Tbilissi a même souligné qu’«une intervention unilatérale de la Russie équivaudrait à une déclaration de guerre». Les Etats-Unis, pour qui la Géorgie est un allié important dans sa politique de lutte contre le terrorisme –une centaine d’Américains participent actuellement à la formation de quelque 1 700 officiers et soldats géorgiens–, ont aussitôt affirmé leur opposition aux menaces de Moscou. «Nous sommes en ferme désaccord avec les déclarations de M. Poutine menaçant d’agir contre des cibles tchétchènes sur le territoire de la Géorgie», a notamment affirmé un porte-parole du département d’Etat; en soulignant que Washington «soutenait avec force l’intégrité territoriale» de cette république du Caucase.

Menace réelle ou fanfaronnade de Moscou ?

Le moment choisi par Vladimir Poutine pour proférer ses menaces contre Tbilissi ne semble pas anodin. Il intervient en effet au moment où Washington réclame de l’ONU «une résolution ferme» contre Bagdad. Pour certains analystes, «même s’ils soutiennent le président Chevardnadze, les Etats-Unis sont aujourd’hui beaucoup trop préoccupés par l’Irak pour prendre ouvertement la défense de la Géorgie contre la Russie». D’autres observateurs vont encore même beaucoup plus loin en affirmant que Moscou, qui est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, pourrait modérer son opposition à une intervention contre l’Irak si les Américains laissaient en échange l’aviation russe frapper les bases rebelles tchétchène présumées en Géorgie.

Une opération militaire russe en Géorgie, dont la chance de succès semble très minime, pourrait toutefois coûter cher à la Russie sur le plan diplomatique. Un expert militaire a en effet affirmé qu’«il était désormais trop tard pour préparer une opération terrestre dans les gorges de Pankissi, la neige rendant inaccessible aux Russes cette région, sans l’aide des Géorgiens». Selon lui, des frappes aériennes, dont l’efficacité est très aléatoire comme l’ont prouvé les bombardements en Tchétchénie, pourraient par ailleurs être très mal perçues par la communauté internationale qui avait déjà condamné les attaques du mois d’août dernier. Sans compter qu’une intervention russe risquerait de déstabiliser encore plus un pays déjà miné par la corruption et dont plus de 20% du territoire échappe au contrôle du pouvoir central.

Les menaces de Vladimir Poutine pourraient donc davantage s’apparenter à une tentative de réaffirmer le rôle de la Russie dans une région stratégique dans laquelle, depuis les attentats du 11 septembre, Washington est intervenu à plusieurs reprises, notamment à travers la coopération militaire.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/09/2002