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Sri Lanka

Pourparlers de paix entre le gouvernement et la guerilla tamoule

L’ouverture de négociations de paix ce lundi en Thaïlande relance l’espoir de la signature d’un accord prochain entre Colombo et les rebelles tamouls. Après trente ans de conflit et maintes tentatives infructueuses, plusieurs facteurs se conjuguent pour que, cette fois, les deux parties parviennent à un compromis.
Les négociations qui se sont ouvertes ce lundi en Thaïlande, sous l’égide de la Norvège, constituent l'ultime épisode d'une longue série de gestes consentis par les deux parties au cours de l'année écoulée et attestant d'une réelle volonté, de part et d'autre, d'aboutir à une solution au conflit. Indépendamment de la gravité de la situation au Sri Lanka, en raison de l'ancienneté de la guerre civile et des souffrances endurées, chacun de leurs côtés les deux camps ont de bonnes et inédites raisons de vouloir hâter la recherche d'une conclusion rapide et durable.

Sur le plan militaire, après trente ans de guérilla séparatiste, des dizaines de milliers de victimes et des centaines de milliers de déplacés, il semble bien que les autorités de Colombo ont cessé de croire qu’une victoire militaire était toujours possible, ou qu’elle permettrait d’en finir avec les revendications nationalistes de la minorité tamoule (12% de la population). Pourtant le gouvernement n’a jamais négligé cette dimension sécuritaire du problème et il affecte toujours plus du tiers du budget de l’Etat aux dépenses d’armement. Tout voyageur en transit à Colombo est d’ailleurs impressionné par l’atmosphère de camp retranché qui règne dans la capitale sri lankaise, pourtant réputée haut-lieu du tourisme international. C’est une particularité de cette guerre civile : les rebelles frappent partout et durement, y compris dans la capitale, comme l’attestent les attentats perpétrés au cours de ces dernières années. En attaquant l’année dernière l’aéroport international de Colombo, ils ont frappé là où ça fait mal : le tourisme, l’un de ces secteurs pourvoyeurs en devises dont dispose le pays. Une insécurité qui a sa part dans la récession que connaît le Sri Lanka depuis l’année dernière, pour la première fois de son histoire.

La paix comme nécessité économique

La paix et la relance de l’économie ont donc été les deux principaux thèmes de la profession de foi du premier ministre arrivé au pouvoir en décembre, Ranil Wickremesinghe. Depuis, il s’est personnellement engagé dans cette voie, malgré la très vive opposition des nationalistes cinghalais incarnés à la tête de l’Etat par la présidente Chandrika Kumaratunga. Dès sa prise de fonction il relance une proposition de médiation norvégienne. En février dernier il obtient un cessez le feu, toujours en vigueur. Et le 4 septembre dernier, il passe outre les oppositions et lève l’interdiction qui pesait sur les Tigres de l’Eelam tamoul (LTTE).

Pour autant, en dépit des difficultés des autorités de Colombo, la situation des Tigres n’est pas bonne. Toutes ces années de guerre ont ravagé les rangs des séparatistes, dont les soutiens se raréfient, et les attaques-suicides auxquelles ils se sont livrés au cours de ces quinze dernières années ont profondément choqué l’opinion publique internationale, et notamment le voisin indien sur l’aide duquel ils pouvaient compter jusqu’à la fin des années 80. La rupture entre New Delhi et les Tigres aura des conséquences funestes : en 1991 les LTTE exportent jusqu’en Inde leurs kamikazes en assassinant le premier ministre Rajiv Gandhi. Ces attaques, perpétrées jusqu’au cœur de la capitale sri lankaise, vont profondément bouleverser le paysage politique national en renforçant l’influence des militaires, puisque c’est désormais l’ensemble du territoire qui est concerné. Les attentats se succèdent et touchent les plus hautes personnalités du pays : en 1993, le président Ranasinghe Premadasa est, lui aussi, tué par l’une de ces bombes humaines actionnées depuis Jaffna, quartier général de la résistance tamoule. Cependant le monde a changé et la complaisance à l’égard des mouvements de libération nationale a fait place à une sévère condamnation du terrorisme sous toutes ses formes. Aujourd’hui les LTTE sont isolés. Ils figurent sur la liste américaine des organisations terroristes et leur chef, Velupillai Prabakharan, est recherché par Interpol. Sans toutefois renoncer formellement aux armes, ce dernier a déclaré que son mouvement ne faisait plus de la partition du pays une priorité et qu’il se satisferait d’une «large autonomie» pour la province du nord, bastion historique des Tamouls sri lankais.

Les négociations qui s’ouvrent aujourd’hui en Thaïlande ne sont pas les premières entamées entre le gouvernement de Colombo et les LTTE. Quatre précédentes tentatives avaient échoué et la guerre avait repris. Mais, celle-ci, dans le contexte global qui prévaut actuellement, soulève de grands espoirs. Il ne faut toutefois pas attendre de ces trois prochains jours de pourparlers la conclusion immédiate d’un traité de paix. Tout juste serviront-ils à poser le cadre des discussions de ces prochains mois. Et à réaffirmer l’engagement des deux parties dans le maintien de la trêve.



par Georges  Abou

Article publié le 16/09/2002