Russie-Union européenne
La Tchétchénie s’invite au sommet
Le conflit caucasien perturbe l’emploi du temps bien rodé des diplomates, mais ne remettra pas en cause le partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie. En dépit des apparences.
Semaine chargée pour la diplomatie russe. Outre le Xème sommet UE-Russie de ce lundi, à Bruxelles, Vladimir Poutine doit se rendre mardi en visite officielle à Oslo et ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères sont attendus jeudi à Paris pour y mener des entretiens avec leurs homologues, avant d’être reçus par le chef de l’Etat. A chaque escale, un même dossier s’imposera à un moment ou un autre : celui de la situation en Tchétchénie. C’est une véritable épine dans les relations entre la Russie et l’Europe occidentale car, en raison de la permanence et de la brutalité du conflit, elle peut toujours se manifester. Dans le contexte international, les capitales européennes ont montré, depuis le début de la seconde guerre en 1999, un profil plutôt réservé à l’égard de la situation, apparemment soucieux de ne pas embarrasser Moscou.
La tragique prise d’otages dans le théâtre moscovite, à partir du 23 octobre, a brusquement ramené la communauté internationale à des préoccupations plus caucasiennes. D’autant que, quasi-simultanément, se tenait au Danemark (siège de la présidence de l’Union européenne) le premier Congrès mondial tchétchène, rassemblant notamment les partisans du président Aslan Maskhadov, ennemi désormais déclaré du Kremlin, qualifié d’assassin dimanche encore par Vladimir Poutine. N’ayant pas réussi à convaincre les autorités danoises d’interdire la réunion, les Russes purent néanmoins obtenir de Copenhague l’arrestation de l’émissaire du président tchétchène, sous l’accusation de complicité avec les preneurs d’otages. La justice danoise doit rendre son avis mardi 12 novembre sur le sort d’Akhmed Zakaïev et en particulier sur la demande d’extradition adressée par Moscou. Enfin dernière exigence satisfaite des autorités russes : le déplacement du sommet de Copenhague à Bruxelles.
La vivacité des réactions russes aux critiques sur la guerre en Tchétchénie, la volonté affichée du Kremlin de franchir le point de non-retour avec les indépendantistes, évoquent que Moscou se sent les mains-libre. Le contexte international et le ralliement aux objectifs de la guerre contre le terrorisme laissent une marge de manœuvre considérable, surtout lorsque la frontière s’atténue entre «indépendantiste» et «radical», puis «terroriste», puis «islamiste», voire les deux. C’est sur cet axe que repose l’essentiel de l’argumentation de Vladimir Poutine. Le président russe compare désormais le président indépendantiste tchétchène à Oussama Ben Laden et, en conséquence, exclut naturellement toute négociation avec lui. Il veut préparer, avec les Tchétchènes pro-russes, un référendum visant à clarifier le cadre de l’autonomie du territoire au sein de la Fédération, puis organiser des élections, dont les indépendantistes seraient exclus. Lors de la réunion consacrée à la région, dimanche à Moscou, Vladimir Poutine a aussi évoqué le remplacement des soldats russes par des miliciens tchétchènes, eux aussi pro-russes.
Partenariat stratégique
En dépit de la prudence qu’ils manifestent, les gouvernements occidentaux ne sont pas suspects de sympathies, ni pour les méthodes employées par les Russes, ni pour leurs projets. Certains peuvent même manifester une certaine hostilité en réclamant, comme l’ont fait l’Allemagne et la Suède, l’inscription de la Tchétchénie à l’ordre du jour du sommet de Bruxelles. La sensibilité des opinions publiques et l’influence des organisations de défense des droits de l’homme comptent pour beaucoup dans les prises de positions nationales ou communautaires qui finissent par apparaître comme des postures «de circonstances». Car les Etats ont également leur propre calendrier qui ne suit pas forcément l’agenda de l’opinion publique. C’est ainsi qu’à Bruxelles un pas décisif devait être franchi dans la résolution du problème des visas pour les citoyens russes de l’enclave de Kaliningrad, qui devront dés 2004 traverser un espace européen élargi à la Pologne et à la Lituanie. Rien ne devrait non plus empêcher l’examen approfondi de la coopération économique bilatérale, fondé sur un partenariat qualifié de «stratégique», à Bruxelles. En dépit des gesticulations de rigueur, l’affaire tchétchène sera examinée, certes, mais avec les précautions diplomatiques d’usage. Et il ne sera certainement pas question de «sanctions», ni même «d’avertissement». D’ailleurs, les deux parties sont théoriquement d’accord sur le principe d’une solution politique du conflit, ce qui peut constituer la base minimum d’une déclaration finale.
Lundi matin, à Bruxelles, une manifestation de protestations contre la guerre menée par Moscou en Tchétchénie rassemblait des personnalités et des élus européens. Selon le philosophe français André Glucksmann, bien connu pour son engagement ancien dans ce combat, «le scénario afghan pend au nez des Occidentaux». Lors d’une réunion à la veille du sommet de Bruxelles, dimanche à Moscou, des opposants à la ligne du Kremlin, hommes politiques et défenseurs des droits de l’homme, ont comparé la situation dans le Caucase à celle qui prévaut au Proche-Orient. L’un d’entre eux, ancien président du parlement russe, a même préconisé l’intervention de l’ONU. A Oslo, un collectif d’organisations norvégiennes ont annoncé leur intention de manifester mardi à l’occasion de la visite du président Poutine.
A lire également :
La Tchétchénie s'invite à Bruxelles
Edito international de Richard Labévière (11/11/2002).
Un sommet euro-russe sous l'emprise tchétchène
Chronique europe de Valérie Lainé (11/11/2002).
La tragique prise d’otages dans le théâtre moscovite, à partir du 23 octobre, a brusquement ramené la communauté internationale à des préoccupations plus caucasiennes. D’autant que, quasi-simultanément, se tenait au Danemark (siège de la présidence de l’Union européenne) le premier Congrès mondial tchétchène, rassemblant notamment les partisans du président Aslan Maskhadov, ennemi désormais déclaré du Kremlin, qualifié d’assassin dimanche encore par Vladimir Poutine. N’ayant pas réussi à convaincre les autorités danoises d’interdire la réunion, les Russes purent néanmoins obtenir de Copenhague l’arrestation de l’émissaire du président tchétchène, sous l’accusation de complicité avec les preneurs d’otages. La justice danoise doit rendre son avis mardi 12 novembre sur le sort d’Akhmed Zakaïev et en particulier sur la demande d’extradition adressée par Moscou. Enfin dernière exigence satisfaite des autorités russes : le déplacement du sommet de Copenhague à Bruxelles.
La vivacité des réactions russes aux critiques sur la guerre en Tchétchénie, la volonté affichée du Kremlin de franchir le point de non-retour avec les indépendantistes, évoquent que Moscou se sent les mains-libre. Le contexte international et le ralliement aux objectifs de la guerre contre le terrorisme laissent une marge de manœuvre considérable, surtout lorsque la frontière s’atténue entre «indépendantiste» et «radical», puis «terroriste», puis «islamiste», voire les deux. C’est sur cet axe que repose l’essentiel de l’argumentation de Vladimir Poutine. Le président russe compare désormais le président indépendantiste tchétchène à Oussama Ben Laden et, en conséquence, exclut naturellement toute négociation avec lui. Il veut préparer, avec les Tchétchènes pro-russes, un référendum visant à clarifier le cadre de l’autonomie du territoire au sein de la Fédération, puis organiser des élections, dont les indépendantistes seraient exclus. Lors de la réunion consacrée à la région, dimanche à Moscou, Vladimir Poutine a aussi évoqué le remplacement des soldats russes par des miliciens tchétchènes, eux aussi pro-russes.
Partenariat stratégique
En dépit de la prudence qu’ils manifestent, les gouvernements occidentaux ne sont pas suspects de sympathies, ni pour les méthodes employées par les Russes, ni pour leurs projets. Certains peuvent même manifester une certaine hostilité en réclamant, comme l’ont fait l’Allemagne et la Suède, l’inscription de la Tchétchénie à l’ordre du jour du sommet de Bruxelles. La sensibilité des opinions publiques et l’influence des organisations de défense des droits de l’homme comptent pour beaucoup dans les prises de positions nationales ou communautaires qui finissent par apparaître comme des postures «de circonstances». Car les Etats ont également leur propre calendrier qui ne suit pas forcément l’agenda de l’opinion publique. C’est ainsi qu’à Bruxelles un pas décisif devait être franchi dans la résolution du problème des visas pour les citoyens russes de l’enclave de Kaliningrad, qui devront dés 2004 traverser un espace européen élargi à la Pologne et à la Lituanie. Rien ne devrait non plus empêcher l’examen approfondi de la coopération économique bilatérale, fondé sur un partenariat qualifié de «stratégique», à Bruxelles. En dépit des gesticulations de rigueur, l’affaire tchétchène sera examinée, certes, mais avec les précautions diplomatiques d’usage. Et il ne sera certainement pas question de «sanctions», ni même «d’avertissement». D’ailleurs, les deux parties sont théoriquement d’accord sur le principe d’une solution politique du conflit, ce qui peut constituer la base minimum d’une déclaration finale.
Lundi matin, à Bruxelles, une manifestation de protestations contre la guerre menée par Moscou en Tchétchénie rassemblait des personnalités et des élus européens. Selon le philosophe français André Glucksmann, bien connu pour son engagement ancien dans ce combat, «le scénario afghan pend au nez des Occidentaux». Lors d’une réunion à la veille du sommet de Bruxelles, dimanche à Moscou, des opposants à la ligne du Kremlin, hommes politiques et défenseurs des droits de l’homme, ont comparé la situation dans le Caucase à celle qui prévaut au Proche-Orient. L’un d’entre eux, ancien président du parlement russe, a même préconisé l’intervention de l’ONU. A Oslo, un collectif d’organisations norvégiennes ont annoncé leur intention de manifester mardi à l’occasion de la visite du président Poutine.
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par Georges Abou
Article publié le 11/11/2002