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Arménie

Kotcharian demande un nouveau mandat

Plus de 6 000 observateurs, dont 466 représentants d’organismes internationaux, vont surveiller le bon déroulement de l’élection présidentielle qui a lieu, ce mercredi, en Arménie. Après les nombreuses infractions relevées lors du dernier scrutin de 1998, il s’agit d’un test attendu pour évaluer les progrès de la démocratie dans cette petite République du Caucase, indépendante depuis 1991, dont la situation économique est très difficile. L’opposition a d’ailleurs affirmé qu’elle descendrait dans la rue pour protester contre la moindre irrégularité dans ce scrutin.
Tous les sondages placent Robert Kotcharian, le président sortant, en tête des neuf candidats en lice dans l’élection présidentielle arménienne. Il est vrai que le nombre élevé de postulants à la magistrature suprême joue en sa faveur. Malgré tout, l’un de ses concurrents, Stepan Demirtchian, a réalisé des progrès significatifs ces derniers jours. L’hypothèse d’une victoire sans embarras au premier tour n’est donc plus aussi évidente pour Robert Kotcharian qui a préféré rester prudent en attendant le dépouillement des bulletins et les premiers résultats qui devraient être disponibles dans la nuit de mercredi à jeudi. Il a ainsi affirmé, après avoir voté en famille, qu’il ne se «lançait jamais dans la bataille sans avoir évalué ses chances de vaincre». Une formule bien moins conquérante que celle de son directeur de campagne, Vaag Mkrtchian, qui avait affirmé: «Tous les sondages montrent que Robert Kotcharian sera vainqueur».

Stepan Demirtchian n’est pas un inconnu sur la scène politique arménienne. Il est le fils de Karen Demirtchian, un ancien dirigeant du Parti communiste (1974-1988), qui avait affronté Robert Kotcharian lors de la dernière élection présidentielle et avait fait partie des victimes de la fusillade qui a eu lieu, en 1999, au sein du Parlement national dont il était président. Et c’est bien en tant que fils de son père que Stepan Demirtchian se présente devant les électeurs. Il met en avant son héritage idéologique et joue de sa ressemblance physique avec son charismatique papa. «Mon père était très aimé et l’est encore. Il a toujours une place dans le cœur des gens et mon programme est fondé sur ses idées.»

Le deuxième outsider dans cette élection est Artaches Guegamian. Cet ancien membre du Parti communiste soviétique est député depuis 1995. Il a lui aussi été candidat à l’élection présidentielle de 1998 dans laquelle il a obtenu un score insignifiant (0,45 %). Il pourrait aujourd’hui améliorer largement ce résultat car il bénéficie d’une réputation «sans tâche». Sa campagne a été axée sur le dénigrement de son principal adversaire, le président sortant et sur la nécessité d’un renforcement du partenariat avec la Russie sur le plan économique.

Régler la question du Nagorny Karabakh

Face à ces deux hommes, le principal atout de Robert Kotcharian est d’avoir réussi à donner un peu de stabilité à des Arméniens traumatisés par une décennie 90 particulièrement difficile. En 1988, l’Arménie a eu à faire face à un drame humanitaire très important à la suite d’un tremblement de terre qui a fait 25 000 morts. Cette catastrophe a détruit de nombreuses infrastructures et contribué à enfoncer le pays dans un marasme économique profond. De 1988 à 1994, la guerre qui a opposé l’Arménie à l’Azerbaïdjan voisin au sujet du Nagorny Karabakh, a aggravé cette situation. Elle a fait environ 20 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés.

Durant cette période, les Arméniens ont vécu dans des conditions terribles au rythme des coupures de gaz et d’électricité consécutives au blocus énergétique de l’Azerbaïdjan. Cette situation a poussé un très grand nombre de personnes à s’expatrier. On estime ainsi qu’environ 800 000 Arméniens ont émigré depuis l’indépendance.

Malgré un cessez-le-feu signé il y a 9 ans, le sort du Nagorny Karabakh, une province située en Azerbaïdjan mais peuplée d’Arméniens, n’a pas encore été réglé diplomatiquement. Dans ce contexte, Robert Kotcharian, lui-même ancien chef indépendantiste du Karabakh avant sa nomination comme Premier ministre de Levon Ter Petrossian en 1997, a promis de mettre cette question au premier rang de ses préoccupations s’il est réélu.

De nombreux Arméniens affirment faire confiance au président sortant et estiment qu’il tiendra ses promesses. Car il a réussi à remettre le pays sur la voie de la croissance. Robert Kotacharian joue d’ailleurs sur cette réussite en estimant : «Quand j’ai été élu pour la première fois, les gens étaient habitués à demander quand ils toucheraient leur retraite. Aujourd’hui, ils demandent quand nous l’augmenterons». Malgré tout, la population arménienne reste très pauvre. La salaire moyen est de 45 dollars et la retraite de 10 dollars. La Banque mondiale estime que plus de 16 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

Si aucun candidat n’obtient 50 % des voix au premier tour, les électeurs devront revenir aux urnes le 5 mars pour départager les deux candidats arrivés en tête.



par Valérie  Gas

Article publié le 19/02/2003