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Terrorisme

Un Américain à Paris

Les ministres de l’Intérieur et de la Justice des pays du G8 se sont réunis lundi à Paris afin de poursuivre la coordination de leur dispositif anti-terroriste, dans la perspective du sommet qui les réunira du 1er au 3 juin à Evian. Cette réunion est également un test pour les relations franco-américaines, très dégradées depuis l’opposition manifestée par Paris à la guerre contre l’Irak. L’Attorney General John Ashcroft est en effet considéré comme un faucon ultra-conservateur au sein de l’administration américaine.
John Ashcroft est en France et cette visite du ministre américain de la Justice est la première d’un membre de l’administration Bush depuis la détérioration des relations entre Washington et Paris et le refus des Français d’accompagner les États-Unis dans leur politique de guerre préventive contre l’Irak. La présence en France de M. Ashcroft confirme en tout cas la volonté des Américains de ne pas échapper à leurs obligations internationales et de participer au sommet des huit pays les plus riches de la planète, qui se tiendra en France le mois prochain.

La visite de John Ashcroft s’inscrit dans le cadre de la préparation du sommet de ce G8 et les réunions auxquelles il prend part sont dominées par des préoccupations qui figurent parmi les priorités de l’administration américaine : la lutte contre le terrorisme, bien sûr, et la coopération judiciaire, spécialement en matière de blanchiment d’argent et de pornographie à caractère pédophile. Pour cela, les Huit envisagent de partager leur savoir-faire en matière de police scientifique, à la fois dans le domaine de la recherche des preuves fondées sur les traces d’ADN et sur l’identification des personnes par données biométriques, qui permettent de reconnaître les gens au moyens de leurs caractéristiques personnelles. Il sera également question de la protection des infrastructures sensibles, telles que les réseaux informatiques, domaine désormais stratégique dont la vulnérabilité peut mettre en péril nombre de secteurs d’activité.

John Ashcroft a la réputation d’être un ministre de la Justice ultra-conservateur. Adversaire acharné de l’avortement, partisan farouche de la peine de mort, soutenu par le lobby des marchands d’armes américains, le 11 septembre et le démarrage de la croisade anti-terroriste américaine l’ont hissé aux premiers rangs de la lutte contre Al Qaïda (avec les secrétaires à la Défense et aux Affaires étrangères). Il a autorisé les écoutes téléphoniques, les gardes à vue prolongées pour les étrangers, le durcissement des règles d’immigration, la surveillance des courriers électroniques, des organisations religieuses, des bibliothèques. Et, selon le porte-parole du Conseil pour les relations américano-islamiques (CAIT), les musulmans américains ont «depuis sa prise de fonction perdu beaucoup de leurs libertés».

Les prisonniers français de Guantanamo

La présence à Paris du ministre américain sera aussi l’occasion d’évoquer les dossiers bilatéraux franco-américains. Ashcroft et Perben se sont rencontrés en fin d’après-midi pour parler notamment des Français détenus par l’armée américaine sur sa base cubaine de Guantanamo. Ils sont six (sur un total de six cent cinquante), capturés lors de l’intervention en Afghanistan, peu après les attaques du 11 septembre. Ils sont coupés de tout contact extérieur, n’ont pas eu accès à un avocat et n’ont pas été présentés à une juge depuis leur arrivée à la base, il y a près de dix-huit mois. Lundi matin, sur notre antenne le ministre français indiquait qu’il avait «déjà eu l’occasion d’en parler avec lui (…) à Washington, à l’automne dernier, pour souligner le fait que l’on ne pouvait pas rester dans cette situation de non-droit».

La légalité de la rétention des prisonniers de Guantanamo est contestée par les familles, leurs défenseurs et les organisations de défense des droits de l’Homme qui saisissent l’occasion pour manifester leur impatience. Des procédures judiciaires sont entamées, en France, pour que la justice reconnaisse le caractère illégale et arbitraire de ces détentions. Pour le moment les plaignants n’ont pas obtenu satisfaction. Un jugement en appel concernant deux d’entre eux devrait intervenir mardi, mais rien n’indique que la justice française reviendra sur ses premières conclusions selon lesquelles les États-Unis agissent de manière légale «dans le cadre des résolutions de l’ONU reconnaissant leur droit à la légitime défense». Une position aberrante selon les avocats qui estiment que le Conseil de sécurité n’a jamais légitimé de détentions arbitraires.

Pendant ce temps, à Lyon, une autre réunion à laquelle participera l’Attorney General, se prépare. Celle-ci sera consacrée à la recherche des œuvres pillées du musée de Bagdad au cours de la période de désordre qui a accompagné la conquête de la capitale irakienne. Des policiers, membres de l’organisation policière internationale Interpol notamment, mais également des spécialistes des douanes et de l’Unesco. L’objectif est de travailler à l’établissement d’un inventaire des quelque 200 000 objets d’art dérobés lors de la mise à sac du musée et d’en empêcher l’écoulement auprès des collectionneurs les moins scrupuleux.



par Georges  Abou

Article publié le 05/05/2003