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Lettonie

Des «non-citoyens» dans l’Union européenne

Près d’un demi-million d’habitants de la Lettonie sont apatrides dans le pays. Il s’agit de russophones. On les appelle sur place des «non-citoyens» et ils portent un passeport spécial marqué alien.
De notre envoyée spéciale en Lettonie

«Je veux devenir citoyen letton, car mon fils l’est déjà et je ne voudrais pas être différent de lui. Et puis j’ai toujours vécu ici alors il le faut bien…». Vassili est russophone. Il vient déposer son dossier de demande de citoyenneté au bureau des naturalisations à Riga. Il tend discrètement un passeport sur lequel est écrit alien, un passeport de non-citoyen dont il semble avoir honte. Aujourd’hui à la veille de l’entrée dans l’Union européenne, il reste encore 500 000 personnes comme lui en Lettonie. Sans nationalité, ni Russes, ni Lettons, on les appelle pudiquement des non-citoyens, en clair, ce sont des apatrides. Dans un letton mâtiné de russe, Vassili raconte: «Comme beaucoup de Soviétiques, mon père a été envoyé pour travailler à Riga au début des années 40, moi je suis né ici. Au moment de l’indépendance de la Lettonie en 1991, je ne me voyais pas repartir en Russie. Pour aller où ?». L’accueil est chaleureux dans cette antenne du bureau des naturalisations qui ne voudrait surtout pas décourager ces nouveaux candidats à la citoyenneté. Ils sont si peu nombreux à franchir le cap.

Des trois pays Baltes, la Lettonie est celui qui a la plus forte proportion de russophones, soit près d’un tiers de la population. Longtemps montré du doigt sur cette question, accusé de discrimination par la Russie, le pays a modifié sa législation en 1998 afin de faciliter l’acquisition de la citoyenneté lettone. Un examen de langue, d’histoire et de culture lettone permet à chacun de devenir citoyen letton, à condition de résider depuis cinq ans dans le pays.

Le gouvernement veut changer les mentalités

Mais aujourd’hui, seulement 60 000 russophone ont franchi le pas et sont devenus citoyens lettons, un chiffre que déplore le bureau des naturalisations qui, après plusieurs campagnes d’information ne sait plus trop comment motiver les russophones.
Alors pourquoi le processus est il si lent ? L’examen est trop difficile ? «Non», répondent les autorités, d’ailleurs 90% des candidats sont admis. Ce que confirment ces derniers après une journée de tests: «C’est moins difficile que ce qu’on pensait». Pour Ilse Bramds Kheris, la directrice du centre letton des droits de l’homme, cet examen, bien que facile reste un obstacle pour ceux qui ont un niveau scolaire assez faible et pour ceux qui vivent dans des régions habitées uniquement par des russophones.

Par ailleurs, certains ont intérêt à demeurer non-citoyen. Les jeunes hommes y voient un avantage de taille: en restant non-citoyen, ils n’ont pas besoin de faire leur service militaire. Par ailleurs, pour ceux qui se rendent en Russie ou en Biélorussie afin de voir leur famille, les visas sont beaucoup moins chers pour les non-citoyens que pour les Lettons.
Pour Nils Muiznieks, le tout nouveau ministre de l’Intégration, le problème est surtout d’ordre psychologique. Il veut à tout prix faire évoluer les mentalités, et multiplier les campagnes d’information. «Il faut dire aux russophones qu’on est prêt à les accueillir. Tous les gens de Lettonie sont nécessaires à la Lettonie». Ce message est depuis quelques mois largement repris par la présidente de la Lettonie et les membres du gouvernement.
De façon pragmatique, on pourrait penser que le problème va se résoudre tout seul, 50% des non-citoyens ont plus de 50 ans… mais des non-citoyens continuent à voir le jour. Sur 18 000 enfants russophones nés depuis 1991 seulement 1000 sont enregistrés comme Lettons. Pourtant, ces enfants peuvent acquérir automatiquement la citoyenneté si les parents en font la demande. Il semble de plus en plus urgent de trouver une solution pour ces apatrides. On imagine mal alien écrit sur un passeport de l’Union Européenne…



par Claire  Hédon

Article publié le 22/08/2003