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Paludisme

L’investissement de Bill Gates contre le paludisme

Bill Gates, l’homme le plus riche du monde, poursuit une tournée en Afrique australe. Lundi le fondateur de Microsoft et sa femme Melinda étaient à Johannesburg en compagnie de Nelson Mandela, pour appeler à «une nouvelle révolution sociale» dans la lutte contre le virus du sida. La fondation Bill et Melinda Gates est la plus importante œuvre de bienfaisance au monde avec un capital de 25 milliards de dollars. Depuis sa création en 1994, la fondation a donné plus de trois milliards de dollars à des programmes de santé dans les pays en développement. Elle est notamment très engagée dans la lutte contre le paludisme.
De notre correspondante en Afrique du Sud.

A Hillbrow, quartier pauvre de Johannesburg, les Gates ont visité un hôpital qui accueille des malades du sida, ainsi qu’un centre de recherche sur les produits susceptibles de prévenir la transmission du virus HIV. En matière de lutte contre le sida, Bill et Melinda Gates ont donné quelques 500 milliards de dollars pour la recherche, et financent le programme national qui procure des médicaments antirétroviraux à 8000 personnes au Botswana, prochaine destination du multimillionnaire après l’Afrique du Sud.
Mais l’annonce la plus importante faite par Bill et Melinda Gates dans leur périple africain de quatre jours, suivi par une vingtaine de journalistes, concerne le paludisme. Au Mozambique, la fondation a annoncé une contribution de 168 millions de dollars, soit le double de ce qui a été jusqu’à présent versé dans le monde pour la lutte contre cette épidémie.
«Il est temps de considérer le paludisme comme la crise qu’il est réellement», a déclaré Bill Gates au centre de recherche de Manhiça à 80 kilomètres de Maputo, ajoutant qu’il était «inacceptable» que 3000 enfants meurent chaque jour de cette maladie.

Pour la première fois en vingt ans, le paludisme connaît une recrudescence et tue plus d’un million de personnes par an. La résistance aux médicaments pour le combattre est l’une des causes de cette résurgence. Les experts estiment que dans certaines régions d’Afrique jusqu’à 80 % des populations ont développé une résistance à la chloroquine, le médicament le moins coûteux.
«Nous aurions pu donner notre argent à d’autres causes», explique Bill Gates, «mais nous voulons que l’investissement porte ses fruits à long terme», a-t-il poursuivi après avoir pris dans ses bras deux enfants mozambicains qui reçoivent un traitement anti-paludisme au centre de Manhiça, lors d’une séance photos pour les médias.
Pour «faire la différence», les Gates ont donc investi dans trois domaines. Vingt-huit millions de dollars vont financer une nouvelle stratégie de prévention sur cinq ans. Le principe est de donner un médicament anti-paludisme aux enfants, pendant leur première année, en traitement préventif. Selon la fondation, le traitement peut réduire jusqu’à 59% l’incidence de paludisme chez les enfants, très vulnérables à cet âge.

«Sincère dans son engagement»

Deuxième volet: le développement de nouveaux types de médicaments pour lutter contre les résistances. Quarante millions de dollars vont ainsi aller à un partenariat public-privé qui a établi son siège à Genève, en Suisse. Enfin, cent millions de dollars sur quatre ans sont consacrés au développement de plusieurs vaccins par le Paludisme Vaccine Initiative de Seattle, aux Etats-Unis.
«L’investissement dans la recherche contre la paludisme n’est pas suffisant», a commenté Jong-Wook Lee, Directeur-Général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). «Cette contribution permettra aux chercheurs de poursuivre leurs travaux, et de rapidement évoluer des laboratoires au terrain».
Pour le personnel du centre de recherche de Manhiça, choisi par la fondation Gates, et créé par des scientifiques espagnols, la contribution va bien au-delà du centre régional. «Commercialement le paludisme n’est pas un marché intéressant pour les laboratoires, parce qu’elle touche des pays pauvres. D’où l’importance de ce genre d’intervention qui va nous permettre aussi d’attirer des scientifiques et de former des Mozambicains à la lutte contre le paludisme», explique Gonzalo Vicente, administrateur du centre de Manhiça.
Il faudra attendre un an pour voir les premiers résultats concrets du traitement préventif donné aux enfants de Manhiça, dont les chercheurs guettent avec appréhension tout risque de résistance au médicament. Quant aux vaccins, on parle de quatre à dix ans.
Certains estiment que les vaccins ne se matérialiseront jamais et qu’il est plus utile d’investir dans des moustiquaires ou des sprays. Mais Bill Gates, un passionné de biologie, se déclare confiant que, tout comme pour la poliomyélite ou la rougeole, la paludisme aura son vaccin.
Le tour de charme du géant de l’informatique n’est pas sans entraîner certaines critiques. Il a été tour à tour accusé de chercher à redorer son image après la série de procès anti-trusts contre Microsoft et de vouloir payer moins d’impôts en donnant son argent à de nobles causes. Des critiques qui laissent froid Quique Bassat, médecin au centre de Manhiça; «quelque soit la raison initiale, je pense qu’il est sincère dans son engagement contre le paludisme, et cette contribution sera déterminante pour nous».



par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 23/09/2003