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Religions

Gene Robinson, évêque anglican et homosexuel

Pour la première fois de son histoire, l’Eglise anglicane a dans ses rangs un évêque ouvertement homosexuel, Gene Robinson, qui a reçu dimanche sa consécration de l’église épiscopalienne américaine. Cette consécration menace de diviser la communauté anglicane qui compte quelque 70 millions de fidèles, certaines églises –essentiellement celles des pays du sud– ayant d’ores et déjà annoncé leur décision de couper les ponts avec la branche américaine. Soucieux de limiter ces ruptures au sein de la Communion, l’archevêque de Cantorbéry, le chef spirituel de l’Eglise anglicane, pourtant plutôt favorable à la consécration d’évêques homosexuels, a choisi de condamner cette décision en exprimant son «profond regret».
Gene Robinson a 56 ans. Ce père divorcé de deux enfants, qui vit depuis 13 ans avec un concubin, est depuis dimanche soir le premier évêque homosexuel de l’Eglise anglicane. Sa consécration par l’église épiscopalienne a provoqué au sein même de cette institution américaine de violentes réactions. De nombreux incidents ont notamment émaillé la cérémonie de sa consécration organisée sous très haute sécurité dans une patinoire de la ville de Durham, dans le New Hampshire. Des manifestants ont ainsi brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Dieu hait les homos», tandis que les églises épiscopaliennes conservatrices organisaient des offices parallèles. Le Conseil anglican américain a en outre condamné cette consécration comme «une hérésie, un blasphème et un péché». «Aujourd’hui est un jour affreux dans l’histoire de notre église. L’hérésie a été portée au niveau du sacré», indique un communiqué de cet organe très conservateur. Au cours de la cérémonie, plusieurs opposants à la consécration de Gene Robinson ont également pris la parole pour exprimer leur désaccord. Une femme a ainsi affirmé que «poursuivre cette consécration revenait à tourner le dos à Dieu».

Ces condamnations au sein même de l’église épiscopalienne n’ont toutefois pas empêché la consécration de Gene Robinson évêque du New Hampshire. Et c’est la voix tremblante que cet homme, qui a consacré près de 30 ans de sa vie au service de la communauté anglicane, s’est dit profondément honoré, réclamant notamment de la compassion pour les membres de l’église qui ont combattu sa consécration. «Notre Dieu sera comblé si nous sommes hospitaliers, aimants et bienveillants à leur égard», a-t-il déclaré insistant sur le fait que «s’ils venaient à partir, ils seraient toujours les bienvenus» au cas où ils changeraient d’avis. «Il y a de nombreux gays et de nombreuses lesbiennes extraordinairement doués et occupant des positions élevées dans notre église. Me mettre à l’écart n’empêchera pas cela le moins du monde», a-t-il ajouté.

Cette position a bien évidement été dénoncée par les conservateurs de l’église épiscopalienne qui, une nouvelle fois, ont brandi la menace de créer un nouveau courant au sein de la confession. Réunis le 9 octobre dernier au Texas, ils avaient déjà proposé de mettre en place une alliance de tous les opposants à la consécration de Gene Robinson. En tout vingt-quatre évêques et les dignitaires de quelque 500 diocèses américains s’étaient retrouvés à Dallas pour défendre «le maintien de l’orthodoxie biblique».

Violente condamnation des anglicans du Tiers-monde

Plus haute autorité morale de l’Eglise anglicane, l’archevêque de Cantorbery, Rowan Williams, connu pour sa tolérance –il a admis avoir ordonné un prêtre homosexuel–, a pour sa part exprimé «son profond regret» quant aux divisions que ne manquera pas de susciter la consécration de l’évêque du New Hampshire. Même s’il a reconnu que «ceux qui ont consacré Gene Robinson avaient agi de bonne foi», il a fait valoir que les divisions au sein de l’Eglise anglicane seront désormais bien trop visibles dans la mesure où il ne sera pas possible pour ce dernier de se faire accepter par chaque province de la Communion. Dans ce contexte, l’archevêque de Cantorbéry a une nouvelle fois insisté sur l’importance du principe d’autonomie des provinces anglicanes. «Parce que précisément nous nous reposons davantage sur nos relations que sur les règles, la consultation et l’interdépendance sont essentielles pour notre salut», a-t-il déclaré.

Dans une tentative de la dernière chance d’empêcher la consécration de Gene Robinson, un sommet extraordinaire des primats anglicans s’est tenu à Londres à la mi-octobre. A l’issue de deux jours de discussions, les chefs des églises anglicanes avaient profondément regretté la décision de l’église épiscopalienne d’élire un évêque homosexuel. «Si sa consécration a lieu, avaient-ils mis en garde, nous devrons conclure que l’avenir de la Communion sera mis en danger».

Ce sombre scénario semble aujourd’hui en passe de se concrétiser, les chefs des églises anglicanes des pays du Tiers-monde ayant réagi avec beaucoup de violence à la consécration de Gene Robinson. L’archevêque d’Abuja, également chef de la communauté anglicane nigériane –la plus importante d’Afrique avec 18 millions de fidèles–, a ainsi violemment fustigé la décision de la branche américaine. S’exprimant au nom des «primats du Sud» qui représentent 50 millions des 70 millions d’anglicans, Peter Akinola a estimé que cette consécration «violait les préceptes clairs et cohérents» de la Bible. Plus radicale encore, l’église anglicane du Kenya a d’ores et déjà annoncé sa décision de couper les ponts avec l’église épiscopalienne. «En tant qu’église, nous n’allons pas soutenir l’homosexualité dans l’église», a lancé l’évêque kenyan Thomas Kogo.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 03/11/2003