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Maghreb

Le sommet de l’UMA encore ajourné

Tout était prêt à Alger pour accueillir les 24 et 25 décembre le septième sommet de l’Union du Maghreb arabe, cette organisation régionale qui regroupe l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie et qui est plongée depuis bientôt dix ans dans une profonde léthargie. Malgré la sérieuse menace d’un boycott de cette rencontre par le roi Mohammed VI du Maroc en raison du différend qui oppose le royaume et l’Algérie sur le dossier du Sahara occidental, les autorités algériennes étaient décidées à aller de l’avant. Le chef de la diplomatie, Abdelaziz Belkhadem, avait même affirmé qu’il s’agissait d’un «sommet des Etats et non des chefs d’Etat», ouvrant la porte au maintien de la rencontre. Mais la sentence est tombée lundi. Réunis à Alger, le conseil des ministres des Affaires étrangères des cinq pays a décidé le report sine die pour la deuxième fois de ce sommet.
Les appels répétés de Paris et Washington à une intégration maghrébine, seule capable selon eux d’éviter aux pays de la région de rester en marge des grands ensembles économiques et politiques qui se mettent en place partout dans le monde, sont restés vains. La rencontre d’Alger qui devait se tenir autour du thème fédérateur de l’intérêt économique des Cinq face à leur principal partenaire, l’Europe, n’a en effet pas résistée aux différends politiques qui opposent plusieurs Etats de la région. Après plusieurs jours d’incertitudes concernant la participation ou non du roi Mohammed VI à cette septième rencontre au sommet, le ministre marocain des Affaires étrangères Mohamed Benaïssa, qui s’est rendu dimanche à Alger pour préparer avec ses homologues la rencontre des chefs d’Etat, a annoncé que le souverain alaouite ne se rendrait pas à Alger. «Je représenterai le Maroc au nom du roi», a-t-il déclaré. «L’Union maghrébine est confrontée comme tout le monde le sait à un ensemble d’entraves. Tout le monde en convient», a-t-il ajouté pour expliquer l’absence du roi du Maroc. Il a toutefois espéré que les rencontres entre les responsables de l’UMA à Alger allaient «aider à surmonter les différends et le problèmes pour diriger les efforts nécessaires vers la réalisation des aspirations des peuples du Maghreb».

Ce n’est pas la première que le souverain marocain boycotte un sommet de l’UMA. En juin 2002 déjà, une rencontre prévue à Alger, avait été reportée sine die quatre jours avant sa tenue alors que tout était fin prêt pour l’accueillir. Officiellement, ce report était du à l’intervention du président libyen, Mouammar Kadhafi, qui avait à l’époque souhaité un ajournement du sommet. Mais les observateurs n’ont pas été dupes, relevant que le différend algéro-marocain sur le Sahara occidental était bien à l’origine de cette annulation. Ce dossier empoisonne depuis plus d’un quart de siècle les relations entre les deux pays, Rabat accusant Alger d’être à l’origine d’un «conflit artificiel» en apportant son soutien aux indépendantistes du Front Polisario, alors que de leur côté les autorités algériennes refusent de déroger à la ligne qu’elles défendent depuis le début de ce conflit et qui fait de la question du Sahara occidental une affaire de décolonisation relevant des compétences des Nations unies.

La Libye reprend le flambeau

L’Union du Maghreb arabe, créée en 1989 par le traité de Marrakech, a largement pâti de la dégradation des relations algéro-marocaines. Cette organisation est en effet en panne depuis 1994, date à laquelle le royaume a décidé d’y geler sa participation pour protester contre le soutien ouvert de l’Algérie au Front Polisario. Les divergences entre les deux pays ont culminé en 1994 avec la fermeture de la frontière terrestre qui sépare les deux Etats à la suite de l’attentat contre un hôtel de Marrakech qui avait coûté la vie à deux touristes espagnols et que Rabat avait imputé aux services secrets algériens. Le royaume avait par la suite, en décembre 1995, demandé le gel pur et simple des institutions de l’UMA. Depuis l’organisation est plongé dans un profond coma.

Mais les difficiles relations entre Rabat et Alger ne sont pas les seules responsables du caractère moribond de l’UMA. Au fil des années les rapports entre la Mauritanie et la Libye se sont en effet petit à petit dégradés avant de devenir franchement hostiles. La participation du président Maaouiya Ould Taya au sommet d’Alger était d’ailleurs largement hypothéquée. Le dernier sujet de litige, après le différend qui a opposé les deux pays suite à la décision de Nouakchott de normaliser ses relations avec Israël, concerne cette fois-ci les affaires intérieures mauritaniennes. La Direction de la police judiciaire a ainsi ouvertement accusé la semaine dernière les services spéciaux libyens d’avoir financé le coup d’Etat présumé attribué à l’opposant Khouna Ould Haïdalla et à 14 des ses compagnons. Cette accusation a été vigoureusement démentie par les autorités libyennes.

Sur le plan institutionnel enfin, la situation de l’organisation régionale a été largement compliquée par le refus de Tripoli d’en assumer la présidence tournante en guise de protestation contre l’application par ses partenaires maghrébins des sanctions décidées à son encontre par les Nations unies pour son implication dans l’attentat de Lockerbie. Maintenant que ce dossier est réglé –le Conseil de sécurité a levé en septembre dernier les sanctions qui frappent le pays depuis 1992– la Libye a accepté de nouveau ce lundi de présider l’UMA. Mais les dernières déclarations de Mouammar Kadhafi, en marge du sommet euro-maghrébin «5+5» de Tunis selon lesquelles «l’UMA est à mettre au frigo» ne laissent présager rien de bon quant à l’avenir de l’organisation régionale.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/12/2003