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France

Le Code civil, deux fois centenaire

Le 21 mars 2004, le Code civil fête ses deux cents ans. Rédigé sous Napoléon Bonaparte, ce bréviaire juridique définit et organise de façon inédite les droits des individus dans la société, et par rapport au politique. Aujourd’hui, c’est sa longévité, sa force «révolutionnaire» et son autorité qui sont célébrées.
Paris, le 21 mars 1804, 30 ventôse an XII. Le Code civil des Français est promulgué. Napoléon Bonaparte, Premier Consul, vient de poser la dernière pierre à un édifice résolument moderne, grâce aux quatre juristes Tronchet, Maleville, Bigot de Préameneu et Portalis. Dans cette France post-révolutionnaire, le Code civil, rédigé en cinq mois seulement, est une révolution juridique, qui se prolonge dans la société.

Le bouleversement est d’abord juridique. La France, jusqu’ici soumise à deux types de droit (écrit au Sud et coutumier au Nord et à l’Est), hérités de l’Ancien Régime, ne connaît plus qu’un régime juridique unique. Plus d’inégalité devant la loi, liée aux privilèges nobiliaires. Désormais, chaque individu peut prétendre aux mêmes droits.

Ces droits, les révolutionnaires les ont défendus, à l’image du modéré Cambacérès, qui ne parvient pourtant à mener à bien ses trois projets de Code civil (1793, 1794 et 1796). La version de 1796 trouve néanmoins grâce aux yeux des rédacteurs du Code civil : deux cents articles reprennent mot pour mot le troisième projet. Le Code Napoléon, ainsi rebaptisé en 1807, reconnaît la place de l’individu dans la société, en lui accordant une multitude de droits (propriété, divorce, contractualisation, etc.).

S’opère aussi une révolution sociale, dont les Français ne sont pas immédiatement conscients (le Code est soumis à la critique des ex-privilégiés de l’Ancien Régime), et qui permet de consolider la société, embryonnaire. Profitant d’une certaine assise gouvernementale, Napoléon compte sur cet instrument juridique pour rétablir un «contrôle social», dans un pays pas tout à fait remis des troubles révolutionnaires. L’individu reste soumis à l’autorité de l’Etat, tout en acquerrant un statut au sein de la société.

Un Code modernisateur

L’essentiel est là. C’est l’avènement d’une société neuve, pérenne et unifiée que le Code détermine. En 2 302 articles. Ceux-ci mettent en place un système implacable, qui traite aussi bien du droit des personnes que du droit des biens. Mais qui reste suffisamment souple pour intégrer des modifications futures, notamment par une rédaction claire et générale. Presque vulgarisée.

Et de fait, en deux cents ans d’existence, le Code civil a subi un important toilettage : à peine la moitié de ses articles d’origine subsiste en l’état, les autres ont largement été complétés ou réinterprétés, accompagnant les évolutions des époques qu’il a traversées. En premier lieu, la mise en place définitive de la République, en 1871. L’inscription dans le Code des principes républicains de liberté individuelle, de laïcité, de fraternité –le Code encourage la contractualisation entre les membres de la société– et d’égalité constitue un terrain moral repris dans toutes le Constitutions suivantes de la République (préambule de 1946).

Le Code civil a également favorisé la sécularisation de la «fille aînée de l’Eglise», bien avant ses voisins européens, en reconnaissant le mariage civil au détriment de l’union religieuse. Un siècle avant la grande loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905), les rédacteurs du Code trouvent dans leur travail le moyen pour les pouvoirs publics de prendre le dessus sur l’Eglise, qui conserve un poids moral, social et politique sur ses ouailles. Et de faire naître un Etat moderne, impartial. A l’heure du voile, la référence reste.

Le Code civil est aujourd’hui victime de son succès. Exporté lors des conquêtes militaires ou idéologiques de la France, il est devenu une référence juridique, un modèle dont les juristes se sont inspirés pour tout.

En voulant multiplier la garantie des droits de chacun, mêmes les plus «faibles», dans la société, de nombreux codes sont apparus, couvrant tous les domaines. L’on dénombre aujourd’hui une soixantaine de codes, de la légion d’honneur et de la médaille militaire, de déontologie des sages-femmes, des ports maritimes, du travail, de la propriété intellectuelles, entre autres. Une liste quasi exhaustive qui illustre la réussite du modèle.

Mais la création de tous ces recueils est à double tranchant. De plus en plus de référents juridiques sont détachés du Code civil, «autonomes». C’est le cas en matière de droit communautaire. Le Code civil, malgré sa longévité, n’a pu prévoir la mise en place de l’Union européenne ni même l’englober aujourd’hui. Pour le moment, rien de comparable au Code civil n’est concrétisé au niveau européen, mais des travaux sont en cours, avec l’idée fondamentale que le droit européen l’emporte sur les droits nationaux. Quelle que soit leur force.

A écouter également:
Jean-Louis Halpérin, professeur d'histoire du Droit à l'Ecole Normale Supérieure et co-président du comité scientifique pour la célébration du bicentenaire du Code Civil, au micro de Matthieu Vendrely, RFI-Soir (18/03/04, 10'22'')

A visiter également:
Le site officiel du bicentenaire du Code civil



par Aurélie  Boris

Article publié le 19/03/2004