Proche-Orient
L’Egypte prête à accueillir le sommet arabe
(Photo AFP)
Dès l’ouverture vendredi des travaux préparatoires de la rencontre des chefs d’Etat, la rumeur a couru sur un possible report du 16ème sommet de la Ligue arabe. Le secrétaire général de l’organisation, Amr Moussa, et le chef de la diplomatie tunisienne, Habib Ben Yahia dont le pays était l’hôte de la rencontre, ont dû convoquer la presse pour mettre fin aux rumeurs. «Le sommet se tiendra à la date prévue et malgré l’absence de certains dirigeants –l’Arabie saoudite et le Bahreïn avaient déjà annoncé qu’ils ne seraient représentés qu’à un niveau ministériel», avait en substance assuré Amr Moussa. Mais quelques heures plus tard, le secrétaire général de la Ligue arabe n’avait d’autre alternative que de déplorer la décision des autorités tunisiennes et de mettre en garde contre ses «conséquences dangereuses sur l’action arabe commune». «La situation est grave», ajoutait-il en encourageant les dirigeants arabes à «prendre une action immédiate». Soucieux néanmoins de maintenir une fragile cohésion entre les pays de la région, Amr Moussa a convenu qu’il ne fallait pas «faire assumer à la Tunisie seule la responsabilité» du report du sommet «car toutes les prises de position arabes partagent cette responsabilité».
La décision du président Zine el-Abidine Ben Ali n’en constitue pas moins un coup dur pour l’unité arabe même si cette dernière ne semblait faire encore illusion qu’auprès des dirigeants arabes eux même. Elle a surtout provoqué la surprise dans la mesure où elle est intervenue alors que les divergences révélées dès le début des travaux préparatoires du sommet semblaient sur le point d’être aplanies. «Alors que nous étions réunis à huis clos samedi soir vers 23 heures, le ministre des Affaires étrangères tunisien nous a quitté pour recevoir un coup de téléphone. Il est ensuite revenu pour nous informer que la Tunisie avait décidé de reporter le sommet», a ainsi raconté un ministre expliquant qu’il n’avait pas, avec ses collègue présents, caché son étonnement tant, à ses yeux, «il n’y avait pas de divergences profondes». Officiellement la décision du report a été prise à cause «de dissensions qui ont surgi à propos d’amendements et de propositions avancées par la Tunisie relatifs aux réformes et à la modernisation du monde arabe». Ces amendements, a même précisé l’agence officielle de presse tunisienne, portaient sur «le renforcement du respect des droits de l’Homme,le refus absolu de l’extrémisme, du fanatisme, de la violence et du terrorisme» au profit des «valeurs de tolérance, d’entente et de dialogue entre les civilisations».
Moubarak en colère
Il va s’en dire que ces justifications ont de quoi faire sourire. Et de nombreux analystes ne se sont pas privés de relever le paradoxe selon lequel le régime du président Ben Ali, l’un des plus décriés au monde, se portait au secours de la démocratie dans le monde arabe. Le président égyptien Hosni Moubarak ne s’est d’ailleurs pas gêné pour critiquer son homologue tunisien. «Le report d’un sommet arabe doit se faire en accord avec les chefs d’Etat», a-t-il ainsi affirmé. Il a en outre estimé qu’il n’y avait «aucune raison pour qu’une partie impose son opinion de manière unilatérale».
Quelques heures après l’annonce du report du sommet, l’Egypte, dont le pays abrite le siège de la ligue arabe, s’est donc proposée d’accueillir «au plus vite» la rencontre au Caire. De retour dans son pays, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Maher, soulignait que son pays déployait des efforts pour surmonter «la situation critique créée par la décision tunisienne». La proposition d’accueillir le sommet au Caire aurait d’ores et déjà obtenu «l'accord de principe» de plusieurs dirigeants, dont notamment le prince héritier d'Arabie saoudite Abdallah ben Abdel Aziz, le roi de Bahrein –qui avaient tous deux décliné l’invitation tunisienne– et le roi Abdallah II de Jordanie. Elle est largement soutenue par le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui a annoncé qu’il entamerait «au début de la semaine prochaine une tournée» dans la région pour des consultations sur le lieu et la date d’une telle rencontre qu’une majorité de pays a, selon lui, appelée de ses vœux.
Mais c’était sans compter la réaction de la Tunisie. Lundi en fin d’après-midi, le président Ben Ali affirmait que «le report du sommet arabe ne voulait pas dire que la Tunisie renonçait à sa présidence ni à son engagement de l'accueillir». Une déclaration qui laisse présager de nombreuses dissensions à venir.
par Mounia Daoudi
Article publié le 29/03/2004 Dernière mise à jour le 31/03/2004 à 13:29 TU