Culture
Premiers hommes de Chine
Photo : Musée de l'Homme
La coopération archéologique entre les deux pays a débuté dès 1914, époque à laquelle la France institutionnalise la discipline. Un père jésuite, Emile Licent, se rend en Chine, puis deux grands religieux, à la fois théologiens et paléontologues, le Père Teilhard de Chardin et l’abbé Henri Breuil, soutenus par Marcellin Boule -alors directeur de l’Institut de paléontologie humaine à Paris. Ces chercheurs scientifiques, ayant pour mission d’étudier et d’exploiter les gisements fossilifères découverts, établirent des relations privilégiées avec les spécialistes chinois, dont Pei Wenzhong, qui devait découvrir en 1926, le premier crâne intact d’homme à Pékin – baptisé Sinanthropus pekinensis, «Homme chinois de Pékin». L’exposition, au musée de l’Homme à Paris, présente en exclusivité au public les dernières découvertes faites en Chine mais aussi la reconstitution de du «Premier Homme de Chine», l’Homme de Yunxian.
Parmi les dernières découvertes donc, celles du Sinanthropus, à Zhoukoudian -entre 1926 et 1936- qui modifièrent considérablement les connaissances de l’époque sur la Préhistoire en Chine. Ces découvertes étaient placées sous la direction du Service géologique de Chine et plusieurs savants suédois, américains et français, collaborèrent à ces recherches. Le site a révélé des restes d’habitat importants, et les ossements ont permis de dater à environ 500 000 ans l’Homme de Pékin. Malheureusement ces fossiles disparurent quelques années après leur découverte, et les seuls témoins de ces Sinanthropes restent leurs moulages conservés au Muséum national d’Histoire naturelle – sans qu’on sût jamais d’ailleurs ce qu’était devenue la caisse de fossiles.
Mais les crânes de Yunxian (province de Hubei, en Chine du sud) constituent une documentation exceptionnelle, ce sont les plus anciens et les plus complets spécimens de Chine malgré leurs déformations et leurs manques. Depuis 2002, la recherche a permis de reconstituer en trois dimensions, grâce à une technologie pointue, le crâne tel qu’il devait être il y a 800 000 ans. «Les données numériques bidimensionnelles issues de la scannographie ont permis de visionner l’intérieur du crâne entièrement rempli de sédiment, il a ainsi été possible d’identifier les processus d’altération subis par le specimen au cours de son enfouissement et de sa fossilisation, c’est-à-dire de reconstituer son histoire taphonomique» (taphos, «tombeau») est-il expliqué au cours de l’exposition. Grâce aux études morphométriques, il a été possible de reconstituer les crânes endommagés par compensation virtuelle. Très pédagogique, l’exposition permet grâce aux commentaires écrits, aux photos et aux films de comprendre les travaux exécutés par les savants.
Probablement chasseurs et cueilleurs
D’autres sites, sept, disséminés sur le territoire chinois, ont révélé un grand nombre de restes d’Homo erectus datant du pléistocène moyen – entre 400 000 et 200 000 ans. Ce sont les sites de Hexian, la grotte de Coloquinte à Tangshan, celui e l’Homme de Dali, le site de l’Homme de Jinniushan, les gisements de Dingcun, et les sites de Maba (ou Mapa) et Xujiayao. Ils ont tous livré de nombreux objets et outils en pierre taillée et des fossiles de mammifères. Aux côtés des crânes reconstitués, sont exposés des molaires de mastodontes, des mâchoires de canidés, des silex taillés comme autant de témoignages de l’environnement dans lequel vivait alors ces premiers hommes, probablement chasseurs et cueilleurs. «De façon générale, les hommes e Lantian vivaient sous unn climat tropical à sub-tropical. Ils prélevaient des galets des dépôts de la rivière en vue de les aménager ou d’en extraire des éclats. Etaient-ils sédentaires ou migrants, sans doute la question varie-t-elle selon la latitude compte-tenu de l’étendue de la Chine, le nord étant sensible aux variations saisonnières, le sud étant sous l’influence des moussons» explique-t-on au visiteur.
Ces humains sont aujourd’hui classés parmi les Homo erectus trouvés également en Afrique et en Eurasie. Toutefois les fossiles chinois gardent une originalité. «Par exemple, relève l’actuel directeur de l’Institut de paléontologie humaine, Henry de Lumley, l’homme de Yunxian fabriquait des bifaces 200 000 ans avant ses congénères d’Europe. En outre la découverte d’un squelette complet à Jinniushan (à 600 kilomètres au nord-est de Pékin), dont on ignore encore l’âge précis (entre 200 000 et 400 000 ans) a montré que ces hommes enterraient leurs morts, alors que les plus anciennes sépultures d’Europe et du Proche-Orient n’ont que 100 000 ans». Par ailleurs, à Liujiang, dans le sud de la Chine, des hommes modernes vivaient déjà il y a 68 000 ans, alors que l’Europe était habitée par les hommes de Néandertal.
Ces hommes modernes descendaient-ils des sinanthropes ou étaient-ils venus d’ailleurs ? Personne ne le sait. La poursuite de la coopération scientifique franco-chinoise y apportera peut-être un jour la réponse.
par Dominique Raizon
Article publié le 09/04/2004 Dernière mise à jour le 09/04/2004 à 13:15 TU
Premiers hommes de Chine
Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, à Paris
jusqu'au 3 janvier 2005