Urbanisme
Futur lifting des Halles à Paris
(Affiche : www.projetleshalles.com)
Toute l’alimentation de Paris transitait autrefois par ce lieu surnommé «le ventre de Paris», jusqu’à ce que la politique de grands travaux engagée dans les années 6O conduise à la décision de délocaliser le marché en gros des Halles de Paris pour remédier aux problèmes d’embouteillages qui engorgeaient le quartier. Une fois les pavillons Baltard détruits, le «trou des Halles» est alors comblé par le «Forum des Halles». C’est Jacques Chirac, alors maire de l’époque, qui programme les travaux. En 1985, le chantier est achevé, et offre aux consommateurs un grand complexe de galeries marchandes réparties sur quatre niveaux souterrains, au-dessus du métro parisien. L’ensemble s’ouvre, en surface, sur des espaces verts. Le Forum, voisinant avec l’église Sainte Eustache, et le Centre Pompidou, qui n’en est pas si éloigné, achève ainsi de consacrer la diversité fonctionnelle des Halles: le quartier reste le centre de gravité de la capitale, le centre commercial continue d’attirer du monde, et le secteur reste un centre de connexion de la plupart des métros et RER de la capitale. Ce sont 800 000 voyageurs qui se croisent quotidiennement dans ce pôle d’échanges de la RATP, et environ 40 millions de visiteurs par an qui se rendent au Forum des Halles.
Mais quelque 25 ans après, si personne n’a trop osé jusque là dresser le bilan de cet aménagement, Bertrand Delanoë déplore quant à lui ce qu’il estime être «le plus grand ratage de la capitale». L’insécurité des lieux y est si préoccupante que plusieurs voies d’accès au Forum ont été fermées; les plans de circulation sont discutables car «sous terre, les gens manquent de repères, ils perdent le nord et ne parviennent pas à se situer dans ce dédale. Le problème du Forum c’est qu’on ne sait pas où on est entré et où on doit ressortir» reconnaît Dominique Bonnet, directeur des Halles; les matériaux ont mal vieilli et l’entretien est un gouffre financier; les commerces de proximité, enfin, ont quasi disparu, pénalisant ainsi fortement les riverains qui doivent aller loin pour remplir le panier de la ménagère.
Bertrand Delanoë a donc manifesté, très vite après son accession au fauteuil de maire de Paris en 2001, le désir de reconsidérer cet aménagement, dénonçant un «environnement bétonné, grandiloquent et sans âme». Il n’a passé qu’une consigne à ses services, en particulier à la société d’économie mixte de la ville (SEM centre) chargée de piloter l’opération: il souhaitait un projet «ambitieux» pour lequel «rien n’est interdit».
(Photo : www.paris.fr)
«Rien n’est interdit»
Quatre équipes ont été choisies pour imaginer des solutions. Les concurrents sont deux équipes françaises, celle de Jean Nouvel, et celle de David Mangin; ainsi que deux néerlandaises, celle de Winy Maas, et celle de Rem Koolhas. Les projets sont très différents.
Le projet le plus inattendu est celui de l’équipe de Rem Koolhaas, un des phares de l’architecture contemporaine, prix Pritzker 2000, qui voudrait faire des Halles «un lieu spectaculaire»: un champ de grands derricks, «émergences», en verre coloré, «comme des bouteilles de parfum» qui pourraient selon lui «rappeler les anciennes halles alimentaires». Certains de ces derricks, qui abriteraient des bureaux ou des institutions, plongeraient leurs racines à des niveaux inférieurs du forum. «Il s’agit de définir une nouvelle modernité» affirme l’architecte.
(Photo : www.paris.fr)
Le plus classique, structure simple et apaisante, est celui de David Mangin, un carré de 9 mètres de haut et 145 mètres de côté, coiffé d’un toit en caissons couverts de cuivre patiné, vitrés ou ajourés «ce projet préserve davantage ce qui est déjà en place», estiment en choeur les associatifs, «c’est moins étouffant»: le bâtiment est coupé en deux par un passage couvert qui se prolonge à travers tout le jardin, «comme les ramblas» à Barcelone, remarque l’architecte qui souhaite «élargir le centre de Paris» avec possibilité de faire ultérieurement évoluer les rives.
(Photo : www.paris.fr)
Winy Maas, quant à lui, veut faire «entrer la lumière» dans les espaces souterrains rénovés grâce à un projet de «vitrail». Les espaces seraient alors «ouverts au maximum en remplaçant le sol par des plaques transparentes ou translucides d’où on pourra regarder le monde en bas». Les dalles qui occuperont 40% de la surface, alterneront avec des jardins comme un dance floor, «un sol pour danser» dit l’architecte. «Est-ce que c’est du verre sur lequel on pourra marcher, et faire rouler des poussettes ?», s’inquiète une passante.
(Photo : www.paris.fr)
Enfin, Jean Nouvel, architecte français à qui l’on doit entre - autres L’institut du Monde arabe à Paris, propose des jardins à tous les niveaux, soit 7 hectares au total, notamment sur le toit d’une halle principale construite à la place des structures en parapluies du Forum actuel. «Un jardin onirique, au-dessus des toits parisiens» dit l’architecte d’où l’on pourra «dialoguer» avec les autres monuments de la ville-lumière. D’autres halles seront construites alentour: halle du marché, des enfants, des arts, des
cinémas, et le projet inclut même une piscine découvrable ainsi qu’un bâtiment de bois pour abriter le Conservatoire.
Ce dernier projet semblerait plaire aux associatifs et aux élus, mais en attendant le choix définitif, qui sera annoncé en juin, les parisiens sont invités pendant un mois à se prononcer, soumettre leurs critiques et leurs suggestions car le maire a fait savoir «qu’aucun des projets proposés ne serait retenu en l’état».
par Dominique Raizon
Article publié le 12/04/2004 Dernière mise à jour le 12/04/2004 à 11:44 TU
Pour en savoir plus:
- www.projetleshalles.com
- exposition à la Grande Galerie du Forum des Halles, (niveau -3) de 10 heures à 18 heures, tous les jours sauf dimanche.