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Réforme du divorce

Actuellement, plus de trois mariages sur dix finissent devant un juge, et un sur deux dans les grandes villes. 

		(Photo: AFP)
Actuellement, plus de trois mariages sur dix finissent devant un juge, et un sur deux dans les grandes villes.
(Photo: AFP)
En février dernier, devant la commission des lois de l’Assemblée, Dominique Perben, ministre de la Justice, avait affirmé son souhait de «pacifier» les procéduresde divorce -régi en France par un texte datant de 1975: «le règlement apaisé des conséquences de la séparation sera facilité par le développement de la médiation familiale, dont le rôle est renforcé», soulignant par ailleurs que cette réforme vise à «responsabiliser les époux». Ce projet de loi, déjà adopté au Sénat le 8 janvier dernier, est débattu en première lecture par les députés ce mardi 13 avril 2004.

Le projet de loi prévoit la réforme en profondeur les quatre modes de divorce hérités de la loi Carbonnier de 1975. Cette réforme a pour ambition de simplifier des procédures estimées trop rigides, trop longues et souvent conflictuelles. Actuellement, plus de trois mariages sur dix finissent devant un juge, et un sur deux dans les grandes villes. En 2001, on a recensé 113 618 divorces pour 288 255 mariages. Selon les propres termes du garde des Sceaux, ce projet de loi «constitue la première étape d’un processus d’adaptation législatif du droit de la famille aux évolutions de la société».

La réforme des différents types de divorce

- En ce qui concerne le mode de divorce par «consentement mutuel», choisi par les couples qui s’entendent sur le principe de la rupture comme sur les conséquences matérielles, la procédure (qui représentait 60% des procédures en 2001) est allégée. Désormais, une seule audience sera obligatoire, au lieu de deux aujourd’hui, devant le juge aux affaires familiales. Les époux soumettront au juge une convention réglant toutes les conséquences de la rupture; si ce texte de compromis préserve suffisamment les intérêts de chacun des conjoints, le magistrat pourra alors prononcer le divorce au terme d’une seule séance. Un délai de trois mois sera imposé entre la demande en divorce et la comparution devant le juge, afin de respecter «un temps de réflexion nécessaire à la maturation de la décision».

- Dans le cas de «divorce accepté» -utilisé lorsque les deux conjoints sont d’accord sur le principe mais non sur les modalités- la présence de deux avocats est requise pour préserver les intérêts de chacun des conjoints. Actuellement les deux parties sont contraintes d’exposer au juge les faits qui rendent leur vie commune intolérable. Ce système du «double aveu» sera supprimé, et si le juge constate un accord au cours de la procédure il prononcera le divorce sans qu’une rétractation sur cet accord ne soit possible, afin d’éviter les enlisements de démarche.

- Le «divorce pour faute», qui représente 38,3% des cas, et dont la gauche avait envisagé la suppression lors de la précédente législature, est maintenu, mais il est restreint aux «situations les plus graves» à savoir aux cas de «violation graves des devoirs et obligations du mariage»: violences conjugales, et abandon du conjoint. L’éviction du conjoint violent sera ordonnée par le juge et sera même appliquée en période protégée telle la «trêve hivernale». En outre, dans ce cas de figure, le juge pourra statuer sur la contribution du conjoint expulsé aux charges du mariage (loyer, frais de scolarité des enfants etc…), mais les réparations financières ne dépendront plus de la répartition des torts afin d’éviter, dans certains cas, de léser le conjoint le plus faible économiquement. Le recours à la médiation sera en outre vivement encouragé.

- Enfin, le divorce pour «rupture de vie commune», qui ne concerne aujourd’hui que1,3% des cas, sera désormais intitulé divorce pour «altération définitive du lien conjugal». Il sera prononcé si le couple est séparé depuis deux ans, au lieu de six aujourd’hui.

L’épineuse question de la prestation compensatoire

La question de la prestation compensatoire est au cœur de tous les débats. Instituée par la loi sur le divorce de 1975, elle visait à protéger les conjoints se retrouvant sans ressource après la séparation. Attribuée dans 14% des cas de divorces, ce sont les femmes qui, dans 97% des cas, en bénéficiaient. Il s’agit de véritables rentes viagères que certaines personnes doivent verser à vie à leur ex-conjoint -rente, de surcroît, transmissible aux héritiers débiteurs- et l’Association pour l’accompagnement de la réforme des prestations compensatoires (ARPEC) tire la sonnette d’alarme: «depuis deux ans, on enregistre deux ou trois suicides par an de vieux divorcés qui ne supportent plus d’avoir à payer et de faire subir cette gêne à la deuxième épouse et aux enfants. On a eu aussi deux cas de prison pour incapacité à payer la pension». Suzanne Barthod, vice-présidente de l’ARPEC, estime à 400 000, le nombre de foyers soumis à cette prestation sous forme de rente. L’Association demande notamment l’arrêt du versement quand la créancière a reformé un couple, et la non-transmission des rentes aux héritiers du débiteur.

Les femmes qui en défendent le principe rappellent qu’elles dépendent souvent pour leur survie de leur ex-mari, à qui elles ont sacrifié leur carrière. Tandis que les anciens époux affirment de leur côté avoir du mal à refaire leur vie en raison du poids financier que cette rente représente pour leur nouveau foyer. La loi du 30 juin 2000 a privilégié le versement d’un capital dans la limite de huit ans, et les rentes sont devenues exceptionnelles. Désormais d’une part la révision du montant du versement sera possible «en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties»; par ailleurs, les époux pourront définir librement les conditions de versement, quelque soit le type de divorce choisi (seuls les couples qui se séparent par consentement mutuel ont aujourd’hui cette possibilité). Et, après le décès du débiteur, ses héritiers ne seront pas tenus de verser eux-mêmes la prestation compensatoire. Elle sera prélevée sur la succession, qu’elle ne pourra pas dépasser.

Si la droite est favorable à une simplification des procédures, la gauche salue des «avancées» mais estime qu’«on aurait dû aller beaucoup plus loin», tandis que les familles catholiques font savoir, par la voix de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (AFC) regroupant 350 associations, qu’elles sont «inquiètes pour l’époux non-demandeur». L’AFC demande l’introduction, dans la réforme d’une définition du mariage qui serait «l’union librement consentie d’un homme et d’une femme, reposant sur leur engagement public et solennel pris devant la société», afin de mieux protéger celui des conjoints qui «souhaite rester fidèle à son engagement d’époux». Quant au barreau de Lille, il dénonce «une justice à deux vitesses», au détriment des plus défavorisés: «les plus riches prendront des avocats spécialisés, mais ceux qui n’en ont pas les moyens ne seront pas défendus et leur situation n’en sera qu’aggravée» a estimé le bâtonnier de l’ordre des avocats lillois, lors d’une conférence de presse. Ce dernier réclame notamment la «présence obligatoire d’un avocat pour les deux parties lors d’une tentative de conciliation, alors que le projet prévoit de réduire la procédure à une seule comparution». Il réclame également la possibilité d’une double comparution en cas de consentement mutuel ou, au moins, l’assistance de chacun des deux époux par un avocat en propre. Dans le cas contraire, selon ce même bâtonnier l’un ou l’autre des conjoints devra accepter une décision sans être informé, sans recours possible, au risque de subir des conséquences pour le restant de sa vie sans pouvoir bénéficier d’un délai de réflexion: on entérinera de la sorte des divorces à la «Las Vegas».

La commission des Lois a adopté un amendement pour que la réforme du divorce entre en vigueur au 1er janvier 2005.



par Dominique  Raizon

Article publié le 13/04/2004 Dernière mise à jour le 13/04/2004 à 14:29 TU

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Journaliste à RFI

«Assouplissement des 4 procédures de divorce. 1/consentement mutuel, 2/demande acceptée, 3/pour fautes, 4/pour rupture de vie commune et enfin assouplisement de la prestation compensatoire.»

[13/04/2004]