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Afrique du Sud

Excelsior (3e étape)

Un autre fermier emprisonné est resté dans l'embarras après qu'une de ses employées a donné naissance à une petite fille café au lait. 

		(Photo: South African Tourism)
Un autre fermier emprisonné est resté dans l'embarras après qu'une de ses employées a donné naissance à une petite fille café au lait.
(Photo: South African Tourism)
Vincent Garrigues nous propose de découvrir la 3e étape de son carnet de route en Afrique du Sud.

Le carnet de route de Vincent Garrigues

Excelsior (Etat libre), lundi 19 avril 2004:

Sur l’autoroute N1, l’axe historique des chariots entre le Cap et Pretoria, les traces du Grand Trek sont invisibles. Je file vers le sud à bonne vitesse sur un ruban d’asphalte qui paraît monter vers le ciel dans un décor plat et droit. Alternance de champs de tournesols et de bidonvilles: un coup le soleil des oléagineux, un coup la grisaille des bicoques bancales.

L’Etat libre fut le symbole du «non» aux Anglais, un fantasme politique afrikaner qui devait consigner les populations noires dans de gigantesques réserves. Que reste t-il de cette folle idée, au cœur de ces espaces infinis? Le musée de la guerre anglo-boer, à Bloemfontein, pour honorer la mémoire des morts au combat, pour cultiver le souvenir des dizaines de milliers de familles boers placées dans les camps de rétention («concentration camps»!). Ce monument aux héros du Trek dans les hautes herbes. Plus personne ne vient là.

Au coin de la route, c’est Brandford, le village où Winnie Mandela fût envoyée en exil intérieur durant les années de détention de Nelson. «Bloem», la capitale régionale, développe un tout autre marketing sur le thème de la Tolkien Route. Les fans du Seigneur des anneaux vont en pèlerinage sur le lieu de naissance de John Ronald Reuel Tolkien (1892).

Quelques uns se souviennent également de la naissance, ici, d’un acronyme qui fera du chemin, l’ANC. Aujourd’hui, les esprits chagrins font remarquer que le parti a oublié d’où il vient, préférant les dîners cosy de Joburg aux barbecues du Free State. Le secteur, il est vrai, a tous les airs d’un méli-mélo ethnique donc politique. Avec leurs céréales et leurs bœufs, les Blancs du cru approvisionnent le pays en pain, en farine de maïs et en viande. Avec pas grand chose, les autres survivent, ici les Sotho descendus de leur terroir montagnard, là les Tswana, installés sur les terres morcellées de l’ancien bantoustan du Bophutatswana par les géographes de l’apartheid.

Voici enfin Excelsior, son église réformée, son pub vaporisé au brandy industriel, ses silences. Il y a trente ans, quelques notables blancs ont entretenu des relations intimes avec leurs servantes de couleur. Scandale majuscule, articles de presse, inculpation des uns et des unes, et très vite l’oubli officiel. Dans les rues en terre battue du village, les voitures datent des années 70. Les chiens errants urinent sous les affiches de la récente campagne électorale. Figés par la conviction, les visages des candidats de la droite conservatrice apportent une touche de rose poupin au panorama. Un homme m’observe depuis sa fenêtre; il la ferme lorsque je fais mine de m’approcher. A Excelsior, il faudra du temps pour parler de l’amour en noir et blanc…

Vincent Garrigues

Vient de paraître le 15 avril: La madone d’Excelsior, de Zakes Mda, Le Seuil.
L’écrivain sud-africain qui enseigne à l’université de l’Ohio aux Etats-Unis tisse un roman sur la trame du «psychodrame» de 1970.

A l'époque l'affaire fait du bruit. 

		(Photo: South African Tourism)
A l'époque l'affaire fait du bruit.
(Photo: South African Tourism)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Relations "coupables" à Excelsior

L'application de l'Immorality Act, qui condamnait les relations sexuelles entre hommes et femmes de couleur différente, a frappé le petit village d’Excelsior dans les années 1970. Cinq hommes blancs et quatorze femmes noires du village ont été inculpés pour avoir eu des relations «coupables».

A l’époque l’affaire fait du bruit parce que le secrétaire local du Parti National (au pouvoir ) fait partie des inculpés (ce qui a montré que la loi pouvait frapper ceux-là mêmes qui l'avaient inventée) alors que dans d'autres provinces des notables passaient entre les mailles du filet.

Le boucher d'Excelsior a également été inculpé et emprisonné. Il s'est suicidé après sa remise en liberté sous caution. Un autre fermier emprisonné est resté dans l'embarras après qu'une de ses employées a donné naissance à une petite fille café au lait. L'affaire a fait un scandale dans la presse nationale.


par Vincent  Garrigues

Article publié le 13/04/2004 Dernière mise à jour le 20/04/2004 à 13:58 TU

Réalisation multimédia : Thomas Bourdeau

Audio

Excelsior, 3e étape

«Dans les années 70, la honte s'est abattue sur Excelsior»

[19/04/2004]