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Elargissement de l’Europe : le défi francophone

Francophones d’Europe: la Slovaquie

Cœur historique et culturel de l’Europe, la Slovaquie a longtemps, rideau de fer oblige, privilégié le russe. Aujourd’hui, le français semble regagner du terrain. Reportage.

«La Francophonie? C’est une notion qui reste encore floue dans les ministères». Tatiana Hlovkova, étudiante en sciences politiques, manie l’euphémisme pour cacher sa déception. Son mémoire de fin d’études, consacré à «La Slovaquie et la Francophonie», l’a conduite à fréquenter les arcanes du gouvernement. «Pour la plupart des gens, francophonie égale “ langue française en partage”, et rien d’autre» constate l’étudiante, qui peine à collecter ses informations. Pourtant, la Slovaquie a décidé en 2000… de rejoindre l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), au titre d’observateur. Encore qu’on puisse comprendre que cette adhésion soit dans la logique d’un petit pays (5millions d’habitants) en quête de reconnaissance internationale après 75 ans d’union forcée avec la République tchèque. En effet, ce n’est qu’en 1993 que l’Etat slovaque est devenu indépendant. Depuis, il s’est empressé d’adhérer à tous les accords internationaux pour rattraper son retard.

Géographiquement, la Slovaquie est le cœur de l’Europe. Son territoire actuel, moins vaste que le Togo, n’est pas à la hauteur de son passé. Bratislava –500000habitants aujourd’hui– a été pendant longtemps l’une des capitales culturelles des souverains hongrois et autrichiens, puis de l’empire austro-hongrois. Ces occupations étrangères et les développements qui suivirent la construction des Etats d’Europe centrale ont façonné l’identité slovaque. Celle-ci «se définit souvent par la négative: pas tchèque, pas autrichien, pas polonais, pas ukrainien, pas hongrois», explique François-Olivier Saes, attaché à l’ambassade de France à Bratislava. Cette caractéristique fait des Slovaques de bons candidats à l’idée du multiculturalisme, défendue par le processus de l’élargissement de l’Europe. En effet, le slovaque, qui n’a été codifié qu’au XIXesiècle, a eu tout loisir de se nourrir de mots étrangers alors que le tchèque, déjà officialisé depuis quatre siècles, s’inscrivait comme langue de référence.

Près de 25 000 étudiants

L’amour de la langue française en Slovaquie est plutôt récent. Il s’articula sur le soutien de la France aux revendications nationales de Bratislava, qui s’exprimèrent à la fin de la Première Guerre mondiale. Rattaché à la République tchèque par un coup du sort (la mort «accidentelle» de l’un des chefs de file nationalistes), le pays hébergera pendant quelque temps jusqu’à trente bureaux de l’Alliance française (cinq aujourd’hui). Traditions des Cours royales? Les pièces de théâtre, joués à Paris, étaient reprises six mois plus tard par les scènes de Prague ou de Bratislava. Les jeunes Slovaques étaient encouragés à venir poursuivre leurs études en France. Guillaume Apollinaire et André Breton furent ainsi les inspirateurs d’une nouvelle génération de poètes comme Vladimir Reisel ou Jan Rak. Puis il y eut l’invasion de l’Allemagne nazie. Après la victoire des Alliés, le rideau de fer tomba entre communistes et capitalistes, restreignant la liberté de circulation des personnes et des idées. Le «socialisme à visage humain» qu’initie Alexandre Dubcek en 1968 se solde par l’arrivée des tanks russes à Prague et le retour au pouvoir des communistes ultra-orthodoxes.

Jusqu’en 1990, la langue russe est donc obligatoire dans le cursus de l’Education nationale. On tolère l’allemand comme autre langue étrangère. La chute du mur de Berlin modifie la donne: le russe rétrocède sa place, et n’est plus qu’au troisième rang. Les universités se dotent de départements de langues étrangères: l’anglais, l’allemand, le français et même l’espagnol connaissent un «boom» spectaculaire parmi les étudiants, mais également parmi les employés de l’université. En 1995, selon l’Institut des informations et pronostics de l’Education, 412000élèves des cycles primaire et secondaire étudiaient l’allemand comme première langue. Le français est en quatrième place avec 31000étudiants. En 2003, il est toujours en quatrième position, mais avec 25000étudiants, derrière le russe (28000étudiants). Bien entendu, la première place a changé. Désormais, 509000jeunes Slovaques étudient l’anglais. Dans les cycles supérieurs, les sections spécialisées disparaissent au fil des ans. Les Alliances françaises semblent récupérer une partie des étudiants. Aujourd’hui «un pourcentage infime de Slovaques, 2 ou 3%, parlent français», concèdent les responsables de l’Institut français de Bratislava. Cependant, ceux-ci ne désespèrent pas de voir les entreprises françaises, attirées par les conditions d’implantation dans les nouveaux pays européens, jouer le rôle de promoteurs d’une langue devenue «outil» de travail.



par Marion  Urban

Article publié le 29/04/2004 Dernière mise à jour le 29/04/2004 à 14:36 TU

Cet article a été publié initialement par MFI, l'agence de presse de RFI (plus d'informations)