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Elargissement de l’Europe: le défi francophone

Lettonie: entre Art Nouveau et variétés...

Si les traces de présence du français sont encore modestes dans la petite république lettonne, une dynamique favorable existe.

«J’ai tourné dans presque tous les pays d’Europe, et à chaque étape j’ai dû expliquer où se trouvait La Lettonie, parce que personne n’était capable de situer mon pays sur une carte!» Maria N., la lauréate lettone du concours eurovision de la chanson, s’est également pliée à l’exercice lors de ses concerts en France… Alors précisonsavec elle: la Lettonie est située aux abords de la Mer baltique, entre la Lituanie et l’Estonie. Son paysage est composé largement de forêts, le pays compte plusieurs ports importants sur la Baltique, et partage une frontière avec la Russie. Autant d’éléments qui confèrent à ce nouveau membre de l’Union européenne une dimension stratégique non négligeable.

La Lettonie est un pays presque tout neuf. Occupé successivement par les Prussiens, les Polonais, les Suédois, les Russes, les Allemands, puis à nouveau par l’Union soviétique, il ne compte que trente cinq années d’indépendance cumulée. La France a appuyé la première indépendance éphémère de la Lettonie en 1920, le français y a même fait son bonhomme de chemin durant l’entre-deux guerres, avec l’ouverture notamment d’un premier lycée français dans la capitale, Riga. Mais l’annexion du pays par l’Union soviétique a mis un terme aux échanges.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, Moscou colonise la Lettonie, et y envoie des millions de Soviétiques pour y construire les usines destinées à satisfaire les besoins de l’économie russe. La France n’a jamais reconnu cette annexion, et les relations entre les deux pays sont restées quasi-inexistantes jusqu’en 1991. Durant cette période, et tout particulièrement sous Staline, le russe est la langue obligatoire, et le letton est réprimé. Le français, quant à lui, est perçu comme une distraction réservée aux élites, et est banni.

Pourtant un petit groupe de femmes courageuses, les «intellectuelles de Riga», décident de braver l’interdiction: elles se retrouvent le soir pour cultiver ensemble leur amour du français. Cela leur a valu d’être arrêtées et déportées dans des camps de travaux forcés en Sibérie. L’épisode ne les a pas découragées, au contraire, puisqu’à leur retour en 1956, elles se sont livrées à une intense activité de traduction de romans français en letton. Mirza Erdza est la dernière survivante de ce groupe. Sur les étagères de son petit appartement, situé dans un ensemble d’immeubles années 60, on trouve des romans de Simenon, Régine Desforges, Emile Zola, Balzac… «Mon préféré, c’est Le ventre de Paris», dit-elle en exhibant fièrement deux ouvrages de Zola, l’un en letton, l’autre en français. Aujourd’hui, âgée de 80ans, Mirza ne traduit plus de romans, mais elle a passé le relais à un groupe de jeunes traductrices. «Je les surveille encore, pour vérifier que leurs traductions sont fidèles à l’original», dit-elle avec son sourire espiègle.


Environ 10 000 Lettons pratiquent le français

Vaira Vike-Freiberga, actuelle présidente de la Lettonie, maîtrise parfaitement le français: elle a passé plus d’un demi-siècle en exil au Québec. Sandra Kalniete, auteur de En escarpins dans les neiges de Sibérie (traduit en français aux Editions des Syrtes), a été ambassadeur de Lettonie en France avant d’être nommée ministre des Affaires étrangères, puis Commissaire européen. Voilà pour les politiques... Maria N., la starde variéténationale et lauréate du concours de l’Eurovision, est elle aussi une francophone enthousiaste. Elle a sorti un album entièrement en français, «Ma voix, ma voie». «Quand je chante en français en Lettonie, les gens ne comprennent rien, mais parfois ils pleurent, parfois ils sourient, donc l’émotion passe!»

Sur 2,5millions de Lettons, 10000 seulement parlent correctement le français, et environ 25000 étudient la langue. La ville de Riga propose une floraison de joyaux d’architecture Art nouveau, sans équivalent en Europe, mais on a beau fouiller, on ne trouvera pas un seul nom de rue en français. On se contentera donc d’une boulangerie française, Les Trois mousquetaires, et du morceau Joe le Taxi, de la chanteuse Vanessa Paradis, entendu aux étalages d’objets en bois du marché russe de Riga…

Malgré sa modeste présence, le français figure parmi les langues que lycéens et collégiens lettons peuvent choisir à titre optionnel. Seul problème, on assiste actuellement à une pénurie d’enseignants… Mais les Français restent optimistes: l’ambassade de France vient d’inaugurer un tout nouveau centre culturel dans un bâtiment fin XIXesiècle entièrement rénové. Ce centre, situé sur l’une des artères principales de Riga, comprend une médiathèque, des salles de cours et de conférence. Son directeur, Luc Lévy, souhaite y installer un café français pour tenir des rencontres littéraires. «Il y a une vraie dynamique en ce moment, note-t-il, et les chiffres l’attestent, les fonctionnaires lettons sont de plus en plus nombreux à s’inscrire à nos cours, les jeunes aussi. Quand on leur demande pourquoi, ils nous répondent: c’est l’Europe!»



par Nicolas  Champeaux

Article publié le 29/04/2004 Dernière mise à jour le 29/04/2004 à 14:49 TU

Cet article a été publié initialement par MFI, l'agence de presse de RFI (plus d'informations)