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interview

Elargissement de l’Europe: le defi francophone

Des efforts d’innovation pour l’apprentissage du français... et des autres langues en Europe

Selon Hélène Farnaud-Defromont, sous-directrice du français à la Direction de la coopération culturelle (ministère français des Affaires étrangères), la synergie entre les langues, notamment français et allemand, dans les nouveaux pays membres de l’Union européenne, offre de bonnes perspectives.

RFI: Comment se porte la langue française dans les pays qui rejoignent l’Union ? L’élargissement est-il une chance ?
Hélène Farnaud-Defromont: Je dirai que la situation est raisonnablement bonne. L’entrée de ces pays dans l’Union a un effet positif sur la demande de langue française. Aujourd’hui, grosso modo, dans les dix pays concernés, et aussi dans les pays de la vague suivante, la Bulgarie et la Roumanie, le français se situe en troisième position en terme de nombre d’élèves, derrière l’anglais et l’allemand. Le russe reste fort dans certaines régions, mais le français est davantage appris aujourd’hui.

De ce point de vue, nous n’avons donc pas d’inquiétude. Que ce soit à l’école, donc dans les systèmes éducatifs de ces pays, ou dans nos centres, instituts et Alliances françaises, les choses sont plutôt positives. Il existe un dispositif, mis en place par ces pays avec notre appui, qui est tout à fait exemplaire: celui des écoles et des filières bilingues francophones dans l’enseignement secondaire. Globalement, il concerne 40000élèves dans toute l’Europe aujourd’hui. Dans les dix nouveaux entrants, il s’est mis en place au début des années 1990 dans les collèges et les lycées de nombreuses grandes villes. Ce nouveau dispositif forme de jeunes Européens au moins trilingues (langue maternelle, anglais et français). Ils apprennent, bien souvent aussi, l’allemand ou une autre langue latine que le français, l’italien ou l’espagnol. Quand ces jeunes, qu’ils soient slovaques, hongrois, polonais ou tchèques, sortent à 17 ou 18 ans de l’enseignement secondaire, ce sont de jeunes citoyens européens comme on voudrait en voir partout en Europe, c’est-à-dire maîtrisant très bien trois langues.

RFI: Hormis ce dispositif purement linguistique, quelles actions mènent la France sur le plan culturel ?
H.-F. D.: Ce sont des pays où les centres et instituts culturels français ont tous une longue histoire. Du reste, ceux-ci sont le plus souvent situés dans des quartiers ou des bâtiments chargés d’histoire, au centre des capitales concernées. Ce sont des lieux de rencontre pour les jeunes, où l’on organise régulièrement des événements culturels, et où le cinéma français tient une grande place, car il est très apprécié, de même que la création artistique française en général. Donc, de ce point de vue, la langue et la culture françaises sont très imbriquées, ce qui est en droite ligne de la tradition culturelle française.

Mais il n’y a pas que les jeunes. Dans ces nouveaux pays de l’Union, il existe une génération de gens qui ont entre 55 et 70 ans, qui sont francophiles, francophones, gardent une très haute idée de notre pays, et constituent donc un vivier très important pour la propagation de la langue et de la culture françaises. La jeune génération, elle, est attirée par la France pour des raisons différentes. Aujourd’hui, ces jeunes du centre et de l’Est européen cherchent dans la langue française un atout professionnel, c’est évident. Plus on parle de langues, plus on est valorisé sur le marché du travail. Par exemple, en Slovaquie aujourd’hui, on sait que l’installation de l’entreprise automobile PSA donne un élan très important à la demande de français. Mais cela constitue aussi pour eux une porte sur les valeurs et la culture françaises.

RFI: La langue allemande n’est-elle pas une sérieuse concurrente, compte-tenu de la présence économique prépondérante de l’Allemagne dans ces pays ?
H.-F. D.: Il est vrai que les deux pays ne sont pas présents de la même façon sur le plan économique, sur le plan des échanges en tout cas. L’Allemagne reste le grand partenaire économique. Cela se traduit donc par une prééminence de l’apprentissage de l’allemand, qui est une langue utile. Mais, et c’est une chance pour la synergie entre les deux langues, la langue française a une image totalement différente, plus traditionnelle. J’y vois donc la possibilité de dépasser cette notion de concurrence linguistique. Très franchement, aucune des deux langues ne marche sur les plates-bandes de l’autre. C’est vrai en Pologne, c’est vrai en République tchèque. Elles ne sont pas perçues de la même façon. On les perçoit comme complémentaires, pas comme concurrentes. C’est ce que les gens sur place ressentent et ce que j’ai pu ressentir moi-même là-bas.

De ce point de vue, notre intérêt est donc de travailler avec les Allemands au nom de la diversité linguistique et culturelle, ce qui est un axe important de la politique française. L’anglais reste et restera la première langue étrangère, comme partout, y compris en France et en Allemagne, mais le français et l’allemand peuvent se compléter utilement. On a d’ailleurs imaginé de mener, notamment en Pologne, des expériences pilotes dans les Alliances françaises et les Instituts Goethe. Il s’agirait d’offrir des formations couplées. Un jeune Polonais qui viendrait prendre des cours de français se verrait offrir pour le même prix un certain nombre d’heures d’allemand, et inversement. C’est un exemple qui montre que la langue française peut et doit se renforcer dans un esprit européen de coopération.


Propos recueillis par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 29/04/2004 Dernière mise à jour le 30/04/2004 à 09:58 TU

Cet article a été publié initialement par MFI, l'agence de presse de RFI (plus d'informations)