Liberia
Où sont passées les armes du MODEL ?
(Photo AFP)
De notre correspondant à Monrovia
La Mission des Nations unies au Liberia (MINUL), a depuis le 20 avril, débuté le désarmement des combattants du deuxième mouvement rebelle, le Mouvement pour la démocratie au Liberia (MODEL). Ce jour-là, la motivation était à son summum au sein des combattants. Ils étaient plusieurs centaines à se présenter pour le désarmement. Mais seulement une centaine avaient des armes. Ces armes étaient toutes inutilisables. Il y en a même qui se sont présentés avec des armes complètement rouillées.
Il est 10 heures. Les responsables du désarmement commencent leur travail. Ils reçoivent les premiers candidats au désarmement. Une heure après, on constate que les agents du désarmement ont ralenti leur travail. Et comme tout ceci se passe sous un soleil de plomb, les combattants se montrent impatients. Ils poussent des cris. Pour calmer les esprits. M. Clive, le responsable du désarmement, prend le micro et fait une annonce: «Tous ceux qui n’ont ni armes ni munitions, mettez vous à l’écart. Maintenant, on ne prend que ceux qui ont des armes et des munitions». Plusieurs centaines de combattants sont ainsi mis à l’écart. Ils se fâchent et deviennent incontrôlables. On demande alors aux journalistes de s’éloigner un peu. Les soldats onusiens interviennent pour mettre de l’ordre.
Après que le calme soit revenu, les combattants rejetés interrogés par des journalistes sur la raison pour laquelle ils se sont présentés sans armes répondent que leurs commandants leur avaient arraché les armes deux mois avant le désarmement: «Ils nous ont dit qu’ils allaient nous les remettre dès la reprise du désarmement. Mais aujourd’hui ils nous disent que les chefs ont repris les armes» . Qui sont donc ces chefs qui ont repris les armes ? «On ne sait pas», disent certains. Mais pour d’autres qui en ont assez: «Ils ont renvoyé les armes en Côte d’Ivoire. C’est de là-bas qu’elles sont venues».
Des armes venues et retournées en Côte d’Ivoire
Les responsables du désarmement ont dû, les jours suivants, revenir sur leur décision. Car la quasi-totalité des combattants du MODEL se présentaient sans armes. Les responsables onusiens disent ne pas être au courant de mouvement d’armes du Liberia vers la Côte d’Ivoire. Un officier onusien qui a voulu garder l’anonymat, m’a dit: «Nous savons où ces armes ont été cachées. Nous irons un jour les chercher.» Si les officiels de l’ONU avancent l’idée de caches d’armes, les propos de ces jeunes Ivoiriens qui ont combattu pour le MODEL, disent autre chose. Maxime Guei est l’un de ces jeunes Ivoiriens: «Moi, j’ai pris les armes pour défendre la terre de ma mère. Elle est libérienne et mon père est bien sûr ivoirien. Je vais désarmer des deux côtés. Ici au Liberia, et chez moi en Côte d’Ivoire. Je n’ai qu’une seule arme ici. Les autres je les ai envoyées chez moi en Côte d’Ivoire.» Les combattants du MODEL n’ont pas fait passer ces armes par le port d’entrée officiel. Mais plutôt par des chemins qu’ils sont les seuls à connaître.
Depuis le 30 avril, le camp de désarmement à Buchanan est vide. Les combattants du MODEL ne s’y présentent plus. Les responsables onusiens du désarmement ont finalement décidé de suspendre le désarmement des combattants du MODEL. On s’attendait a 5 000 combattants du MODEL à Buchanan, et seuls 1 300 se sont présentés. Seulement 400 kalachnikovs, 4 000 balles de kalachnikovs et quelques dizaines de grenades et bombes, ont été récupérées. Depuis le 8 avril, ce sont les miliciens de l’ex-président Charles Taylor qui sont désarmés dans les camps de Buchanan. Des camps qui étaient prévus uniquement pour les combattants du MODEL.
Quand on sait que le MODEL était la faction la mieux armée du conflit libérien avec des armes flambantes neuves offertes par la Côte d’Ivoire, il y a de quoi se poser des questions. D’où l’inquiétude du gouvernement libérien. De sources proches du palais présidentiel, on apprend que le président libérien a fait savoir sa préoccupation à son homologue ivoirien. Une délégation est même venue de la Côte d’Ivoire pour s’entretenir avec le président Gyude Bryant, sur la façon de résoudre ce problème avant qu’il n’affecte les relations entre les deux pays.
par Zoom Dosso
Article publié le 10/05/2004 Dernière mise à jour le 10/05/2004 à 11:39 TU