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Soudan: crimes contre l’humanité au Darfour

Questions-réponses sur la crise

Le conflit que connaît la province du Darfour à l’ouest du Soudan est, selon l’ONU, à l’origine de «la pire crise humanitaire que connaît le monde aujourd’hui».

Qu’est ce que la province du Darfour ?

La province du Darfour se situe dans l’ouest du Soudan. D’une superficie un peu inférieure à celle de la France (550 000 km²), elle est en fait composée depuis 1994 de trois entités administratives (Darfour-Nord, Darfour-Sud et Darfour-Ouest). Elle comptait avant le déclenchement des hostilités près de 6 millions d’habitants.

Quelles sont les origines du conflit ?

La guerre du Darfour a éclaté au mois de février 2003. La rebellion a pris les armes officiellement pour réclamer les mêmes droits politiques et sociaux que les autres provinces du Soudan au moment où se dessinait la perspective d’un accord de paix dans le conflit qui oppose le nord au sud du Soudan depuis près d’un demi-siècle. Le Mouvement pour la Justice et l’Egalité (MJE) et l'Armée/Mouvement pour la libération du Soudan (A/MLS) apparus début 2003, demandent aux autorités nationales de consacrer plus d’efforts au développement du Darfour et de réhabiliter toutes les régions du pays négligées jusque-là par l'autorité centrale.

Pourquoi assiste-t-on à des déplacements massifs de population ?

Au début, les combats opposant les rebelles du MJE à l’armée régulière ne provoquent pas d’intenses mouvements de populations. Les déplacements forcés et les fuites en masse vers le Tchad ne commencent qu’en juin 2003, lorsque l’aviation militaire soudanaise procède pour la première fois à des bombardements de villages de la province rebelle. Au fil des mois, Khartoum arme les Janjawids (milices arabes). Ces milices arabes commencent alors à exécuter les basses œuvres du gouvernement. Appuyées par l’armée, elles pillent et brûlent des villages et localités entières. Selon les Nations unies, le conflit du Darfour a déjà fait environ 10000 morts, 900000 déplacés et 110000 réfugiés.

Qui sont les réfugiés ?

Ils appartiennent aux populations non-arabes du Darfour. Musulmans comme toutes les communautés du Darfour, ils appartiennent principalement aux groupes ethniques Four, Massalit, Zaghawa et à quelques autres petites communautés. Il s’agit principalement de cultivateurs. La majorité des réfugiés qui arrivent au Tchad en provenance du Darfour sont des femmes et des enfants. Des chiffres non officiels évaluent à seulement 30% la proportion d’hommes au sein de la population réfugiée. Certains sont restés dans le Darfour pour affronter l'armée soudanaise et les milices arabes, les autres gardent le bétail loin des camps le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan ou ont conduit les animaux en transhumance. A leur arrivée au Tchad, les réfugiés soudanais se sont installés juste sur la frontière. La zone concernée par les camps de fortune est longue de 600 kilomètres. Elle s’étend de Tissi au sud, sur la limite entre le Tchad, le Soudan et la République Centrafricaine, jusqu’à Kariari (à 35 km au nord de Bahaï) au nord.

Quelles sont les violations des droits de l’Homme commises au Darfour ?

Selon les témoignages recueillis par plusieurs organisations humanitaires, des villages ont été bombardés par l’aviation soudanaise, ces attaques étant suivies au sol de l’intervention de milices arabes pro-gouvernementales et/ou de soldats de l’armée soudanaise qui se livrent à de multiples exactions: meurtres, viols, pillages, destruction de maisons voire de villages entiers, destruction des points d’eau, incendie des cultures et des réserves de nourriture, vol du bétail. Les actions des milices visent manifestement à provoquer des déplacements de population en rendant la vie impossible dans les zones concernées. Selon la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, des crimes contre l’humanité sont perpétrés dans la province du Darfour.

Quelle est l’ampleur de la crise humanitaire ?

Aujourd’hui, les organisations humanitaires et les agences de l’ONU estiment à près d’un million le nombre de personnes déplacées qui ont dû fuir leurs habitations pour trouver refuge ailleurs au Soudan. Par ailleurs plus de 100000 personnes se sont réfugiées au Tchad voisin. Les autorités soudanaises limitent toujours l’accès des ONG aux victimes de la crise.

Pourquoi la crise humanitaire va-t-elle s’aggraver ?

Les populations chassées de leurs villages sont des villageois dont l’activité principale est l’agriculture. A la fin du mois de mai commence la saison qui est celle des travaux agricoles. Faute de pouvoir cultiver leur terre, la récolte ne se fera pas et les risques de famine sont d’ores et déjà pris très au sérieux par le Programme alimentaire mondial des Nations unies.Par ailleurs, la saison des pluies va rendre l'acès aux victimes encore plus difficile pour les organisations humanitaires.

Comment sortir de la crise ?

Dès juillet 2003, Khartoum déclare accepter de négocier une issue au conflit du Darfour, sous médiation tchadienne. En septembre de la même année, un accord de cessez-le-feu est signé à Abéché dans l’est du Tchad entre le gouvernement soudanais et les rebelles de l'A/MLS. Cet accord est rapidement violé. La guerre s’intensifie même entre septembre 2003 et février 2004. Au mois d’avril 2004, un accord de cessez-le-feu de 45 jours renouvelable est conclu à N’Djaména sous les auspices de la médiation tchadienne entre le gouvernement soudanais et les deux principaux mouvements rebelles (A/MLS et MJE). Depuis cette date, plusieurs violations de la trêve ont été signalées.

Que fait la communauté internationale ?

Depuis le début de l’année 2004, la communauté internationale a commencé à dénoncer les agissements des autorités soudanaises. Le 14 mai dernier, le Haut Commissaire (par intérim) de l’ONU aux droits de l’Homme, Bertrand Ramcharan, a souligné le «régime de terreur» que Khartoum fait régner au Darfour. Selon lui, les événements en cours au Darfour pourraient être des «crimes de guerre et/ou des crimes contre l’humanité». De son côté, Human Rights Watch a qualifié ce qui se passe dans l’ouest du Soudan de «nettoyage ethnique». Le gouvernement soudanais continue d’affirmer que ces accusations sont sans fondements.



par Philippe  Couve, Stanislas  Ndayishimiye

Article publié le 20/05/2004 Dernière mise à jour le 21/05/2004 à 16:12 TU