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Sommet UE-Amérique latine

L’Europe, dans le jardin des Etats-Unis

Le président de la Commission européenne, Romano Prodi assistera au 3ème sommet des chefs d’Etat de l’Union européenne et d’Amérique latine et des Caraïbes à Guadalajara (Mexique). 

		(Photo : AFP)
Le président de la Commission européenne, Romano Prodi assistera au 3ème sommet des chefs d’Etat de l’Union européenne et d’Amérique latine et des Caraïbes à Guadalajara (Mexique).
(Photo : AFP)
Les 25 chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne et les 33 d’Amérique latine et des Caraïbes (ALC) tiennent leur 3ème sommet les 28 et 29 mai à Guadalajara (Mexique). Le président Romano Prodi, avec ses 4 commissaires (commerce, agriculture, développement et aide humanitaire), assistera à ce sommet qui devrait traiter de la cohésion sociale et de l’intégration régionale ainsi que de la coopération bi-régionale dans les forums internationaux. A la veille de l’ouverture, l’ambiance est plutôt à la négociation.

De notre correspondant au Mexique.

L’Amérique latine est à la recherche de nouveaux consensus et les propositions de l’Europe séduisent la plupart des gouvernements latino-américains. En effet, à la différence des Etats-Unis, l’Union européenne (UE) accepte d’entrée de jeu l’asymétrie des économies latino-américaines. Pour y remédier, elle propose une clause de solidarité afin de stimuler la démocratie. Il ne s’agit pas pour autant d’un projet anti-américain, simplement, l’approche est différente. Même le président mexicain Vicente Fox, l’un des partenaires les plus fidèles de Washington, estime «qu’il n’y a pas lieu de s’allier avec un bloc ou l’autre, il faut au contraire diversifier les partenaires commerciaux».

Deux projets différents, deux conceptions du commerce international

Les négociations commerciales avec les Etats-Unis s’amplifient après l’échec des politiques de substitution d’importations des années 70-80. L’Amérique latine change radicalement de stratégie sous la pression des organismes financiers internationaux, adoptant ce que l’on appelle le « Consensus de Washington ». Mais cette politique libérale qui fouette les économies, n’apporte pas la croissance promise et ne fait qu’amplifier la pauvreté. Pour y remédier, les Etats-Unis proposent alors la mise en place d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), un vaste marché sans frontière, qui, à partir de 2005, s’étendrait de l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu. Interviennent dans ce projet, copie conforme de l’Alena, les institutions internationales (BM, FMI, BID) pour financer les investissements, les transnationales américaines se chargent des grands travaux, les pays apportant principalement leur main-d’œuvre bon marché pour exploiter les ressources locales, les transformer et les exporter principalement aux Etats-Unis.

Les négociations avec l’Union européenne sont très différentes. Celle-ci arrive à Guadalajara avec 10 nouveaux partenaires et le flambant chef de gouvernement de l’Espagne José Luis Rodriguez Zapatero, qui tient à profiter de ce premier sommet international « pour parler avec la voix de son pays et non comme ‘ messager ou porte paquets’ », faisant clairement allusion a la politique pro-américaine suivie par son prédécesseur, José Maria Aznar. Les Européens ne sont pas plus philanthropes que les nord-américains, mais ils ont une stratégie différente. Ils proposent un accord plus large qui repose sur 3 volets : la liberté commerciale, la démocratie et la solidarité. L’Europe veut développer les pays d’Amérique latine pour leur vendre ses produits. En effet, lorsque le PNB par habitant ne dépasse pas les 2 000 dollars annuel, il est difficile de vendre quoi que ce soit sauf à une mince couche de privilégiés. Il faut donc réduire la fracture sociale pour enrichir l’ensemble de la population. Différentes études montrent que certains pays comme le Nicaragua ou le Honduras perdent 30 % de leur PIB à cause de la corruption, de l’absence d’un Etat de droit, d’un modèle éducatif obsolète, de malnutrition, etc. L’Europe propose donc à l’Amérique latine d’ouvrir ses frontières en échange d’un fond structurel pour le développement : le plan quinquennal  EuroSocial, doté de 30 millions d’euros est destiné à renforcer la cohésion sociale par la mise en place de politiques publiques.

Un pari sur l’avenir

L’Amérique latine est stratégique pour l’UE qui estime qu’il y aura 3 grandes zones économiques qui domineront le monde de demain (l’Asie, l’Amérique et l’Europe) et qu’il faut être présent sur ces 3 marchés. C’est déjà ce que font des entreprises comme Renault, Carrefour, Bayer, Siemens  qui ont compris qu’il fallait produire sur place pour être compétitifs. Il est donc indispensable de développer un marché local pour que la population puisse se payer les services offerts par ces entreprises : services urbains, distribution d’eau, de gaz, l’automobile, les articles de grandes consommation, le TGV ou les Airbus qui relieront les grandes capitales, etc.

Vers l’unité de l’Amérique latine

L’Amérique latine comptent 33 pays. Elle est constituée de 2 grands blocs économiques. Le Mexique, l’Amérique centrale, la Colombie et le Chili qui sont sous l’influence directe des Etats-Unis avec qui ils ont signé des accords de libre commerce. De l’autre, le Mercosur avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay qui sont parvenus à une position commune sur tous les thèmes en discussion. Le Brésil et le Mexique se disputent le leadership de l’Amérique latine, néanmoins un grand effort a déjà été entrepris pour que tous ces pays parlent d’une seule voix. En effet, cette compétition entre l’Europe et les Etats-Unis pour le partage du marché latino-américain devrait renforcer l’identité nouvelle de l’Union latino-américaine. Le Mexique travaille depuis l’arrivée au pouvoir du Président Vicente Fox (en décembre 2000) à la défense du multilatéralisme. Que ce soit au Conseil de sécurité de l’ONU ou lors des sommets (du Millénaire, en passant par Doha, Monterrey, Johannesburg, la réunion de l’APEC et celle de l’OMC à Cancun), il n’a cessé de fortifier l’intégration latino-américaine, appelant à la diversification des relations internationales pour construire des espaces de dialogue qui permettent d’avancer dans l’établissement d’associations stratégiques bi-régionales.



par Patrice  Gouy

Article publié le 27/05/2004 Dernière mise à jour le 28/05/2004 à 14:31 TU