France
Charte de l’environnement : le principe de précaution en question
(Photo: AFP)
Après le scandale de l’amiante, utilisée tant et plus dans les constructions avant que l’on ne se rende compte de ses effets sur la santé humaine, la mise en œuvre du principe de précaution en matière environnementale paraît plutôt rassurante. En tout cas, c’est ce que plaident les partisans du texte de loi qui passe aujourd’hui en première lecture devant les députés français, président de la République en tête. Il est vrai que la Charte de l’environnement est une promesse de campagne du candidat Chirac en 2002. Il aura d’ailleurs fallu que le chef de l’Etat pèse de tout son poids pour que le texte, qui selon lui «suscite de grands espoirs», soit finalement examiné. Car au sein même de son parti, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), la proposition d’inscrire le droit à l’environnement et le principe de précaution dans la Constitution a provoqué des réticences, voire des oppositions.
La Charte établit que «chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé» et que de ce point de vue, lorsque «la réalisation d’un dommage (…) pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d’éviter la réalisation du dommage». Le texte se place donc dans l’optique de la préservation des intérêts des générations futures. Mais pas du tout, explique-t-on au gouvernement, dans celle de la mise en place d’obstacles au progrès scientifique. Dominique Perben, le ministre de la Justice qui a présenté le projet de loi, a d’ailleurs affirmé que la Charte était conçue pour offrir «un cadre propice à l’initiative, à la recherche et à l’innovation technologique» et pas le contraire. Elle répond simplement à un «devoir politique de préservation de l’environnement».
Encadrer l’application du principe de précaution
Ce message a été difficile à faire passer auprès de certains députés de droite qui ont été sensibles aux arguments des représentants d’industries particulièrement visées comme la chimie, le nucléaire ou l’automobile, selon lesquels le principe de précaution pouvait avoir des effets pervers susceptibles d’empêcher certaines avancées scientifiques et technologiques. Mais aussi de provoquer une vague de procès, engagés directement par les citoyens, dont les élus locaux pourraient faire le frais. C’est notamment pour cette raison que l’un des amendements au texte retenu par la commission des Lois, précise que «les autorités publiques» (Etat ou collectivités locales) n’auront à appliquer «ce principe que dans le strict champ de leurs compétences et attributions». Pour Dominique Perben, le fait même de définir le principe de précaution est de nature à «encadrer» son application et à empêcher la multiplication des contentieux.
Les députés socialistes, a priori favorables à l’élaboration d’une Charte de l’environnement inscrite dans la Constitution, ont quant à eux estimé que le texte proposé par le gouvernement devait être «amélioré». Après une phase d’hésitation, ils ont donc décidé, comme leurs collègues communistes, de s’abstenir lors du vote à l’Assemblée nationale et de proposer des amendements. A quelques jours des élections européennes du 13 juin, le parti de François Hollande préfère garder une distance face à ce texte proposé par un gouvernement de droite, à la demande expresse de l’Elysée, même s’il n’y est pas opposé sur le principe. Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a expliqué cette décision en déclarant : «Pour nous, tout ce qui va dans le sens de réaffirmer un environnement sain va dans la bonne direction mais une bonne intention ne fait pas forcément une bonne loi».
par Valérie Gas
Article publié le 01/06/2004 Dernière mise à jour le 01/06/2004 à 15:22 TU