6 juin 2004
Pour George W. Bush, le jour le plus long
James Eudy, vétéran américain du 264e rgt, qui débarqua le 6 juin 44 sur la plage d'Omaha «la sanglante», lieu des plus intenses combats du D Day.
(Photo: AFP)
(Photo: AFP)
Les cérémonies du 60e anniversaire du débarquement allié en Normandie seront marquées par la présence d’un nombre considérable de chefs d’Etat et de gouvernement. Au moins dix-sept pays seront représentés au plus haut niveau, parmi lesquels, pour la première fois, l’Allemagne et la Russie.
Les américains s'approchent de la plage de Utah, le 6 juin 1944.
(Photo: AFP)
(Photo: AFP)
Il aura donc fallu 60 ans pour que ce soit possible. Quoique ignorée par la plupart des médias outre-Rhin, la participation d’un chancelier allemand à une telle cérémonie n’a pas de précédent. Dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, Gerhard Schröder estime d’ailleurs que «la signification de cette invitation est: la Seconde Guerre mondiale est définitivement terminée». Du point de vue politique, cette participation est un geste symbolique qui s’inscrit dans le cadre des nombreuses initiatives franco-allemandes visant à manifester la solidité de la relation entre Paris et Berlin et à souligner la volonté de conforter ce lien spécial qui unit ces deux pays qui se sont tant battus, jusqu’à construire leur histoire et leur patriotisme sur l’hostilité à l’égard de l’autre. Dans le contexte d’une telle commémoration, c’est un acte historique. Cette présence s’inscrit également dans une volonté de construction d’une citoyenneté commune. Un manuel scolaire d’histoire franco-allemand est en cours d’élaboration. Il est destiné aux dernières années de cours de l’enseignement secondaire et sa publication est attendue en 2006.
Les troupes canadiennes à Courseulles.
(Photo: AFP)
(Photo: AFP)
Moins historique, plus politique: parmi les autres grands invités de marque, figure évidemment le président des Etats-Unis, dont le pays fut l’un des principaux artisans de la libération du territoire national. En dépit des profondes divergences qui subsistent entre Paris et Washington sur la conduite des relations internationales en générale, et le dossier irakien en particulier, le président français doit adresser «un message de reconnaissance» et «d’amitié» aux Etats-Unis. «Et je le dirai de façon tout à fait claire: la France n’oublie pas», a déclaré Jacques Chirac samedi à l’issue du sommet Union européenne-Amérique latine. Mais la reconnaissance n’efface pas les profonds désaccords, et ce couple-là (Bush-Chirac) ne s’aime pas. Même si, cette fois encore, on déclinera la sempiternelle tirade de la «réconciliation».
D’Arromanches à Stalingrad
Les cérémonies du souvenir, le 6 juin, seront précédées la veille par une série de rencontres, à Paris, au cours desquelles le président français recevra notamment ses homologues américain et russe dans une ambiance marquée par le souci de la sécurité. La préfecture de police a annoncé l’interdiction de manifester dans la zone centrale de la capitale, tandis que trois rassemblements sont d’ores et déjà prévus, tous en dehors du périmètre. Outre la France, le président George W. Bush est aussi attendu en Italie où, dans le contexte des vives critiques dont la politique étrangère américaine est la cible en Europe, cette visite est attendue avec une grande appréhension. En effet, les rassemblements prennent parfois, dans ce pays, une tournure radicale tant du côté des manifestants que de celui des forces de l’ordre et les autorités ne cachent pas leur inquiétude face à cette visite du chef de la Maison-Blanche. Le président russe est aussi attendu en France. C’est également une «première» et le signe de la reconnaissance par Moscou de l’importance de l’ouverture de ce front ouest dans la conduite de la guerre. Par nécessité patriotique, l’historiographie soviétique, puis russe, privilégiait la contribution de l’armée rouge dans la victoire contre le nazisme. Si, incontestablement, cette contribution a été déterminante et chèrement payée en vies humaines; si, à l’évidence, la bataille de Stalingrad (1943) a marqué le début de la fin des succès militaires allemands, le Kremlin a tardé à reconnaître officiellement l’importance de l’ouverture de ce nouveau front que Staline, pourtant, réclamait depuis de longues années auprès de ses «alliés», afin de réduire la pression militaire allemande à l’est. A cet égard, ce 6 juin 2004 marquera également un tournant historique.
«Site sanctuarisé»
En attendant la France a aligné son service d’ordre sur l’importance de l’événement et les risques encourus en ces temps de menaces terroristes. Face à ce débarquement, les accords de libre-circulation avec les autres pays de l’espace Schengen ont été suspendus et les contrôles aux frontières rétablis. Le plan antiterroriste «Vigipirate» a viré au rouge sur l’ensemble du territoire métropolitain à dater du 1er juin. Des milliers de soldats, de toutes les armes, et de policiers sont en cours de déploiement. Les transports en commun sont sous haute surveillance. L’espace aérien va être restreint. Et, pour que la fête ne soit pas gâchée, la Normandie va devenir la région la plus sûre du territoire national, notamment la ville de Caen qui accueillera les 17 chefs d’Etat et de gouvernement pour un déjeuner à l’hôtel de ville, déclarée pour l’occasion «site sanctuarisé», le 6 juin. Cinquante ans plus tôt, à minuit, 170 000 hommes, Américains, Britanniques, Canadiens, Néo-Zélandais, Polonais, (quelques) Français, et certainement d’autres, combattant sous ces différents uniformes, s’accrochaient à la lisière du bocage normand sous un déluge de feu. Dix mille d’entre eux avaient été mis hors de combat au cours de la journée, morts, blessés ou disparus. Le «jour le plus long» s’achevait. La libération de la France commençait.
D’Arromanches à Stalingrad
Les cérémonies du souvenir, le 6 juin, seront précédées la veille par une série de rencontres, à Paris, au cours desquelles le président français recevra notamment ses homologues américain et russe dans une ambiance marquée par le souci de la sécurité. La préfecture de police a annoncé l’interdiction de manifester dans la zone centrale de la capitale, tandis que trois rassemblements sont d’ores et déjà prévus, tous en dehors du périmètre. Outre la France, le président George W. Bush est aussi attendu en Italie où, dans le contexte des vives critiques dont la politique étrangère américaine est la cible en Europe, cette visite est attendue avec une grande appréhension. En effet, les rassemblements prennent parfois, dans ce pays, une tournure radicale tant du côté des manifestants que de celui des forces de l’ordre et les autorités ne cachent pas leur inquiétude face à cette visite du chef de la Maison-Blanche. Le président russe est aussi attendu en France. C’est également une «première» et le signe de la reconnaissance par Moscou de l’importance de l’ouverture de ce front ouest dans la conduite de la guerre. Par nécessité patriotique, l’historiographie soviétique, puis russe, privilégiait la contribution de l’armée rouge dans la victoire contre le nazisme. Si, incontestablement, cette contribution a été déterminante et chèrement payée en vies humaines; si, à l’évidence, la bataille de Stalingrad (1943) a marqué le début de la fin des succès militaires allemands, le Kremlin a tardé à reconnaître officiellement l’importance de l’ouverture de ce nouveau front que Staline, pourtant, réclamait depuis de longues années auprès de ses «alliés», afin de réduire la pression militaire allemande à l’est. A cet égard, ce 6 juin 2004 marquera également un tournant historique.
«Site sanctuarisé»
En attendant la France a aligné son service d’ordre sur l’importance de l’événement et les risques encourus en ces temps de menaces terroristes. Face à ce débarquement, les accords de libre-circulation avec les autres pays de l’espace Schengen ont été suspendus et les contrôles aux frontières rétablis. Le plan antiterroriste «Vigipirate» a viré au rouge sur l’ensemble du territoire métropolitain à dater du 1er juin. Des milliers de soldats, de toutes les armes, et de policiers sont en cours de déploiement. Les transports en commun sont sous haute surveillance. L’espace aérien va être restreint. Et, pour que la fête ne soit pas gâchée, la Normandie va devenir la région la plus sûre du territoire national, notamment la ville de Caen qui accueillera les 17 chefs d’Etat et de gouvernement pour un déjeuner à l’hôtel de ville, déclarée pour l’occasion «site sanctuarisé», le 6 juin. Cinquante ans plus tôt, à minuit, 170 000 hommes, Américains, Britanniques, Canadiens, Néo-Zélandais, Polonais, (quelques) Français, et certainement d’autres, combattant sous ces différents uniformes, s’accrochaient à la lisière du bocage normand sous un déluge de feu. Dix mille d’entre eux avaient été mis hors de combat au cours de la journée, morts, blessés ou disparus. Le «jour le plus long» s’achevait. La libération de la France commençait.
par Georges Abou
Article publié le 01/06/2004 Dernière mise à jour le 01/06/2004 à 16:33 TU