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Venezuela

Référendum «révocatoire» pour Chavez

Hugo Chavez pendant un meeting. Ses adversaires ont obtenu les signatures nécessaires à la convocation d’un référendum «révocatoire». 

		(Photo : AFP)
Hugo Chavez pendant un meeting. Ses adversaires ont obtenu les signatures nécessaires à la convocation d’un référendum «révocatoire».
(Photo : AFP)
Six ans après son élection triomphale, le président Hugo Chavez s’exposera dans un peu plus de deux mois à un référendum visant à écourter son mandat. Après un long feuilleton électoral, l’opposition est parvenue à recueillir les signatures de plus de 20% des électeurs, soit le minimum requis par la constitution pour organiser une consultation populaire contre le chef de l’État. Hugo Chavez s’est dit prêt à s’y soumettre. Mais d’ici au référendum, la polarisation politique déjà très présente au sein de la société vénézuélienne risque d’entraîner de nouvelles violences.

«Mission cumplida» ; titre l’Universal, l’un des quotidiens hostiles au gouvernement, au lendemain de l’annonce des résultats. «Mission accomplie» pour l’opposition, le Conseil national électoral (CNE) révèle, le jeudi 3 juin,  que les adversaires de Chavez ont obtenu les signatures nécessaires à la convocation d'un référendum «révocatoire».

Dès l’annonce de ces résultats, l’opposition a scandé sa victoire à coups de klaxons un peu partout dans la capitale. «Nous avons réussi», s'est réjoui Enrique Mendoza, l’un des leaders de la Coordination démocratique (CD), la coalition d'opposition. Au même moment, devant le palais présidentiel, des milliers de partisans d'Hugo Chavez manifestaient aux cris de «Hou, ha, il ne s'en va pas». Le chef de l’État a qualifié ce résultat de «victoire nationale et démocratique» . En 1999, Il avait lui-même proposé à l’Assemblée constituante ce mécanisme de référendum, afin d’instaurer un nouveau modèle démocratique au Venezuela. Il ne sera d’ailleurs pas le seul à s’y soumettre: neuf députés de l’opposition passeront également l’examen.

Pour les dirigeants de la Coordination démocratique, le rassemblement de samedi dernier a marqué le début de la campagne électorale. Munis de sifflets et de drapeaux, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé pour fêter l’annonce du référendum. «El ocho, se va le loco» crie Maritza, «le 8, le fou s‘en va». Allusion au 8 août, la date initialement prévue par le CNE pour l’organisation de cette consultation. L’opposition exige qu’elle ait lieu à cette date précise. Et pour cause : la constitution stipule que si Chavez est destitué avant le 19 août, date à laquelle le chef de l’État aura accompli un an de plus que la moitié de son mandat, il est possible d’organiser une nouvelle élection présidentielle.

En revanche, si le référendum a lieu après cette date, c’est le vice-président –chaviste– qui prendrait la relève jusqu’en décembre 2006. Un scénario que veut éviter à tout prix l’opposition. Le pays est en effet extrêment divisée sur le bilan du gouvernement Chavez. Tour à tour putschiste (1992) puis élu en 1998 et réélu en 2000 pour six ans, depuis le début de son mandat, Hugo Chavez, 49 ans, a essuyé de fortes grèves dans le secteur pétrolier et un coup d’État éphémère en avril 2002.

«dictateur» contre « conspirateurs»

Soutenu par les classes les plus pauvres de la population, en raison notamment de programmes d’éducation et de santé à grande échelle, El Comandante a récemment redéployé son arsenal rhétorique, mélange de messianisme, d’anti-libéralisme et du culte de Bolivar, le libérateur de la partie nord de l’Amérique du Sud. Dimanche, lors d’un rassemblement du «peuple bolivarien», Hugo Chavez a stigmatisé une opposition divisée –la CD regroupe partis politiques, associations civiles et syndicats et doit prochainement élire un candidat unique lors d’élections primaires– et lui a pronostiqué «la plus grande défaite de son histoire». Alors que ses adversaires agitent l'épouvantail de la «dictature», le chef de l’État qualifie les membres de l’opposition de «conspirateurs».

Autant dire que d’ici au référendum, pro et anti chavistes n’entendent pas réconcilier le pays. Des troubles ont secoué le centre de Caracas il y  a quelques jours faisant deux morts et cinq blessés. Luis Vicente Leon, directeur de l'institut de sondage Datanalisis, prévoit également une «montée en puissance brutale de la campagne électorale» dont le débat politique proprement dit sera a priori absent.

Pour obtenir une présidentielle anticipée, les partis d’opposition devront réunir plus de 3,7 millions de votes. Votes  qui avaient permis à Chavez de conserver le pouvoir il y a quatre ans. Un récent sondage réalisé par Keller et associés, un institut vénézuélien  proche de l’opposition, montre que 35% des personnes interrogées soutiennent Chávez et 31% voteraient contre lui lors d’un référendum. Des chiffres qui laissent une marge de manoeuvre considérable aux indécis. Ces derniers ne se sont pas ou peu déplacés pour la pétition mais pourraient bien changer la donne lors d’un vote à bulletin secret. Les partis d’opposition bénéficient également de l’appui inconditionnel voire outrancier des chaînes de télévisions privées.

De son côté, le gouvernement, pourra s’appuyer sur la reprise économique, soutenue par l’augmentation du prix du pétrole (le Venezuela est le cinquième exportateur mondial de brut) dont le baril a dépassé les 40 dollars US dans les dernières semaines.



par Yann  Le Gleau

Article publié le 08/06/2004 Dernière mise à jour le 08/06/2004 à 13:49 TU