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Irak

L’avocat de Saddam Hussein prépare sa défense

Sur le fond, la ligne de défense de son avocat s’appuie sur l’illégalité juridique de la guerre déclenchée contre l’Irak . 

		AFP
Sur le fond, la ligne de défense de son avocat s’appuie sur l’illégalité juridique de la guerre déclenchée contre l’Irak .
AFP
Alors que le président américain George Bush vient d’affirmer que Saddam Hussein serait remis aux nouvelles autorités irakiennes pour qu’il soit jugé «au moment opportun», son avocat jordanien, Mohammed Rashdan, prépare le procès et multiplie les démarches pour avoir accès à son client.
De notre correspondant à Amman

«Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux, … à ma petite famille, à ma grande famille, que la paix soit sur vous… Mon moral est bon, je vais bien, que dieu vous bénisse.» Dans son bureau d’Amman, maître Mohammed Rashdan tient dans ses mains la seule lettre de Saddam Hussein qu’il ai reçu, via le CICR. Elle date du 21 janvier dernier. Sur les dix lignes manuscrites du message, sept ont été noircies par la censure américaine. Dans le formulaire du CICR, deux croix ont été tracées dans les cases «en bonne santé» et «légèrement blessé.» «Il n’y a pas de précision sur cette blessure. Je suis inquiet pour sa santé», lâche l’avocat.

La cinquantaine poivre et sel, Mohammed Rashdan affirme avoir été mandaté par l’épouse de Saddam Hussein, Sajjida Khairallah Toulfah et de ses trois filles Hala, Raghad et Rana pour assurer sa défense. Comme preuve, il exhibe une procuration datée du 11 janvier 2004 signée par Sajjida. Un différend l’oppose à l’avocat français Jacques Vergès qui assure, lui, avoir été requis par 42 membres de la famille de Saddam, et notamment de Watban son demi-frère, pour défendre l’ex-dictateur.

La «concurrence» de Jacques Vergès laisse indifférent Mohammed Rashdan qui multiplie les démarches préparatoires au procès de Saddam Hussein. Il a formé une équipe d’une trentaine d’avocats et un comité de soutien regroupant 1500 personnalités parmi lesquelles figurent le président de l’Union des avocats arabes, le président des barreaux de Tunisie, du Yémen, du Maroc et d’Egypte ainsi que des avocats occidentaux. Dans son cabinet, il a déjà stocké plus de 20 000 pièces de dossier pour le procès.

Le 14 décembre 2003, au lendemain de l’arrestation de Saddam Hussein qu’il appelle toujours «Monsieur le président», Mohammed Rashdan a écrit à plusieurs officiels américains dont John Ashcroft, le ministre de la Justice, Colin Powell, le secrétaire d’Etat, et Donald Rumsfeld, le ministre de la Défense : «votre président promet un procès juste et équitable, en conséquence, je dois pouvoir rencontrer mon client, comme le prévoit le chapitre de la Convention de Genève relatif au traitement des prisonniers de guerre.» «J’attends toujours une réponse», explique l’avocat jordanien.

Selon lui, il aurait dû rencontrer Saddam une semaine après son arrestation. «Je dois pouvoir le voir dans un lieu sûr, or, dit-il, l’armée américaine est incapable de se protéger elle-même, elle ne peut garantir le processus juridique des visites et de mes rencontres. Pour mettre les Américains dans l’embarras, le réclame de rencontrer mon client à l’étranger.»

Sur le fond, sa ligne de défense s’appuie sur l’illégalité juridique de la guerre déclenchée contre l’Irak : «ce pays a été envahi illégalement, toutes les institutions mises en place jusqu’à présent sont illégales et le tribunal qui jugera Saddam n’aura pas plus de légitimité. C’est pourquoi, il ne peut y avoir de procès Saddam tant que la souveraineté irakienne ne sera complètement rétablie».

Pièges et chausse-trapes

Véritable pigeon-voyageur, Mohammed Rashdan multiplie les déplacements à l’étranger. Depuis le début de l´année, il s’est rendu quatre fois en France ou il consulte des confrères, trois fois au Liban, cinq fois en Syrie, quatre fois en Egypte et une fois au Maroc. Il a prévu également un  voyage aux États-Unis où il doit être interviewé par les chaînes de télévision ABC et CNN. «Ce sera aussi l’occasion de prendre contact avec des avocats et des personnalités comme Ramsay Clark, ancien Attorney General (ministre américain de la Justice). » Ce dernier fut l’un des rares responsables américains à avoir rencontré Saddam Hussein, juste avant le déclenchement de la guerre.

Mohammed Rasdan est conscient de la tâche qui l’attend mais aussi des pièges et des chausse-trapes qui seront placés sur son chemin. Déjà certains médias lui ont proposé de l’argent. «Une chaîne de télévision américaine m’a fait miroiter 20 000 dollars pour une longue interview tandis que le quotidien britannique The Sunday Times voulait l’exclusivité de mes informations et de mes déclarations. Dans les deux cas, j’ai refusé.»

Rusé, l’avocat sait prendre ses précautions. Dans son bureau, quand il discute avec ses interlocuteurs d’informations qui doivent rester confidentielles, il leur demande d’enlever les batteries de leur téléphone portable et monte le son de la télévision. Depuis qu’il a pris en charge la défense de Saddam Hussein, il a reçu des menaces par e-mail, lettres et téléphone. «A Bagdad, la famille de mon ex-femme, morte il y a une quinzaine d’années, reçoit elle aussi des menaces», assure-t-il.

Récemment, trois disques durs de ses ordinateurs ont été détruits par des virus et chaque matin un certain «Bassem» lui envoie des fichiers contaminés. «Il ne s’agit pas d’un individu isolé mais d’un groupe ou un gouvernement, prétend Mohammed Rashdan. J’ai dû faire venir un expert en informatique. Désormais, nous sauvegardons tous nos dossiers d’ordinateur dans des lieux différents.»

par Christian  Chesnot

Article publié le 17/06/2004 Dernière mise à jour le 17/06/2004 à 09:28 TU