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Les 35 heures à nouveau en question

Ernest-Antoine Seillière  souhaite que les entreprises retrouvent « la liberté de déterminer la durée et la rémunération du temps du travail » 

		(Photo : AFP)
Ernest-Antoine Seillière souhaite que les entreprises retrouvent « la liberté de déterminer la durée et la rémunération du temps du travail »
(Photo : AFP)
Le débat sur la réduction du temps de travail, jamais vraiment clos, a repris de la vigueur avec l’annonce de négociations sur l’assouplissement des 35 heures. En France, comme ailleurs en Europe, le spectre des délocalisations pèse sur les discussions entre patronat et syndicats.

L’accord Siemens, signé le 24 juin par le groupe allemand, prévoyant un retour de 35 à 40 heures de travail hebdomadaire, sans compensation salariale, contre l’abandon d’un projet de délocalisation en Hongrie, a ouvert une brèche en Allemagne, en Autriche mais aussi en France. Dès à présent son caractère « exemplaire » dépasse largement le cadre de l’entreprise et les frontières du pays.

En France, à l'occasion d’un rassemblement des dirigeants de petits et moyennes entreprises (PME) le ministre de l’Economie et des Finances, Nicolas Sarkozy, a affirmé qu’il ne fallait pas craindre d’engager une réforme profonde des 35 heures, disposition mise en place sous le gouvernement à direction socialiste de Lionel Jospin. Nicolas Sarkozy estime en effet que cette réduction du temps de travail a entraîné de gros inconvénients et qu’elle coûte 16 milliards d’euros en allégements de charge accordées aux entreprises comme contrepartie. Même le président de la Banque centrale européenne, le Français Jean-Claude Trichet a implicitement salué l'allongement du temps de travail en Allemagne, sans pour autant directement souhaiter l’extension de cette tendance à la France.

L’objectif du gouvernement est d’enrayer la remontée du chômage, perceptible ces derniers mois, en dépit de la reprise de la croissance. Devant les mêmes patrons de PME le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin s’est prononcé pour « une augmentation du nombre total d’heures travaillées », c’est à dire moins de chômeurs et la possibilité de « travailler plus quand on veut travailler plus ». D’où l’annonce par le ministre aux Relations du travail, Gérard Larcher, que les partenaires sociaux vont être invités à négocier, dans les six mois à venir, l’évolution de la législation sur la durée du travail, période à l’issue de laquelle le gouvernement prendra des mesures législatives, qu’il y ait accord ou pas entre patronat et syndicats.

La négociation qui devrait s’engager, sur fond de pression gouvernementale, ne sera pas de tout repos. Alors que l’organisation patronale, le Medef, réclame depuis longtemps un assouplissement des 35 heures, les syndicats sont unanimes pour refuser la remise en cause de cette réduction de la durée hebdomadaire du travail. A ce désaccord de principe entre les partenaires sociaux risque de s’en ajouter un autre, cette fois entre les employeurs et le gouvernement. Là où Nicolas Sarkozy envisage de supprimer la taxation actuelle sur les heures supplémentaires et, parallèlement, les allégements de charges consenties aux entreprises qui sont passées aux 35 heures, celles-ci ne l’entendent pas de cette oreille. Dans un entretien au quotidien économique La tribune, le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, a souhaité que les entreprises retrouvent « la liberté de déterminer la durée et la rémunération du temps du travail », mais sans qu’il soit question pour autant de renoncer aux réductions de charges sociales de 26% sur les salaires jusqu’à 1,7 fois le salaire minimum.

La menace des délocalisations

Les syndicats, dont la CFDT, à l’origine de la réduction du temps de travail dans un but de partage de l’emploi, s’opposent à une réouverture, « pour des raisons idéologiques », des discussions sur le temps de travail. Mais leur combat est rendu plus difficile par les menaces de délocalisations mise en avant par les employeurs. Dénonçant ce chantage à l’emploi les syndicats souhaitent inscrire leur action dans le cadre européen afin d’éviter la course au moins-disant social, favorable aux nouveaux pays de l’Union européenne depuis le 1er mai. Ils militent pour la création d’un espace social européen harmonisant les règles sociales.

Les délocalisations sont en effet la cause principale de la relance du débat sur la réduction du temps de travail en Allemagne. La tendance au retour aux 40 heures est amorcée sous la pression des grandes entreprises qui évoquent aussi des perspectives de suppressions d’emplois. Après Siemens l’allongement de la journée de travail est en cours de négociation chez Mercedes, chez le voyagiste Thomas Cook et la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn. Selon un récent sondage la crainte des délocalisation porte car 51% des personnes interrogées se déclarent prêtes à travailler plus pour le même salaire afin de préserver l’emploi. En Autriche, des représentants des grandes entreprises mettent en relief le coût du travail supérieur à celui des nouveaux pays de l’Union européenne pour demander la suppression de plusieurs jours fériés. Toutefois, dans ce pays la résistance des syndicats et des partis politiques est manifeste. Un expert autrichien souligne également que le coût du travail est inférieur de 20% en Autriche à ce qu’il est en Allemagne et que le problème ne se pose donc pas dans les mêmes termes.  En revanche, à Londres, une grève du métro, mercredi, sur les modalités d’application du passage aux 35 heures en 2006 a provoqué un considérable désordre dans la capitale.



par Francine  Quentin

Article publié le 01/07/2004 Dernière mise à jour le 01/07/2004 à 15:10 TU