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35 heures : la réforme n’est plus à l’ordre du jour

Hervé Novelli, rapporteur, et Patrick Ollier, président de la mission sur les 35 heures qui embarrasse le gouvernement. 

		(Photo : AFP)
Hervé Novelli, rapporteur, et Patrick Ollier, président de la mission sur les 35 heures qui embarrasse le gouvernement.
(Photo : AFP)
Le climat social a changé en France depuis les élections régionales. Le gouvernement prend ses distances avec les projets de remise en cause des 35 heures, alors que se profile une autre difficulté : le rétablissement par la justice d’indemnités de chômage supprimées en janvier.
Publiant aujourd’hui leur rapport sur les conséquences économiques et sociales de l’application des 35 heures de travail hebdomadaires, les députés libéraux de la majorité UMP semblent avoir oublié que, depuis le résultat des élections régionales et cantonales de mars dernier, le social est passé au rang de priorité de l’action gouvernementale, tant à Matignon qu’à l’Elysée.

En raison de cette erreur de «timing», c’est donc probablement un document mort-né qui préconise d’exclure le temps de travail du cadre de la loi, pour le laisser à la négociation d’accords d’entreprises. Car, pour les députés les plus libéraux de l’UMP qui s’intitulent les «réformateurs», à l’origine de cette mission d’évaluation sur les 35 heures, «la réduction du temps de travail est venue perturber les équilibres parfois fragiles des entreprises, tandis qu’elle engendrait de réelles difficultés d’organisation dans le secteur public».

Bien que le président de la mission parlementaire l’UMP Patrick Ollier ait pris soin de dire qu’il n’était pas question d’abroger les 35 heures mais seulement de les assouplir, le secrétaire général du syndicat FO Jean-Claude Mailly a immédiatement réagi en conseillant au gouvernement de laisser ce rapport, qui constitue une«provocation», «au congélateur».

Proposition inopportune

La prudence est en effet l’attitude adoptée par Matignon face à cette initiative parlementaire. Aucune modification de la loi sur les 35 heures n’est à l’ordre du jour, s’est-on empressé de faire savoir dans l’entourage du Premier ministre. Et le gouvernement rappelle qu’il a déjà considérablement assoupli le dispositif initial instauré par deux lois du ministre socialiste de l’époque Martine Aubry en 1998 et 2000. En 2002 la loi Fillon a autorisé les petites entreprises à maintenir les 39 heures de travail hebdomadaire.

Sur le plan politique, la remise en cause des 35 heures est particulièrement inopportune. Après les résultats catastrophiques pour le gouvernement des élections régionales et cantonales de mars, où les Français ont exprimé leur désaccord avec des mesures jugées ultra-libérales, la proposition apparaît par trop idéologique et favorable aux revendications de l’organisation patronale, le Medef. Or, depuis la constitution du gouvernement Raffarin III, la cohésion sociale est devenue la ligne directive de l’action gouvernementale, qui est repassée sous la houlette du président de la République. Le Jean-Pierre Raffarin d’avant les élections régionales était plutôt hostile aux 35 heures. Celui d’après mars 2004 doit prendre en compte que, selon une enquête syndicale, 3 salariés sur 4 passés aux 35 heures en sont satisfaits et que l’Insee attribue à la réduction du temps de travail la création de 350 000 emplois entre 1998 et 2001. Avant de s’engager dans la remise ne cause d’une disposition plébiscitée par les salariés on juge donc à Matignon qu’il est urgent d’attendre.

La justice donne raison aux «recalculés»

D’autant plus qu’une nouvelle difficulté se profile à l’horizon social du gouvernement. Un tribunal marseillais a donné raison à 35 chômeurs dont les indemnités avaient été réduites depuis le 1er janvier, d’où le terme de «recalculés» qu’ils ont adopté. L’assurance-chômage est condamnée à maintenir le versement des indemnités prévues lors de la signature du Pare (plan d’aide au retour à l’emploi), contrat entre le demandeur d’emploi et l’assurance-chômage, et dont les termes avaient été modifiés unilatéralement à la suite d’un accord entre partenaires sociaux et Unedic.

Le gouvernement attendait de cette modification des économies pour le régime d’assurance-chômage et une amélioration des statistiques. Mais ce que l’opinion publique en a retenu c’est l’augmentation de plus de 200 000 chômeurs non indemnisés du fait de cette mesure sur les 265 000 demandeurs d’emploi exclus de l’indemnisation depuis le début de l’année. «Cette décision va donner des ailes à tous ceux qui sont dans une situation comparable» à celle des 35 chômeurs de Marseille, a déclaré un porte-parole CGT. De fait, plus de 70 juridictions ont été saisies par près de 2 000 chômeurs «recalculés» et deux jugements sont attendus, en mai, à Paris et Créteil sur cette question.

Un rétablissement dans leurs droits antérieurs de milliers de chômeurs, si la justice en décidait ainsi, risquerait de poser rapidement le problème du lourd déficit de l’assurance-chômage, au moment même où le gouvernement entreprend de réformer l’assurance-maladie, afin de tenter de combler le «trou» de la sécurité sociale.



par Francine  Quentin

Article publié le 15/04/2004 Dernière mise à jour le 15/04/2004 à 15:12 TU

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Charles Hoarau

Directeur du comité CGT chômeur

«La convention a du plomb dans l'aile (...) il faut renégocier une convention chômage.»

[15/04/2004]

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