Congo
Le président et les droits de l'Homme
(Photo: AFP)
La visite à Paris du président du Congo, Denis Sassou Nguesso offre une occasion aux opposants du régime de Brazzaville pour le rappeler à leur bon souvenir. L’affaire la plus probante qui constitue une épine dans le pied du régime congolais est celle des «disparus du Beach de Brazzaville» en 1999. En effet, plus de 300 personnes qui avaient fui la guerre civile dans leur pays avaient trouvé refuge en République démocratique du Congo (RDC), de l’autre côte de la rive du fleuve Congo. Mais à la faveur d’un certain apaisement, ils avaient fait le voyage du retour et auraient pour la plupart disparu au Beach, le port fluvial de Brazzaville.
Aujourd’hui le comité des familles des disparus écrit au président français Jacques Chirac pour lui demander de faire maintenir au tribunal de Meaux (région parisienne) les poursuites contre certains dignitaires congolais dont le président Sassou Nguesso lui-même. Par la même occasion, le comité des familles de disparus a récusé le tribunal de Brazzaville auquel le gouvernement congolais a confié l’instruction de l’affaire. «Aucune autre justice en dehors de celles de notre pays n’est compétente pour juger cette affaire», a estimé le gouvernement congolais dans un communiqué donné à la presse. Il trouve un soutien auprès de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) dont le président Patrick Gaubert, en visite à Brazzaville, estime que «la procédure devrait se faire ici. Ce problème est congolais et cette affaire doit être réglée ici (Congo)». Par ailleurs, le gouvernement congolais accuse les organisations humanitaires de faire de cette affaire «un fonds de commerce politique».
Carte : Stéphanie Bourgoing/RFI
Les organisations humanitaires ont exprimé leur doute sur l’impartialité du pouvoir de Brazzaville, puisqu’une commission parlementaire, mises en place pour enquêter sur les crimes commis pendant la guerre civile de 1993 et de 1997. Cette commission n’a jamais rendu un rapport, mais à Paris en mai 2004, un officier supérieur congolais ; le colonel Ndenguet avait été interpellé à Paris, mais rapidement libéré par le Tribunal de grande instance de Paris et la procédure avait été suspendue. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) se sont portés partie civile dans la procédure de Meaux aux côtés des familles des disparus, rapporte l’AFP. Mais à Brazzaville un petit coup d’accélérateur a été donné à la procédure puisque le procureur général de la république près la Cour suprême du Congo a inculpé, au début du mois de ce juillet, quatre officiers de l’armée congolaise. Cette démarche a pour objectif de contrer la procédure engagée en France.
Une autre affaire pend au nez du pouvoir de Brazzaville, dénoncée par le Conseil national de la résistance du Congo (CNR) du pasteur Frédéric Bitsangou, alias Ntumi, qui parle d’exactions commises l’armée régulière sur les populations civiles dans la région du Pool. «Une plainte a été déposée à Paris avec constitution de partie civile pour la mort de 38 personnes à Mpangala en janvier 2003», selon l’AFP.
Exclu du processus de KimberleyMais le gouvernement congolais est actuellement confronté à d’autres problèmes que ceux relevant des droits de l’Homme. Sur le plan du commerce international, la vente du diamant congolais devient quasiment impossible, par le circuit officiel. En effet, la régulation de ce marché est régie par le «processus de Kimberley» dont le Canada assume actuellement la présidence. Le Congo vient d’en être exclu. Une mission d’information et d’évaluation s’est rendue à Brazzaville et a conclu que le Congo exportait du diamant dont l’origine n’est pas précisément déterminée. Il exporterait donc du diamant en provenance des pays en guerre de la région. La RDC avait déposé dans ce sens une plainte cotre son voisin l’autre rive du fleuve Congo et une mission avait été dépêchée à Brazzaville dès le 25 juin.
Aussi, les délais pour fournir des réponses, voire des mesures concrètes pour mieux contrôler une filière (30 jours), ont-ils été considérablement réduits selon les autorités congolaises qui font remarquer que l’exclusion de leur pays est intervenue le 9 juillet alors que la réponse du gouvernement congolais a été adressée au président du processus de Kimberley le 8 juillet. Les deux semaines requises n’ont pas été prises en compte. «Il y a là une précipitation des événements qui conduit la République du Congo à s’interroger sur l’impartialité de la présidence du processus de Kimberley», déplore le gouvernement congolais dans un communiqué remis à l’AFP . En revanche, le Congo qui n’avait qu’une production artisanale de 50 000 carats par an a vu ses dernières années sa production varier entre 4 et 5 millions de carats.
par Didier Samson
Article publié le 13/07/2004 Dernière mise à jour le 15/07/2004 à 06:42 TU