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Agriculture

Le vin français en crise

En France, le vin reste «un produit de civilisation». 

		(Photo : AFP)
En France, le vin reste «un produit de civilisation».
(Photo : AFP)
Sauf incident climatique d’ici la vendange, la production de vin français devrait atteindre, cette année, les 56,6 millions d’hectolitres. Ce n’est pas vraiment une excellente nouvelle en cette période de crise de surproduction, liée à la baisse de la consommation nationale et aux difficultés à l’exportation.

En 2003, en raison de gel printanier puis de la canicule de l’été, la France n’a produit que 47,6 millions d’hectolitres alors que la moyenne annuelle s’établit à 53 millions d’hectolitres. Cette année, le ministère de l’Agriculture prévoit une récolte de 56,6 millions d’hectolitres, dont 26,5 millions d’hectolitres de vins d’appellation et 14,5 millions d’hectolitres de vins de pays.

Cette abondance ne fait pas forcément l’affaire de la filière vini-viticole, touchée par une crise profonde de surproduction. En France, la consommation de vin a diminué de moitié depuis 20 ans, ce qui conduit à penser que les campagnes contre l’alcoolisme au volant portent leurs fruits. A cela s’ajoute la consommation accrue de vins étrangers dont les Français raffolent de plus en plus, qu’ils viennent d’Amérique du sud, des Etats-Unis, d’Australie ou d’Afrique du sud. Concurrencés sur leur propre territoire, les vins français enregistrent également une diminution des exportations. Au premier trimestre 2004, elles ont baissé de 7% en valeur et de 4,6% en volume par rapport au premier trimestre 2003.

Le vin est en France un secteur économique important. La filière vini-viticole représente 18% de la population active agricole, dont 240 000 permanents et 144 000 exploitations, 850 caves coopératives, 1 400 entreprises de négoce. Le chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 11 milliards d’euros, dont 5,8 milliards à l’exportation. Cela fait du vin le 5ème produit d’exportation après l’automobile, les avions, les produits pharmaceutiques et les circuits intégrés. Ces chiffres expliquent pourquoi le ministre de l’Agriculture Hervé Gaymard réunissait le 21 juillet une table-ronde des acteurs de la filière afin d’annoncer des mesures économiques de redressement.

Mais, sans attendre, les différents terroirs vinicoles ont pris des dispositions pour limiter la surproduction et éviter la chute des prix. En Champagne, la profession a fixé des quotas de récolte de 10 000 kilos de raisin à l’hectare pour ne pas dépasser, au final, une production de 300 millions de bouteilles. Dans le Bordelais, le comité interprofessionnel a décidé de limiter la commercialisation à 50 hectolitres par hectare en 2004. Dans cette région particulièrement touchée par la crise, à l’exception des grands crus de renommée internationale, le potentiel de production s’élève à plus de 7 millions d’hectolitres par an alors qu’elle n’en écoule que 5,5 millions d’hectolitres. Dans le Beaujolais, où la production est exportée à 51%, on va jusqu’à parler de « survie » du vignoble. Les professionnels ont décidé de réorganiser l’octroi du label AOC et de se lancer dans le mélange des cépages afin de diversifier les saveurs du vin.

Le malheur des uns … 

La crise du vin ne frappe pas à toutes les portes. La Californie, quatrième producteur de vin au monde derrière la France, l’Italie et l’Espagne, a exporté 643 millions de dollars de vins en 2003 et a rapporté, en 2002, plus de 45 milliards de dollars à l’économie de cet Etat, soit un chiffre d’affaires en augmentation de 40% en quatre ans.

Au cours du salon Vinexpo Americas qui s’est tenu fin juin à Chicago aux Etats-Unis, les Français ont identifié une des raisons de leur recul dans ce pays, au bénéfice des Italiens et des Australiens notamment. Le consommateur américain moyen ne comprend rien aux indications de marques et de châteaux qui pullulent en France et les labels du type AOC ne lui parlent pas comme ce peut être le cas en Europe. Pour améliorer sa commercialisation le vin français doit simplifier sa présentation et, surtout, annoncer le cépage.

Ailleurs dans le monde, le vin allemand s’exporte de mieux en mieux. En 2003-2004 les volumes à l’exportation ont progressé de plus de 12% et de plus de 10% en valeur, pour atteindre 421 millions d’euros. Les vins d’outre-Rhin prennent le chemin de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de la Suède. En revanche, les exportations allemandes ont reculé en France et au Japon durant la même période.

Des producteurs de vins plus anecdotiques dans le monde ne représentent, pas encore, un danger pour le vin français. Il n’empêche. En Russie, au bord de la Mer Noire, on plante à nouveau de la vigne et le marché russe devrait augmenter de 12% par an, sous l’influence des femmes qui apprennent à apprécier le vin. Les nouveaux propriétaires des anciennes exploitations vinicoles collectives font de plus en plus appel à des spécialistes étrangers pour les aider à produire un vin de qualité. C’est également le cas en Roumanie qui doit intégrer l’Union européenne en 2007.

Sur le marché français les producteurs de vin veulent également relancer la consommation. C’est l’objectif du « livre blanc » qui doit être remis le 28 juillet au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Ce rapport présente le vin comme « un produit de civilisation et de santé publique ». Il demande de le considérer, comme c’est le cas depuis une loi de juillet 2003 en Espagne, en qualité d’aliment apportant un bienfait nutritif. Les parlementaires, les acteurs de la filière vinicole et de la santé qui l’ont élaboré demandent un assouplissement de la loi Evin qui, depuis 1991, réglemente strictement la publicité sur les alcools dont le vin. Déjà des responsables de la prévention sanitaire s’insurgent contre ce qui pourrait être la porte ouverte à une reprise de la consommation alcoolique.



par Francine  Quentin

Article publié le 21/07/2004 Dernière mise à jour le 21/07/2004 à 13:10 TU

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Journaliste à RFI

«C'est ce que les américains appellent le «french paradox». Dans le vin comme dans le tabac, l'Etat français est confronté à ses contradictions entre la santé publique et la réalité économique d'une filière.»

[21/07/2004]

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