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Kosovo : cinq ans après l’intervention de l’OTAN

Quel statut final pour le Kosovo ?

Les émeutes du mois de mars montrent le mécontentement des Albanais envers l'administration internationale. 

		Photo : AFP
Les émeutes du mois de mars montrent le mécontentement des Albanais envers l'administration internationale.
Photo : AFP
2005 devrait être l’année de la définition du statut final du Kosovo. La plupart des pays occidentaux sont partisans de mettre rapidement fin au mandat de la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK), coûteuse et bien peu efficace. Cela ne devrait pourtant pas signifier la fin de la présence internationale au Kosovo.
De notre envoyé spécial au Kosovo

Les Albanais ne renoncent pas à l’objectif d’une indépendance dont les Serbes ne veulent pas entendre parler. Les positions sont totalement inconciliables. Du côté albanais, la revendication d’indépendance est partagée par tous les partis politiques, des plus modérés aux plus radicaux. Des divergences existent seulement sur les moyens d’y parvenir.

Récemment, le Premier ministre, Bajram Rexhepi, pourtant issu des rangs du Parti démocratique du Kosovo (PDK), la formation qui regroupe les anciens guérilleros de l’UCK, a envisagé la possibilité d’une indépendance limitée ou conditionnelle, assortie du maintien d’une forte présence internationale. Le modèle pourrait être celui de la Bosnie-Herzégovine, dont la souveraineté est limitée par les pouvoirs discrétionnaires du Haut représentant international, qui peut notamment casser des articles de lois ou démettre des responsables publics, s’ils s’opposent au cadre institutionnel et politique défini par les accords de paix.

Mais le temps presse, car le mécontentement croît chez les Albanais, de plus en plus critiques envers la MINUK (Mission des Nations unies au Kosovo). Ils reprochent à l’administration internationale son incapacité à améliorer la situation économique, à réduire la corruption et à lutter efficacement contre le crime organisé. Le train de vie de la MINUK et de ses fonctionnaires est aussi de plus en plus mal ressenti par une population appauvrie. Les coupures récurrentes d’eau et d’électricité sont devenues le symbole de cette impéritie de l’administration internationale. Les émeutes du mois de mars, où des jeunes Albanais ont incendié des véhicules de la MINUK ou de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ont révélé que de plus en plus d’Albanais commencent à percevoir les fonctionnaires internationaux comme des occupants et non comme des libérateurs.

Jusqu’à présent, les pays européens s’opposaient à la perspective de l’indépendance, par crainte des incalculables conséquences régionales que cela pourrait avoir. Paradoxalement, les émeutes de mars pourraient néanmoins précipiter la marche du Kosovo vers l’indépendance, alors que ces violences ont creusé un fossé de défiance entre les Albanais et la communauté internationale. En effet, tout le monde s’accorde pour reconnaître que le statu quo ne peut pas se poursuivre, et les Albanais refusent d’envisager une évolution qui ne repose pas sur l’accession à l’indépendance.

Hypothèse : créer des villes nouvelles pour les Serbes

Le point de vue serbe est bien différent. Belgrade réclame toujours l’application stricte de la résolution 1244 des Nations Unies, qui stipule le maintien de la souveraineté yougoslave sur le Kosovo. Depuis la transformation de la Yougoslavie en Union de Serbie et Monténégro, en février 2003, le nouvel État a hérité des obligations et des prérogatives internationales de son prédécesseur. La résolution prévoit aussi la possibilité d’un retour négocié de l’armée et de la police serbe au Kosovo, notamment sur les frontières.

La principale question est celle du retour des 250 000 déplacés serbes et rroms chassés du Kosovo depuis 1999. Certaines hypothèses sont avancées aujourd’hui comme la possibilité de créer des villes nouvelles dans les zones serbes du Kosovo, où ces déplacés pourraient revenir, puisque l’accès aux zones albanaises est toujours impossible. Les rares retours amorcés depuis trois ans se sont soldés par la création de nouvelles enclaves serbes gardées par les soldats de la KFOR, et durant les émeutes de mars, les maisons de certains de ces courageux « revenants » ont été à nouveau détruites.

Les Albanais rejettent le projet serbe de créer des cantons

Les Serbes du Kosovo exigent avant tout un minimum de sécurité et la garantie de leur liberté de déplacement. Entre 100 000 et 120 000 Serbes vivent aujourd’hui au Kosovo. Cette présence se concentre dans le secteur nord, homogène et contigu à la Serbie et à un chapelet d’enclaves éparpillées à travers tout le territoire. Le “ secteur central ” regroupe une vingtaine de villages, tandis que la commune de Strpce, dans le sud, est entièrement serbe. Les principaux monastères serbes se trouvent cependant en-dehors des enclaves, comme le siège patriarcal de Pec ou le monastère de Visoki Decani.

Les Serbes exigent la création de cantons, qui pourraient garantir leur autonomie, mais les Albanais rejettent cette hypothèse, prélude, selon eux, à une partition du Kosovo. De surcroît, il sera difficile de regrouper en cantons des villages isolés les uns des autres, à moins de procéder à un regroupement des populations serbes, qui impliquerait de nouveaux mouvements de population. En cas d’évolution vers une indépendance, même conditionnelle, la reconnaissance d’une autonomie locale pour les Serbes sera néanmoins incontournable.

D’un point de vue militaire, le retrait de la force de l’OTAN au Kosovo, la KFOR, n’est pas encore envisagée, même si l’Union européenne devrait, à terme, reprendre à sa charge la gestion de la sécurité au Kosovo, comme cela sera le cas en Bosnie dès la fin de l’année, quitte à ce que l’OTAN conserve certaines prérogatives, comme la lutte contre le terrorisme international.

L’accélération des discussions sur le statut final du Kosovo risque donc de raviver les contradictions, et rien ne permet d’exclure l’hypothèse de nouvelles violences. Plusieurs réseaux armés souterrains albanais demeurent opérants, et il pourraient choisir la voie d’une confrontation ouverte avec la communauté internationale si l’option d’une indépendance rapide n’était pas retenue.

par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 28/07/2004 Dernière mise à jour le 28/07/2004 à 09:56 TU