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Commission européenne

La chasse aux portefeuilles est ouverte

L'ancienne ministre autrichienne des Affaires étrangères, Benita Ferrero-Waldner, vient d'être nommée au poste de commissaire européenne. 

		(photo : AFP)
L'ancienne ministre autrichienne des Affaires étrangères, Benita Ferrero-Waldner, vient d'être nommée au poste de commissaire européenne.
(photo : AFP)
La nouvelle Commission européenne entrera en fonction le 1er novembre 2004. Son président, le portugais José Manuel Durão Barroso, se trouve confronté à de nombreux défis, dont les principaux dossiers seront de mener à bien la ratification de la Constitution de l’Union et de combattre «l’euro-apathie» dont elle est victime. Diplomatie, pourparlers et négociations, qui ont lieu ces jours-ci, sont les maîtres-mots de la répartition des portefeuilles des futurs commissaires.

José Manuel Durão Barroso est un «aoûtien» studieux. En effet, l’ancien chef du gouvernement portugais, élu officiellement président de la Commission par le Parlement le 22 juillet dernier, doit annoncer le nom des membres de «sa commission» au plus tard le 23 août. Les membres de cette institution, au nombre de 30 depuis l’élargissement du 1er mai, ne seront plus que 25 lors de la prise de fonction le 1er novembre, soit un représentant par Etat. Une fois proposés par les Etats membres, ces hauts serviteurs de l’Europe doivent être adoubés par le Parlement début septembre. C’est au président de la Commission, jouissant de prérogatives renforcées par l’article 127 du traité de Nice, «de décider de l’organisation interne» et des responsabilités attribuées aux différents membres.

Le Portugais a déjà annoncé la couleur : «j’exercerai pleinement les pouvoirs que me confèrent le traité en ce qui concerne la répartition des portefeuilles». Il entend bien, par cela, affirmer son autorité et ne pas être soumis à quelque pression que ce soit. Mais si les intentions et la volonté sont bonnes, la tâche risque d’être plus ardue.

L’identité de tous les membres est connue depuis mardi. Les futurs membres se révèlent être plus des politiques que des techniciens. Les gouvernements ont pour la plupart réaffirmé la confiance donnée à leurs commissaires. Ainsi, Günter Verheugen (Allemagne), Joaquin Almunia (Espagne), Danuta Hübner (Pologne), Janecz Potocnik (Slovénie), Viviane Reding (Luxembourg), Margot Wallström (Suède), Marcos Kyprianou (Chypre), Dalia Grybauskaite (Lithuanie), Laszlo Kovacs (Hongrie), Siim Kallas (Estonie),  Joe Borg (Malte), Jan Figel (Slovénie), Starvos Dimas (Grèce), Oli Rehn (Finlande), Dalia Grybauskaite (Lithuanien) ou encore Jacques Barrot (France) rempilent pour un nouveau mandat.

D’autres pays ont choisi de faire appel à de nouvelles personnes. Ainsi, le Royaume Uni a choisi le pro-européen Peter Mandelson; l’Italie, son actuel ministre des Affaires européennes, Rocco Buttiglione. L’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas misent sur leurs anciens ministres des Affaires étrangères, respectivement, Benita Ferrero-Waldner, Louis Michel et Neelie Smit-Kroes. Quant à la République tchèque, elle a nommé son ancien Premier ministre Vladimir Spidla; l’Irlande, son ministre des Finances, Charlie Mc Creevy et le Danemark, son ancienne ministre de l’Agriculture Mariann Fischer-Boel.

José Manuel Durão Barroso devra répartir les portefeuilles entre ces hommes et ces femmes, car ces dernières se retrouvent finalement à 8 à siéger à la Commission, nombre souhaité par le président. Les six grands Etats de l’Union européenne rassemblent, à eux seuls les trois-quarts de la population, mais ils n’auront plus chacun qu’un représentant au lieu de deux auparavant face aux 19 autres des petits pays.

Des portefeuilles plus convoités que d’autres

En fonction de cette nouvelle donne délicate à gérer, les grands Etats cherchent logiquement à rétablir l’équilibre en contrôlant les postes les plus stratégiques, les plus influents. L’Allemagne et la France souhaitent la création d’un super-commissaire chargé des dossiers économiques, qui serait détenu par Günter Verheugen, mais José Manuel Durão Barroso souligne fermement qu’«il n’y aura pas de commissaires de premier et de second plan dans la Commission que je présiderai». Certains postes, comme les Transports et l’Energie, le Marché intérieur et la Fiscalité ou encore l’Agriculture et la Pêche devront être séparés et gérés par un plus grands nombres de commissaires.

Certains portefeuilles sont très courtisés. Celui de la Concurrence arrive parmi les premiers. Ce poste est certainement l’un des plus influents sur la politique de l’Union, car il permet, entre autres, d’infliger de lourdes amendes, d’interdire des fusions de grandes sociétés. Les grands Etats se le disputent âprement, aucun ne voulant le laisser à un autre. Mais à ce jeu-là, il semble qu’ils se retrouvent tous perdants et que ce soit l’Irlandais Charlie McCreevy qui l’obtienne. Actuel ministre des Finances de son pays, il peut se flatter d’avoir conduit une politique économique auréolée de succès. Par ailleurs, sa langue natale est l’anglais, or il est absolument nécessaire de le parler parfaitement, point négatif pour le Français Jacques Barrot qui manie mal la langue de Shakespeare.

Le portefeuille du Marché intérieur est aussi très prisé, car il régit la libre-circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. Le Français Jacques Barrot, très proche de Jacques Chirac, le souhaiterait. Mais il devra batailler dur avec la Polonaise Danuta Hübner qui aimerait obtenir un grand portefeuille pour son pays. Sinon, il pourrait se contenter des Transports, mais la Néerlandaise Neelie Smit-Kroes aurait aussi des vues dessus. Quant au médiatique Belge Louis Michel, il se dispute le portefeuille de l’Aide au développement avec l’Autrichienne Benita Ferrero-Waldner.

Si les suppositions vont bon train dans les couloirs de Bruxelles, certaines apparaissent plus probables que d’autres. Ainsi, l’Allemand Günter Verheugen pourrait obtenir l’Industrie, le Britanique Peter Mandelson aurait le Commerce, l’Italien Rocco Buttiglione hériterait de la Justice et des Affaires européennes et l’Espagnol Joaquim Almunia, certainement les Affaires économiques et monétaires.

M. Durão Barroso devra batailler fermement dans les semaines à venir pour imposer ses choix et ne pas permettre aux grands Etats d’imposer leur politique. Mais gageons que le Parlement, avant d’accorder son investiture à la Commission, n’hésitera pas, lors des audiences des commissaires, à faire entendre aussi sa voix.



par Pauline  Stasi

Article publié le 04/08/2004 Dernière mise à jour le 05/08/2004 à 06:27 TU