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Allemagne

La contestation sociale s’amplifie

De plus en plus de manifestants contre la réforme de l'Etat-providence allemand. 

		(Photo: AFP)
De plus en plus de manifestants contre la réforme de l'Etat-providence allemand.
(Photo: AFP)
Les manifestations contre la réforme du système d'indemnisation du chômage s’étendent en Allemagne d’Est en Ouest. Ce mouvement de protestation sociale s’inscrit dans le cadre, politiquement dangereux pour le gouvernement Schröder, d’élections régionales prochaines et de tensions au sein même de son parti.

Chaque lundi depuis trois semaines des manifestations ont lieu en Allemagne pour protester contre la réforme de l’Etat-providence et tout particulièrement contre la modification des conditions de versement des allocations chômage de longue durée. Ce mouvement est parti des Länder de l’est du pays, très touchés par le chômage. Dans ces régions de l’ex-RDA le nombre des sans-emploi atteint 20% de la population active, soit environ le double du taux observé en Allemagne de l’Ouest. Le choix par les manifestants de la date du lundi n’est pas anodin car il fait explicitement référence aux « manifestations du lundi » qui se déroulaient contre le régime en d’Allemagne de l’Est avant la chute du mur de Berlin en 1989 et la réunification.

Toutefois le mouvement s’étend à l’Ouest et les manifestations du 16 août ont atteint Berlin pour la première fois et rassemblé plus de 90 000 personnes dans tout le pays contre 40 000 environ la semaine précédente. La mobilisation est cependant encore faible à l’Ouest, partie la plus riche d’Allemagne.

Dans le cadre de sa réforme du marché du travail le gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder, soutenu par les Verts, prévoit, à compter de janvier 2005, une fusion des aides sociales et des allocations chômage de longue durée qui se traduira par une réduction des prestations aux bénéficiaires. Des incitations à reprendre le travail en acceptant les emplois proposés sous peine de sanctions sont également prévues. Ce n’est qu’un des aspects de la remise en cause par le gouvernement de l’Etat-providence allemand afin de rendre l’économie plus compétitive. L’Allemagne est confrontée comme bien des pays d’Europe occidentale au vieillissement de la population et à une faible croissance.

Les élections en ligne de mire

La protestation qui s’amplifie a paru suffisamment sérieuse au chancelier allemand pour qu’il mette un terme prématuré à ses vacances et convoque, le 11 août, une réunion à l’issue de laquelle des assouplissements à la réforme ont été annoncés. Ces concessions de détail n’ont toutefois pas suffi, comme l’ont montré les défilés de lundi dernier.

Ces démonstrations de force à caractère syndical revêtent aussi une importance politique non négligeable. Des élections régionales auront lieu en septembre, dont en Rhénanie-Westphalie, bastion du SPD, et en Sarre. Or les déroutes électorales se sont accumulées au cours des 18 derniers mois pour le chancelier Schröder et la cote de popularité de son parti a chuté à 23% contre 44% à la CDU son principal adversaire électoral.

L’opposition ne se fait d’ailleurs pas faute d’utiliser le mécontentement populaire. Gerhard Schröder accuse la CDU de constituer un front avec les néo-communistes pour profiter de la grogne avant les élections. Or, rappelle le chancelier, la CDU a voté en faveur de cette réforme du marché du travail, en la durcissant même, lors de l’examen du projet devant le Bundesrat, la chambre haute du parlement allemand.

Le SPD est également soumis par ce projet à de fortes tensions internes. Là où le ministre de l’Economie Wolfgang Clement insiste sur la poursuite de la réforme qu’il a engagée, l’ancien ministre des Finances Oskar Lafontaine, rival de toujours de Gerhard Schröder à la tête du parti, s’y oppose fermement. Il est même prêt à soutenir un mouvement dissident qui émergerait dans le parti au cas où le chancelier persisterait. Déjà des membres du SPD ont formé un groupe rebelle « Alternative électorale pour le travail et la justice sociale ». Si ces dissidents se lançaient pour leur compte dans la campagne électorale les chances du SPD de remporter les élections fédérales en 2006 seraient à peu près nulles.



par Francine  Quentin

Article publié le 17/08/2004 Dernière mise à jour le 17/08/2004 à 13:12 TU