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Economie

Délocalisations : le chassé-croisé

En France, le groupe Bosch a conditionné le maintien des emplois à l'allongement du travail hebdomadaire, sans augmentation de salaire. 

		(Photo : AFP)
En France, le groupe Bosch a conditionné le maintien des emplois à l'allongement du travail hebdomadaire, sans augmentation de salaire.
(Photo : AFP)
Au moment où des entreprises européennes délocalisent activement, ou menacent de le faire, un mouvement inverse est amorcé au Japon. Dans ce pays qui a implanté beaucoup d’usines en Asie du sud-est pour bénéficier des faibles coûts de production, des entreprises rentrent au pays afin de préserver leur avantage technologique.

Dans les années 90, dans une conjoncture de hausse des cours du yen qui réduisait leur compétitivité, beaucoup de sociétés japonaises ont délocalisé leurs productions à l’étranger, surtout dans le reste de l’Asie, économiquement moins développée. Désormais le mouvement inverse est amorcé, selon le rapport annuel sur l’économie et les finances publiques du Japon.

En 1996, on a récensé environ 700 délocalisations en Asie de sociétés japonaises appartenant notamment au secteur électronique. Une cinquantaine d’entreprises seulement faisait le choix de revenir produire au pays cette année-là. En 2003, la tendance est nettement contraire avec 300 délocalisations seulement et, signe plus significatif encore, 300 relocalisations au Japon. Selon le ministre japonais du Commerce 108 sociétés des secteurs de l’électronique et de l’automobile, principalement, se sont retirées de Chine en 2003 contre 9 seulement en 1998. Dans le même temps cependant 177 ont continué de s’y implanter.

Plusieurs raisons président à ce choix du retour. Le coût de la main d’œuvre a augmenté en Asie et le différentiel salaire japonais-salaire délocalisé s’est réduit d’autant plus que la crise économique sévissait durement au Japon. De plus, certaines entreprises japonaises estiment que, pour les produits à haute valeur ajoutée, tels que les téléviseurs à écran plat ou les équipements numériques, les sites de production nationaux sont les plus adaptés. La reprise économique, au Pays du Soleil Levant, les incite également à venir en profiter sur place.

Enfin, les Japonais, conscients que leur avance technologique est leur principal atout, entendent ainsi mieux protéger leurs brevets et inventions. Nombre de technologies mises au point par les Japonais ont été exportées dans les pays étrangers, par le biais des délocalisations, et cela a fait perdre au Japon une part de sa compétitivité dans ce domaine. Il est vrai que le Japon conserve, en cette ère de mondialisation, une législation relativement protectionniste pour ce qui concerne l’entrée des sociétés étrangères ou l’accueil des immigrés.

« Comme des fanatiques » 

En Europe les délocalisations sont un phénomène bien connu depuis vingt ans, mais elles prennent depuis quelques temps une tournure différente. Des entreprises grosses pourvoyeuses d’emplois mettent en avant le spectre des délocalisations pour imposer un recul des avantages acquis par leurs salariés. La grande offensive contre la réduction du temps de travail est partie d’Allemagne mais elle s’étend maintenant en France. Face à l’emploi des salariés d’Europe de l’Ouest les employeurs brandissent les coûts des pays d’Europe centrale et de l’Est dont certains nouveaux adhérents de l’Union européenne.

En dépit d’un syndicat allemand IG Metall réputé puissant le groupe Siemens a obtenu, dans deux de ses sites de fabrication de téléphones en Allemagne, le passage de 35 heures à 40 heures de travail sans compensation salariale sous la menace de la délocalisation de 2 000 emplois en Hongrie. Le PDG de Siemens invite ses compatriotes à s’inspirer des Chinois qui, dit-il « travaillent comme des fanatiques, bien plus dur que nous ».

La direction de Mercedes, filiale de DaimlerChrysler, propose d’échanger une augmentation du temps de travail hebdomadaire contre l’abandon d’un projet délocalisant 6 000 emplois vers l’Afrique du Sud et même la région Nord de la république fédérale où les salaires sont inférieurs.

En France, cela a donné des idées au groupe Bosch qui, dans son usine de Vénissieux, a conditionné le maintien des emplois dans la région lyonnaise, plutôt qu’en République tchèque, au retour de 35 à 36 heures de travail hebdomadaire, sans augmentation de salaire.  Dans son allocution du 14 juillet le président de la République Jacques Chirac a demandé l’ouverture de négociations sur un « assouplissement » des 35 heures, dans le sens de l’allongement, mais il a qualifié de « pente glissante » le chantage emploi contre délocalisation. Le patron de patrons français Ernest-Antoine Seillière lui a répondu en déclarant que « les 35 heures ce n’est pas la pente glissante, c’est le toboggan vers le recul économique ».



par Francine  Quentin

Article publié le 16/07/2004 Dernière mise à jour le 16/07/2004 à 12:10 TU