Jeux olympiques 2004
Justin Gatlin, Dieu du stade?

(Photo : AFP)
Que retiendra-t-on de la finale du cent mètres messieurs ? Le nom du vainqueur, l’Américain Justin Gatlin, qui n’était jamais descendu sous les dix secondes avant cette année 2004, ou la densité d’une finale où les quatre premiers ont couru en moins de 9.90, événement inédit à ce jour. Gatlin, 22 ans, a brûlé les étapes au point que cette médaille d’or inattendue appelle une confirmation. Pourquoi pas un doublé 100-200m ? L’Américain de Brooklyn n’était pas le favori. On lui préférait son compatriote et complice Shawn Crawford ou le Jamaïcain Asford Powell, seulement quatrième et cinquième devancés finalement par le Portugais d’origine nigériane Francis Obikwelu, désormais nouveau détenteur du record d’Europe (9.86) et le champion olympique de Sydney, Maurice Greene, tout heureux du bronze après avoir été victime de toute une série de blessures. Son retour sur le podium est, en soi, une victoire. Alors Gatlin doit encore se faire un nom avant de pénétrer au Panthéon des maîtres de la piste. Ce qu’est en train de réussir le phénoménal Kenenisa Bekele, vainqueur du 10 000 m en attendant un doublé plus que possible sur le 5 000 m. Jeune héritier de Gébreselassié, son succès initial était programmé, attendu. Sa victoire ne lui en confère pas moins une aura au goût magnifique. Elle s’inscrit dans la légende des petits hommes verts descendus des hauts plateaux éthiopiens. Cette continuité des héritiers d’Abebe Bikila a quelque chose de magique qui force l’admiration.
Petite Suède, grands champions
La piste d’athlétisme généralement délivre un, deux ou trois noms tous les quatre ans qui situent le niveau des Jeux Olympiques, toutes disciplines confondues. A défaut, d’autres performances peuvent éclipser des individualités qui ne parviennent pas à faire l’unanimité. De ce point de vue la performance des athlètes suédois, trois titres en deux jours, mérite une attention toute particulière. La médaille d’or de l’heptathlonienne Carolina Kluft, sans rivale depuis la conquête d’un premier titre mondial l’an dernier au stade de France, pas plus que celles de Stephan Holm au saut en hauteur (2,36m) et de Christian Olsson au triple saut (17,79m) ne sauraient, en aucun cas tenir lieu de surprises, mais que dire de cette extraordinaire moisson quand on sait qu’en tout et pour tout les Suédois n’ont engagé à Athènes que huit athlètes. A l’indice de performance, les Vikings figurent probablement au premier rang jusqu’à présent. Attention, chaque pays a ses propres références et Mizuki Noguchi est assurée de rentrer à Tokyo avec le titre d’impératrice d’Athènes. Parce que le marathon a supplanté au pays du soleil levant le sumo. Vice-championne du monde à Paris elle a fait la seconde moitié du parcours seule en tête dominant toutes ses rivales, à commencer par le phénomène de la spécialité, la Britannique Paula Radcliffe contrainte à l’abandon, sans leur laisser le moindre espoir, pas même à celle qui l’avait précédée, il y a un an en France, la Kenyane Catherine Ndereba finalement deuxième. Quatre ans après l’or de Takahashi, une tradition s’installe au Japon. Le marathon y est presque devenu un art de vivre et il déverse des dividendes impériaux et une gloire éternelle à ceux et celles qui s’y distinguent.
Larmes de joie, larmes de tristesse, mélange des genres. Avènement de champions inattendus, déclin de champions connus et reconnus, parfois nantis d’un énorme palmarès. Les Jeux Olympiques voient culminer les antagonismes. Mais ils sont toujours à la recherche du héros qui demeurera le symbole de ses rendez-vous quadriennaux. Et, très souvent, il sort des épreuves d’athlétisme. Alors Gatlin, un autre ou une autre ? Le meilleur dit-on est à venir. Alors attendons.
par Gérard Dreyfus
Article publié le 23/08/2004 Dernière mise à jour le 23/08/2004 à 16:34 TU