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Mauritanie

Les criquets préfèrent la pluie

Tronc d'arbre infesté de criquets près de Tintane, à 750 km de Nouakchott. 

		(Photo: Marie-Pierre Olphand/RFI)
Tronc d'arbre infesté de criquets près de Tintane, à 750 km de Nouakchott.
(Photo: Marie-Pierre Olphand/RFI)
L’invasion de criquets se poursuit dans les pays du Sahel. En Mauritanie, ligne de front et de reproduction des insectes, plus d’un million et demi d’hectares sont infestés. Avec la saison des pluies, les criquets trouvent dans le pays l’humidité propice à leur reproduction et une végétation toute fraîche à dévorer. Des régions entières risquent d’être touchées par la destruction des cultures à moyen terme.
Accouplement de criquets. 

		(Photo: Marie-Pierre Olphand/RFI)
Accouplement de criquets.
(Photo: Marie-Pierre Olphand/RFI)
Reportage au sud-est de la Mauritanie, sur la route de l’espoir

«Les bêtes sont désorientées par les criquets, comme ébahies. Elles ne broutent pas d’habitude et rentrent le soir affaiblies. Elles produisent aussi beaucoup moins de lait» raconte un éleveur de la région de Tintane propriétaire d’un troupeau d’une centaine de vaches et de chameaux. Depuis sa naissance, il n’a pas vu pareille invasion. «Sans l’intervention des services techniques ici, nous serions partis ailleurs chercher des pâturages», témoigne une autre éleveur de Kobenni, à 25 km de la frontière malienne. «Nous avons constaté que depuis l’arrivée des criquets, certaines bêtes mettent bas avant terme. Ces avortements seraient dus aux excréments des insectes que nos animaux ont mangé». Une information non vérifiée scientifiquement mais rapportée à plusieurs reprises.
Toute la région du Hodh el Gharbi, au sud-est de la Mauritanie, est envahie de criquets. Avec la saison des pluies, ils trouvent là un terrain idéal pour se nourrir et se reproduire. Directement en compétition avec le bétail, ils mangent la végétation spontanée annuelle qui pousse avec l’hivernage, cette herbe tendre qui aurait dû se transformer en fourrage à la fin de la saison humide.

Les criquets grouillent sur le bitume

A plusieurs endroits sur la route de l’espoir, des bandes de criquets sont installées sur le goudron. Cinq cent mètres de large sur plusieurs kilomètres de long, la taille de ces infestations impressionne l’équipe anti-acridienne en mission ce jour-là. Ces spécialistes du criquet savent que dans 6 à 8 jours, les insectes prendront leur envol et formeront un essaim qui ira se poser dans une zone jusque-là épargnée. Pour l’instant les criquets en quête de chaleur grouillent sur le bitume. «Ils sont cannibales et dès que les premiers se font écraser par les voitures, d’autres viennent les dévorer», explique Mohamed Lemine ould Ahmedou, acridologue à la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) à Nouakchott. Non loin de là un tracteur est dans le fossé, il roulait trop vite et a dérapé sur les insectes. Même si les accidents ne sont pas encore très nombreux, un gendarme s’inquiète: «Nous avons déjà vu passer les gros essaims et maintenant ce sont les petits qui menacent la circulation. Que font les gens qui s’occupent des criquets ?».
Sans relâche, les équipes de traitement travaillent pourtant depuis plusieurs semaines, mais l’étendue du territoire rend la tâche difficile. Il faut une bonne journée pour acheminer les produits et parcourir les 800 km qui séparent la région de la capitale, sans compter les heures de pistes pour atteindre les zones touchées. Ici tous les types d’infestation sont observés : les essaims tourbillonnants, en accouplement et en phase de ponte et les bandes larvaires tous stades confondus.

Une course contre la montre

«C’est une véritable course contre la montre. Il faut agir tôt et traiter les bandes larvaires mais aussi s’attaquer aux jeunes ailés sinon les essaims deviennent ensuite incontrôlables et difficiles à localiser» explique Mohamed el Hacen ould Jaavar chef du bureau des interventions au Centre de lutte anti-acridienne de Nouakchott. Il faut aussi également éliminer les essaims qui sont matures et vont donner d’autres générations de ravageurs. De nombreux champs ont déjà été dévastés même si pour l’instant aucune estimation chiffrée des surface et des dégâts n’est possible. Les cultures les plus touchées sont les haricots, les arachides, le sorgho et les pastèques. «A l’arrivée des premiers essaims nous avons cru qu’il s’agissait de nuages. Le bruit nous a fait penser à l’orage et nous avons plié bagage pour nous mettre à l’abri, raconte cet agriculteur de Kobenni. Quelques instants après l’essaim de criquets jaunes s’est posé sur plus d’un kilomètre et a recouvert entièrement le sol. Tous les premiers semis ont été ravagés et nous avons dû replanter. Sans les criquets, nous aurions pu déjà récolter le petit mil qui constitue une denrée de soudure entre deux récoltes».

Avant l’arrivée des premières équipes de traitement, les inspecteurs du ministère du Développement rural ont sensibilisé les paysans aux méthodes de lutte traditionnelle. Tranchées pour barrer l’avancée des bandes larvaires mais aussi pneus et branches sèches brûlés, tous les moyens sont bons pour sauver les champs. «Même si on ne protège qu’un terrain sur dix, nous devons convaincre les paysans d’utiliser ces méthodes» explique un élu. Pour l’instant les moyens d’intervention sont toujours très insuffisants. Les douze équipes présentes sur le terrain et les avions mauritanien et marocains arrivés ces jours-ci ne peuvent matériellement pas traiter tous les foyers infestés.


par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 24/08/2004 Dernière mise à jour le 24/08/2004 à 11:06 TU

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Michel Lecoq

Chercheur au CIRAD, le Centre de recherche internationale en agronomie pour le développement.

«On assiste inexorablement au développement d'une invasion de cette espèce.»

[27/07/2004]

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