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Guinée équatoriale

Les relations mercenaires de Mark Thatcher

Mark et Margaret Thatcher, l'ancien Premier ministre britannique. 

		(Photo : AFP)
Mark et Margaret Thatcher, l'ancien Premier ministre britannique.
(Photo : AFP)
Mercredi matin, au Cap, la police sud-africaine a interpellé Mark Thatcher. Il a été remis en liberté sous caution le soir même mais reste placé sous contrôle judiciaire. Il est soupçonné d’infraction aux lois sur «l’assistance militaire à l’étranger en relation avec la tentative de coup d’Etat en Guinée équatoriale». Le fils de l’ancien Premier ministre britannique aurait fourni une «assistance logistique», selon la police qui a perquisitionné son domicile, dans la banlieue chic de Constanzia. Au Cap, Mark Thatcher est le voisin et l'ami du chef du commando de mercenaires arrêtés le 7 mars dernier sur le tarmac de l’aéroport d’Harare, Simon Mann, un ancien officier des SAS britanniques. A Malabo, un complice sud-africain, Nick du Toit admet des relations d’affaires avec lui.

La piste des 85 mercenaires en cours de jugement à Harare (Zimbabwe) et à Malabo (Guinée équatoriale) a conduit les enquêteurs sud-africains jusqu’à Mark Thatcher, le fils de l’ancien Premier ministre britannique. Les «Scorpions» de l’unité d’élite de la police sud-africaine ne croient pas que Mark Thatcher soit un simple voisin ignorant tout des activités du chef du commando d’Harare, Simon Mann, qui réside lui-aussi dans la banlieue du Cap où ils ont arrêté le fils de l’ancien Premier ministre britannique, le 25 août au matin. Ils savent que les deux hommes sont amis comme l’a d’ailleurs reconnu Mark Thatcher lui-même, en juillet dernier, dans un entretien avec le quotidien britannique The Telegraph. La question se posait d’autant plus que son nom revenait régulièrement dans l’affaire du putsch raté de Malabo. Mais Mark Thatcher était aussi en «affaires» avec le chef du commando basé dans la capitale équato-guinéenne, le mercenaire sud-africain Nick du Toit dont le procès a démarré lundi, à Malabo.

Le 25 août, devant le procureur équato-guinéen, Nick du Toit a reconnu qu’il entretenait des relations en vue d’un projet «seulement commercial» avec Mark Thatcher qui lui aurait été justement présenté par Simon Mann. Au cours d’une rencontre en Afrique du Sud, en juillet 2003, «nous avons parlé de choses purement commerciales, concernant la vente et l'achat d'hélicoptères», déclare Nick du Toit, précisant au passage qu’il possède «une société légalement constituée et enregistrée au ministère sud-africain de la Défense». «Mark Thatcher avait une exploitation minière au Soudan et voulait deux hélicoptères MI-8...j'en avais de disponibles en Zambie, nous avons parlé de cette affaire d'hélicoptères». Pour sa part, Nick du Toit reconnaît une responsabilité «limitée» dans la tentative de putsch, face au procureur qui menace de requérir la peine de mort contre lui. De son côté, Simon Mann a déjà admis en justice, à Harare, qu’il avait acheté des armes à la manufacture zimbabwéenne pour renverser le président équato-guinéen, Obiang Nguema.

«Financement de la tentative de putsch»

Mark Thatcher a été entendu par un juge sud-africain au soir de son arrestation. Astreint à résidence au Cap, il devra acquitter une caution de deux millions de rands (300 000 dollars) d'ici le 8 septembre. Il devra se présenter devant la justice en novembre. Un représentant des Scorpions l'accuse d’avoir «été responsable du financement de la tentative de putsch» conduite par des mercenaires en mars dernier, contre la Guinée équatoriale. C’est déjà ce dont l’accusait le président Obiang Nguema quelques semaines plus tôt dans un article de l’hebdomadaire Jeune Afrique «Certains éléments semblent indiquer que le fils de l’ancien Premier ministre Margaret Thatcher, Mark Thatcher, ait pu être dans le coup. Tout comme un ancien ministre de Mme Thatcher, dont je préfère pour l’instant taire le nom», disait-il le 1er août dernier. Les Scorpions en cherchent encore la preuve irréfutable. Ils font valoir que le fils de l'ancien Premier ministre britannique avait vendu ses biens, acheté des billets d'avion pour lui et sa famille à destination des Etats-Unis et inscrit ses enfants dans des écoles américaines pour la rentrée de septembre. 

Jusqu’à présent, le fils de Margaret Thatcher s’était surtout illustré dans les médias par une panne dans le rallye Paris-Dakar, en janvier 1982. Elle l’avait confiné dans le secret du désert pendant six jours, au grand émoi de la «dame de fer». Mark Thatcher avait alors 28 ans. Il en a aujourd’hui 51. Entre temps, il aurait tenté plusieurs fois de faire valoir sa parenté avec l’ancien chef du gouvernement conservateur (de 1979 à 1990), pour relancer des affaires pas toujours florissantes. Il avait notamment été soupçonné d’ingérence dans les années quatre-vingt, à propos du contrat de construction de l'université d'Oman attribué à une entreprise britannique. Mark Thatcher avait opportunément rejoint l'émirat du Golfe persique pendant une visite officielle de Margaret Thatcher.

En 1977, la trésorerie de son écurie automobile s’était effondrée. Dix ans plus tard, après avoir épousé l'héritière texane Diane Burgdorf, avec laquelle il a deux enfants, Mark Thatcher s’était lancé dans la promotion des voitures de sport anglaises Lotus aux Etats-Unis. Il aurait perdu des millions de livres. Repliés fin 1995 en Afrique du Sud, Mark et Diane Thatcher ont quand même pu s’offrir une maison luxueuse au pied de la montagne de la Table, aux environs du Cap. Mais Mark Thatcher peinant quelques mois plus tard à faire renouveler son visa, sa mère s’était déplacée en Afrique du Sud pour le tirer d’affaire. Cette fois, la baronne Thatcher est en vacances aux Etats-Unis. Elle est attendue vendredi à Londres, à moins qu’elle ne fasse un détour par le Cap de Bonne espérance. Pour le moment, son fils s’est montré «relativement coopératif» avec les enquêteurs sud-africains. Il clame son innocence. 

Selon le procureur de Malabo, depuis son exil espagnol, l’opposant Severo Moto avait promis aux mercenaires 1,8 million de dollars, mais surtout des droits pétroliers dans la Guinée équatoriale qu’il entendait diriger. Ces «châteaux en Espagne» se sont écroulés, en faisant des vagues, jusqu’à Londres.



par Monique  Mas

Article publié le 25/08/2004 Dernière mise à jour le 25/08/2004 à 15:23 TU