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Zimbabwe

Ajournement du procès des 70 mercenaires

Les 70 mercenaires emprisonnés à la prison de haute sécurité de Chikurumbi, au Zimbabwe, seront jugés le 27 août. 

		(Photo: AFP)
Les 70 mercenaires emprisonnés à la prison de haute sécurité de Chikurumbi, au Zimbabwe, seront jugés le 27 août.
(Photo: AFP)
Le Zimbabwe vient d’ajourner au 27 août le procès des 70 mercenaires, porteurs de passeports sud-africains, arrêtés à l’aéroport d’Harare dans la nuit du 7 au 8 mars dernier. Au Zimbabwe, ils ne peuvent pas être condamnés pour la tentative de coup d’Etat en Guinée équatoriale où quatorze de leurs complices doivent passer en jugement le 23 août prochain. Les détenus d’Harare risquent de cinq à dix ans de prison. Ceux de Malabo encourent la peine de mort. Tous sont employés par des sociétés privées qui font commerce international de mercenaires. Le commanditaire serait un opposant équato-guinéen réfugié en Espagne, Severo Moto, dont Malabo n’a pas obtenu l’extradition.

Déjà suspendu le 29 juillet, deux jours après son ouverture, le procès des 70 mercenaires détenus à Harare a été reporté au 27 août, après seulement deux jours d’audiences, les 18 et 19 août. La prochaine fois, devrait en tout cas sonner l’heure des réquisitoires contre les aspirants putschistes. Mais à Harare, ceux-ci ne sont pas poursuivis pour leur contrat avec l’opposition du président Obiang Nguema. L’affaire échappe à la justice zimbabwéenne qui n’est pas compétente hors des frontières nationales. Elle a dû limiter ses accusations aux infractions concernant les lois du Zimbabwe sur l’aviation, l’immigration et le commerce des armes. La police a en effet mis la main sur tout un arsenal dans un coin du tarmac de l’aéroport d’Harare où stationnait un Boeing 727 suspect.

Soixante-sept hommes étaient à bord. Trois autres attendaient au sol avec une première version sur leur escale zimbabwéenne : une affaire de réglage technique avant la poursuite du vol au Burundi et le transfert des gros bras au Congo-Kinshasa pour assurer la sécurité d’une mine de diamants, assuraient-ils. Mais en fait de problèmes techniques à Harare, le Boeing au long cours devait charger des armes provenant de la Zimbabwe Defence Industry (ZDI), une société d’Etat. Quatorze éléments précurseurs attendaient le commando dans la capitale équato-guinéenne, destination des hommes et des caisses de lance-roquettes, des AK47 et des autres mortiers ou grenades livrés par la manufacture du Zimbabwe. Les enquêteurs ont même trouvé un plan de Malabo dans le Boeing, comme en a témoigné jeudi l'officier de police qui a dirigé les opérations de fouille.

Une unité spéciale de l’apartheid entrée dans le mercenariat international

Tous munis de passeports sud-africains, les soldats de fortune stoppés à Harare sont pour la plupart originaires de Namibie et d’Angola, anciennes terres de chasse du Buffalo Bataillon, une unité spéciale de l’Afrique du Sud de l’apartheid, redoutée pour son savoir-faire en noir et blanc, un passe-partout sur le continent. Dissout en 1993, le Buffalo Bataillon a été le réservoir privilégié des recruteurs d’Executive Outcome, une société faisant commerce de «sécurité et conseil militaire», avec pignon sur rue en Afrique du Sud.

En 1995, la prohibition du mercenariat en Afrique du Sud a chassé Executive Outcome, transplantée en en Grande-Bretagne et rebaptisée Sandlines. Sous l’une ou l’autre étiquette, les mercenaires africains se sont régulièrement illustrés ces dix dernières années, d’Angola en Ouganda ou de Sierra Leone en Côte d’Ivoire. Au service rémunérateur de pouvoirs «légitimes», de rébellions où de sociétés écrans, le staff originel a essaimé un peu partout, jusqu’en Irak où la société Meteoric Tactical Solutions a dû fermer boutique, après l’arrestation de deux de ses employés à Harare. Elle avait remporté son premier contrat en Irak en mars 2003 et assurait notamment la protection d'un officier américain de haut rang.

Executive Outcome compte parmi ses pères fondateurs un ancien des SAS britanniques, Simon Mann qui est aussi le propriétaire du fameux Boeing 727 arraisonné sur le tarmac de l’aéroport international d’Harare. A la différence de 66 de ses co-inculpés qui ont plaidé non-coupables d'atteinte aux lois locales sur la sécurité «en conspirant pour acquérir des armes», Simon Mann a reconnu des infractions en la matière. Après son compère sud-africain, co-fondateur d’Executive Outcome, Nick du Toit, passé aux aveux radiotélévisé à Malabo, le Britannique a également admis, fin juillet, dans une longue confession écrite, que l’objectif réel de l’équipée zimbabwéenne était le renversement du président équato-guinéen, Mathias Obiang Nguema.

«C'est le 23 août que nous allons commencer le procès», indiquait le 30 juillet le procureur général équato-guinéen José Olo Obono, à l'issue d'une réunion avec une délégation sud-africaine venue s’enquérir de la situation humanitaire de ses huit ressortissants détenus au pénitencier de Malabo. Les six autres sont arméniens (un Allemand est mort en détention). Tous sont accusés de «délits contre le chef de l'Etat, contre la forme de gouvernement ainsi que de délits qui compromettent la paix ou l'indépendance de l'Etat, trahison, détention illicite d'armes et de munitions, terrorisme et détention d'explosifs». Selon la loi, ils risquent la peine de mort. Malabo assure qu’elle ne sera pas requise.

Severo Moto protégé par son statut de réfugié politique en Espagne

Les détenus sud-africains d’Harare ont demandé en vain leur rapatriement. Il a été rejeté le 4 août par la Cour constitutionnelle sud-africaine. De son côté, Malabo a demandé l’extradition des 70 d’Harare. En vain jusqu’à présent. Même rejet à Madrid concernant le commanditaire présumé de la tentative de putsch, Severo Moto, auto-proclamé président d'un «gouvernement équato-guinéen en exil». L’opposant est protégé par son statut de réfugié politique en Espagne. «La modification d'un tel statut n'est pas du ressort du gouvernement en Espagne», indique le sénateur du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, au pouvoir), chargé de l’expliquer à Malabo, pour éviter les dérapages diplomatique.

Le statut de Severo Moto «a rang de droit constitutionnel et seuls les juges peuvent le lever», poursuit le sénateur. Mais dans tous les cas, la loi dispose que «jamais la personne concernée ne serait expulsée vers son pays d'origine mais vers un pays tiers». Toutefois, ajoute-t-il, «nous avons garanti au gouvernement de Guinée équatoriale que nous ne tolèrerions pas que quiconque, à partir de notre sol, utilise la violence pour changer le régime politique de la Guinée Equatoriale». Et, bien évidemment, Madrid ne reconnaît pas le gouvernement fantôme de Severo Moto.



par Monique  Mas

Article publié le 20/08/2004 Dernière mise à jour le 20/08/2004 à 15:42 TU