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Cuba-Panama

Grosse colère diplomatique

Fidel Castro n'admet pas la grâce de ceux qui ont voulu le tuer en 2000. 

		(Photo : AFP)
Fidel Castro n'admet pas la grâce de ceux qui ont voulu le tuer en 2000.
(Photo : AFP)
Au terme d’un feuilleton judiciaire et politique, La Havane a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec Panama. Cette décision intervient après la grâce accordée par la présidente panaméenne à quatre hommes accusés d’avoir voulu assassiner Fidel Castro en novembre 2000.
 De notre correspondante à La Havane 

Un véritable scénario en plusieurs actes vient de se jouer entre Cuba et le Panama lors des quinze derniers jours. Premier acte : une note diplomatique publiée le 14 août par La Havane. Il y est question de rumeurs concernant la grâce que pourrait accorder la présidente du Panama, Mireya Moscoso, à quatre militants anticastristes emprisonnés au Panama. Le ministère des Affaires étrangères cubain y dénonce « les nombreux crimes commis par ces personnes » et signale que la responsabilité d’une telle démarche « retomberait sur les épaules de la présidente panaméenne », qui doit quitter le pouvoir le 31 août.

Les quatre hommes en question, des exilés cubains âgés de 60 à 76 ans, sont soupçonnés d’avoir projeté un attentat contre Fidel Castro en novembre 2000, alors que celui-ci devait tenir un discours à un sommet ibéro-américain à Panama. Faute de preuves de complot proprement dit, malgré la découverte de plusieurs kilos d’explosifs, Luis Posada Carriles, Gaspar Jiménez, Guillermo Novo et Pedro Remón ont été condamnés pour atteinte à la sécurité publique et falsification de documents, à des peines de sept à huit ans de prison.

Deuxième acte une semaine plus tard, quand La Havane rédige une seconde note diplomatique publiée dans le quotidien national Granma. Cette fois-ci, les autorités castristes préviennent le Panama que la libération des quatre « monstrueux criminels » entraînerait une rupture immédiate des relations diplomatiques entre les deux pays. En guise de réponse, Panama rappelle son ambassadeur à La Havane et annonce que la grâce des anticastristes est désormais à l’étude. Une décision suivie le lendemain par l’expulsion de l’ambassadeur cubain à Panama.

Troisième acte, le mercredi 25 aout, avec l’annonce, dans la soirée, de la grâce des quatre hommes. Le lendemain à l’aube, un avion privé emmène trois d’entre eux à Miami où ils sont accueillis par des dizaines de personnes enthousiastes. Dans l’après-midi, Cuba annonce la rupture des relations diplomatiques « pour un temps indéfini ». Même si la situation semble actuellement des plus tendues, le dernier acte pourrait bien être la réconciliation entre les deux pays, lors de la prise de pouvoir du nouveau président panaméen, le 1er septembre. Martin Torrijos, le fils du général Ricardo Omar Torrijos, qui fut un grand ami de Fidel Castro, a en effet dénoncé publiquement la décision de la présidente, la qualifiant de « regrettable et injustifiable ».

Grâciés pour raisons humanitaires

Les rebondissements de cette affaire et la réaction cubaine s’expliquent car ils touchent à un sujet crucial pour La Havane : les actions violentes exécutées par l’exil cubain depuis 45 ans pour mettre fin au régime castriste. Luis Posada Carriles, considéré comme le chef des quatre anticastristes libérés jeudi, est en effet accusé par le gouvernement cubain d’avoir participé à de nombreux attentats contre l’île communiste et contre son líder maximo, Fidel Castro.

L’un des attentats imputés à cet homme de 76 ans concerne l’explosion en vol d’un avion de la Cubana de Aviación, en 1976 : 73 personnes avaient trouvé la mort, dont l’équipe féminine d’escrime. Arrêté au Vénézuela dans le cadre de cette affaire, il s’était évadé en 1985 avant de trouver refuge au Salvador. A la fin des années 90, il avait revendiqué la série d’attentats qui avaient visé des installations touristiques de La Havane, en 1997, où un touriste italien avait été tué. Dans une interview accordée en 1998 au New York Times, Luis Posada Carriles avait affirmé avoir reçu son financement de la Fondation nationale Cubano-américaine, une puissante organisation de Floride représentant la partie la plus radicale de l’exil cubain, qui a toujours nié avoir participé à des actions violentes contre l’île.

Lors de son arrestation à Panama en 2000, Cuba avait demandé l’extradition de Luis Posada Carriles, accusé de terrorisme. Elle avait alors été refusée par la même Mireya Moscoso. Jeudi, elle a justifié la grâce présidentielle « pour des raisons humanitaires, car ils pouvaient être extradés vers le Vénézuela ou Cuba, où, j'en suis sûre, ils auraient été tués », a-t-elle ajouté.

En réaction à ces propos, le Vénézuela a rappelé son ambassadeur à Panama, sans toutefois rompre ses relations diplomatiques avec son voisin d’Amérique centrale. Par ailleurs, si trois des Cubains libérés, de nationalité américaine, ont rejoint Miami, personne ne sait où se trouve actuellement le quatrième, leur chef présumé, Luis Posada Carriles.



par Sara  Roumette

Article publié le 28/08/2004 Dernière mise à jour le 28/08/2004 à 09:18 TU