Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Egyptologie

Les émules de Champollion veulent plus de moyens

A Gizeh. Lancé par l'expédition française de Bonaparte sous les pyramides, l'engouement pour l'égyptologie ne se dément pas. 

		(Photo: AFP)
A Gizeh. Lancé par l'expédition française de Bonaparte sous les pyramides, l'engouement pour l'égyptologie ne se dément pas.
(Photo: AFP)
Jusqu’au 12 septembre, les congressistes passionnés d’égyptologie ont rendez-vous dans le Dauphiné pour y communiquer les résultats de leurs derniers travaux dans le domaine de la recherche en histoire ancienne: 400 interventions-conférences sont prévues en présence d’un millier de spécialistes. Adossées à cette manifestation, la région propose une exposition et l’ouverture au public de la maison de Champollion.
Jean-François Champollion, «père» de l'égyptologie moderne. 

		DR
Jean-François Champollion, «père» de l'égyptologie moderne.
DR

Ce rendez-vous quadriennal est un événement toujours très attendu au sein de la communauté des égyptologues. Les organisateurs se réjouissent du succès de ce congrès qui attire des scientifiques et des historiens du monde entier, d’Egypte bien entendu, mais aussi d’Australie, d’Israël, du Mexique, d’Argentine, du Japon, de Taiwan. Le congrès siège à Grenoble, comme un hommage de la communauté scientifique à son père-fondateur, Jean-François Champollion.

L’engouement pour l’Egypte, inauguré par l’expédition de Napoléon, n’a pas perdu de sa vigueur. Le désert et les pyramides mutiques fascinent encore, et les scientifiques s’acharnent toujours à tenter de déchiffrer le silence des sables pour y trouver des traces des royaumes oubliés. Sans doute les plus illustres souverains de la vallée du Nil ne furent-ils pas les seuls à y régner; les recherches sur ces pans d’histoire méconnus sont prometteurs de connaissances, mais piétinent faute de moyens mis à la disposition des chercheurs. «Le travail des égyptologues est de bonne qualité, et son avenir est encourageant», estime Jean Yoyotte, ancien professeur d’égyptologie au Collège de France, même si Laetitia Gallet déplore: «la situation est de plus en plus difficile pour les jeunes égyptologues». Ce regret est partagé par les anciens: «aujourd’hui, souligne effectivement Jean Yoyotte, il n’y a que quatre postes au concours pour une centaine de candidats ! (…) les fouilles modernes (sondage, géophysique, prospection aérienne, radar) coûtent cher».

Au demeurant, les investigations évoluent, et changent de nature. Un confrère du journal La Croix cite l’exemple du professeur Günter Dreyer, directeur de l’Institut allemand d’archéologie du Caire qui oriente ses recherches vers le cimetière royal d’Abydos en Haute-Egypte. Ce cimetière recèle des tombes des «tout premiers pharaons, tellement anciens que les textes n’avaient retenus d’eux qu’un vague souvenir. Des rois considérés comme mythiques». En interrogeant d’autres périodes que celles déjà bien identifiées, les nouvelles générations d’égyptologues enrichissent donc les connaissances des historiens: il semblerait par exemple, si on se fie aux trouvailles archéologiques effectuées, que des rois ayant régné entre 3200 et 3000 avant JC «auraient déjà unifié l’Egypte et établi des relations importantes, commerciales et peut-être politiques avec les cités du Levant», d’où de nouvelles donnes quant aux influences et aux brassages culturels avec le reste du monde.

Rencontre fatidique des «égyptomanes» français avec les experts

C’est, également, dans le cadre des expositions de travaux donnant lieu à des débats, que le congrès devrait permettre à Gilles Dormion et Jean-Yves Verd’hurt, deux égyptologues-amateurs français, d’échanger leurs vues avec le secrétaire général du Conseil suprême des antiquités de l’Egypte, Zahi Hawas. Si depuis dix-sept ans, l’égyptologue Jean-Pierre Corteggiani, membre de l’Institut français d’archéologie orientale (Ifao) au Caire, encourage leurs travaux en disant qu’il est «difficile de refuser des évidences basée sur des faits, de la logique», il n’en est pas de même d’une autre partie de la communauté scientifique qui défend l’entrée du sérail et refuse aux «égyptomanes» éclairés de fouiller et vérifier leurs hypothèses.

Le prochain épisode de la polémique, concernant les interrogations et la requête de Gilles Dormion et Jean Verd’hurt, devrait se jouer cette semaine après l’exposition de leur travail, mardi. Jusqu’à présent, l’autorisation de percer un trou de 15 mm de diamètre, en vue de passer un endoscope, leur est catégoriquement refusée. Pour sa part, Michel Vallogia, égyptologue à l’université de Genève (dirigeant la mission d’Abou Rawach, pyramide du fils de Khéops), le déplore: «Ce que Dormion propose est très convaincant. N’importe quel égyptologue a envie de savoir ce qu’il y a au bout de ce conduit» (ndlr: celui-même décelé par Dormion et Verd’hurt après des études architecturales élaborées). Faut-il montrer patte blanche au sphinx pour être respecté dans la discipline ? Ou bien les cinq millions de tonnes de pierres menaceraient-ils de s’effondrer si l’on perçait ce petit trou ? «Je ne laisserai pas le sang égyptien être souillé par des amateurs», dit simplement Zahi Hawas, qui appuie son refus sur le fait qu’il existe «300 théories concernant les chambres secrètes et d’autres choses à l’intérieur de la pyramide mais, dit-il, si je les laisse tous tester leurs théories, ils feront des dégâts indescriptibles à la pyramide»..

Le congrès, suscitant une animation dans la région, est aussi l’occasion d’une grande exposition, à la fois égyptologique et historiographique, au musée dauphinois de Grenoble. Vingt-huit statues datant de l’époque du pharaon Ramsès II, découvertes dans la cour de la «Cachette de Karnak» par l’archéologue français Georges Legrain entre 1903 et 1906 sont exposées, dont 26 proviennent d’Egypte, une de Grenoble, et une du musée du Louvre.

Par ailleurs, à l’occasion de cette neuvième conférence internationale, attirant un large public, le département de l’Isère a ouvert les portes de la maison Champollion de Vif (Isère). Cette maison fut occupée, une grande partie de sa vie, par le célèbre égyptologue, auquel on doit, en 1822, la découverte du déchiffrage des hiéroglyphes et, ce faisant, la première lecture véritable, rationnelle et analytique, de la langue égyptienne antique. La maison de Vif est restée dans la famille Champollion pendant cinq générations. Elle a été vendue, pour 1 million d’euros, avec la correspondance de l’égyptologue, sa bibliothèque, ses archives personnelles, les meubles, les tableaux, et l’empreinte de la pierre de Rosette que Champollion a utilisée pour déchiffrer les hiéroglyphes. L’acquéreur, le département de l’Isère, envisage d’entreprendre de lourds travaux de rénovation et de mise aux normes pour en faire, d’ici deux ans, un centre de recherche permanent en égyptologie.


par Dominique  Raizon

Article publié le 08/09/2004 Dernière mise à jour le 08/09/2004 à 15:28 TU

www.maison-champollion-isere.com