Afghanistan
Nouveaux affrontements à Herat
(Photo: AFP)
L’ouest du pays est à nouveau la proie d’une très vive agitation politique. Depuis l’annonce, samedi, de la nomination du gouverneur de la province d’Herat au poste de ministre des Mines et de l’Industrie, les manifestations d’hostilité au pouvoir central se succèdent dans la capitale provinciale pour obtenir le maintien à son poste du «Lion de Herat», le chef de guerre d’origine tadjik Ismaël Khan, et le retrait de son successeur désigné, réputé proche du pouvoir central, Sayed Mohammad Khair Khuwa, actuellement ambassadeur d’Afghanistan en Ukraine.
Les manifestant s’en sont pris, samedi, aux soldats afghans et américains et les heurts ont été violents. De source hospitalière, on annonce un bilan de 2 morts et 4 blessés. Dimanche, les bâtiments du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Unama) ont été attaqués et leurs portes ont été incendiées par des manifestants. Les locaux de l’Unama ont été pillés et du matériel a été brûlé à l’extérieur du bâtiment. Le personnel a pu être évacué sain et sauf. Le bilan des heurts de dimanche s'élève néanmoins à 7 morts parmi les manifestants.
L’affaire des droits de douane
Ismaël Khan a décliné la promotion offerte par le président afghan, Hamid Krazaï, de rejoindre le gouvernement de Kaboul. En réalité, cette proposition est interprétée par Ismaël Khan et ses partisans comme une nouvelle tentative du gouvernement central d’écarter l’émir autoproclamé d’Herat et de reprendre le contrôle de la province. Les relations sont tendues entre les deux hommes en raison des tentatives répétées du président Karzaï de reprendre le contrôle de la province occidentale. Celle-ci est en effet considérée comme hautement stratégique en raison de son ouverture à l’ouest vers la République islamique d’Iran et, au nord, vers le Turkménistan.
Plus de deux ans après l’arrivée au pouvoir du gouvernement intérimaire et à quelques semaines d’une élection présidentielle historique, le 9 octobre, cette révocation-promotion d’Ismaël Khan entre dans une stratégie globale, et ancienne, du pouvoir central visant à renforcer son emprise sur une périphérie toujours largement contrôlée par les chefs de guerre et les milices locales. Ismaël Khan est lui-même un ancien combattant anti-soviétique, puis anti-Taliban, qui s’est emparé d’Herat lors de l’offensive de l’automne 2001 et qui, depuis, exerce un contrôle sans partage sur la province et ses ressources. Il manifeste également une grande réserve sur les orientations pro-américaines de l’actuelle direction.
L’autre enjeu de cette affaire concerne le «nerf de la guerre», les droits de douane du commerce transfrontalier dont Herat perçoit la plus grande partie, et dont Kaboul a cruellement besoin pour alimenter les caisses de l’Etat et financer les programmes de reconstruction. Le manque à gagner s’élève à des dizaines de millions de dollars.
Karzaï n’a jamais renoncé
La tension de ces derniers jours fait craindre un nouveau dérapage dans cette région, devenue un véritable abcès de fixation. L’administration centrale, incarnée par Hamid Karzaï, n’a jamais renoncé à recouvrer sa souveraineté sur la turbulente province. A la mi-août, des affrontements meurtriers avaient opposé les partisans d’Ismaël Khan à ceux du chef de guerre pachtoune Amanullah Khan. Cette offensive avait notamment permis à l’armée nationale afghane de se déployer dans la province sous prétexte de s’interposer entre les parties.
Au mois de mars, à la suite de l’assassinat du fils d’Ismaël Khan, de très violents combats avaient opposé, cette fois, les partisans de l’émir à la 17e division de l’armée afghane. La bataille avait tourné à l’avantage des partisans.
Selon l’AFP, dimanche à la mi-journée, les soldats américains avaient été déployés dans Herat et repris le contrôle des deux bâtiments de l’ONU attaqués. Mais des tirs étaient encore entendus à proximité du site. Dans un communiqué diffusé samedi soir, le représentant spécial de l’ONU appelle toutes les parties à la retenue.
par Georges Abou
Article publié le 12/09/2004 Dernière mise à jour le 12/09/2004 à 10:12 TU