Guinée équatoriale
Les enquêteurs s’invitent au procès Thatcher
(Photo : AFP)
Sur les trois procédures ouvertes, au Zimbabwe, en Afrique du Sud et en Guinée équatoriale, seule la première à abouti, le 10 septembre, la cour de Harare condamnant à sept ans de prison l’ami et voisin au Cap de Mark Thatcher, le mercenaire Simon Mann, considéré comme le cerveau de l’opération menée avec 69 complices à Harare et 19 autres à Malabo. Les deux pilotes du Boeing 727 arraisonné au Zimbabwe ont écopé de seize mois de prisons pour violation des lois zimbabwéennes sur l’aviation. Ceux qui devaient charger les armes à bord de l’appareil sous la direction de Simon Mann ont été condamnés à 12 mois de prison pour non-respect des lois sur l'immigration
Depuis le paiement par sa mère d’une caution de deux millions de rands (environ 250 000 euros), le 2 septembre, Mark Thatcher est en liberté surveillée. Il est assigné à résidence au Cap et tenu de se présenter chaque jour à la police jusqu’à sa convocation devant le juge sud-africain le 22 septembre. De son côté, le juge équato-guinéen a invoqué l’arrestation (le 25 août) de Mark Thatcher pour suspendre sine die le procès des 19 inculpés de Malabo (huit Sud-Africains, six Arméniens et cinq Equato-Guinéens), le 31 août, le temps d’un «complément d'informations». Mais déjà, le 27 août, en établissant que Mann avait tenté d'acquérir illégalement des armes de la Manufacture du Zimbabwe en vue du renversement du président équato-guinéen, la cour d’Harare a consolidé les accusations lancées par Malabo.
Simon Mann aurait eu en quelque sorte la direction technique de la tentative de putsch. Et cela au profit de l’opposant équato-guinéen Severo Moto, en exil en Espagne et qui dément. Pour l’achat des armes au Zimbabwe, «l'accusé était responsable de toute la transaction. Il a été arrêté alors qu'il tentait de sortir les armes du pays», explique le juge d’Harare. Mais au total, le financement de l’opération impliquerait d’autres donneurs d’ordres, parmi lesquels Mark Thatcher. Des fonds auraient transité dans des comptes détenus par Simon Mann à Guernesey. Mark Thatcher est en particulier soupçonné de lui avoir versé 275 000 dollars (230 000 euros), ce qui, au minimum, le met en infraction avec la loi sud-africaine sur l'assistance militaire à l'étranger, qui interdit les activités de mercenariat assumées par Simon Mann.
«Scratcher» et «Smelly»
Mark Thatcher nie tout en bloc. Mais les policiers sud-africains détiennent une lettre écrite par Mann depuis sa cellule et dans laquelle il presse ses proches de solliciter un certain «Scratcher» qui pourrait désigner le fils de la «dame de fer». Mann cite également un courtier en pétrole, Elie Khalil, alias «Smelly», connu à Londres, où il est basé, pour ses relations avec Severo Moto. Deux Britanniques, Greg Wales et David Hurt, et même un ancien conseiller de Margaret Thatcher, David Hart, sont nommément désignés. Selon la presse britannique, le réseau Mann-Thatcher ratisse encore plus large et très haut, côté conservateurs.
«L'affaire a une dimension internationale, il y a des enquêtes à l'extérieur du pays qui échappent à ce tribunal», avait affirmé le président de la cour de Malabo, Salvador Ondo Nkumu, en suspendant le procès de Malabo. Pour sa part, Teodoro Obiang Ngema voit la main de l’Espagne dans cette tentative de renversement que renie Severo Moto depuis son exil ibérique. L’opposant équato-guinéen a été mis en cause par le principal inculpé de Malabo, le Sud-Africain Nick du Toit, accusé d’être le chef du peloton de mercenaires interceptés dans l’île. «On m'avait dit qu'il était dans un pays très proche et qu'il serait là 30 minutes après le coup», assure du Toit à propos de Moto. Malabo nourrit des soupçons tous azimuts contre plusieurs autres Etats occidentaux qu’il se refuse à citer. Le président Nguema affirme en revanche qu’ils ont tous des visées pétrolières sur le micro Etat, mais colosse pétrolier, où la famille Nguema règne depuis un demi-siècle, le neveu chassant l’oncle. Le Sénat américain, par exemple, a publié un rapport accablant en juillet dernier, accusant la banque américaine Riggs d'avoir abrité d'importants détournements de fonds au profit des Nguema.
Visiblement, Malabo a décidé de ne pas mettre tous ses œufs pétroliers dans le même panier occidental. En visite officielle à Tripoli du 5 au 7 septembre, Teodoro Obiang Nguema a signé avec son homologue libyen Mouammar Kadhafi, un accord de «coopération entre les compagnies pétrolières nationales des deux pays, en vue de procéder à des investissements communs dans la prospection, la production et la distribution de pétrole». Tripoli avait fermé son ambassade à Malabo en 1980 un an après le coup d'Etat victorieux du président Obiang Nguema. Aujourd’hui, la Guinée Equatoriale rattrape les chiffres pétroliers de l’Angola (deuxième producteur de brut en Afrique). Nguema et Kadhafi envisagent «une compagnie aérienne devant relier Malabo à Tripoli».
par Monique Mas
Article publié le 13/09/2004 Dernière mise à jour le 14/09/2004 à 06:39 TU